Retour sur les manifs anti-G20

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Publié 23/07/2010 par François Bergeron

À l’occasion des sommets du G8 et du G20, fin juin, des milliers de personnes ont manifesté à Queen’s Park, en face du consulat américain rue University, à quelques endroits de la rue Yonge (perturbant notamment l’arrivée chez le coroner du corps d’un soldat tombé en Afghanistan), autour du quartier-général de la police à l’angle Grosvenor et Bay, sur la rue Queen ouest et les artères du quartier financier menant à la clôture isolant le secteur du palais des congrès, et finalement devant le centre provisoire de détention aménagé sur le terrain des anciens studios de cinéma de la rue Eastern (non loin des bureaux de L’Express).

Seul ce dernier rassemblement visait une cause spécifiquement associée à l’événement: le traitement du millier de manifestants arrêtés la veille et le jour même, dont moins de 300 répondront de leurs actes, pour la plupart des délits mineurs, devant un tribunal.

Les autres manifestations, souvent coordonnées et financées par des syndicats – notamment le Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP) qui représente les «travailleurs» les plus privilégiés de la société, le dernier bastion du syndicalisme – étaient dominées par des griefs contre les «riches», les banques ou les grandes entreprises qui exploiteraient le «peuple», avec la complicité des chefs de gouvernement qui dînaient et discutaient ensemble derrière la clôture.

«Il faut s’organiser et envoyer le message que la privatisation, la libéralisation du commerce et ce système économique fondé sur la cupidité ne fonctionnent pas», proposait le SCFP dans le communiqué de presse annonçant sa participation aux événements.

À ces complaintes juvéniles, embarrassantes dans notre société où une meilleure information démontrant tout le contraire de ce qu’avance le SCFP est pourtant facilement accessible, se greffaient d’autres causes plus ou moins pertinentes.

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Le «Toronto Community Mobilization Network», organisateur officiel du rassemblement, se voyait en train de «bâtir le momentum pour un mouvement pour la souveraineté et l’auto-détermination indigène, la justice environnementale et climatique, la justice pour les migrants et la fin des guerres et des occupations, l’équité de revenu et le contrôle communautaire sur les ressources, la justice sexuelle et les droits des Queers et des handicapés»… C’est ma traduction libre mais la version originale anglaise n’est guère plus élégante.
 
Un contingent de femmes brandissant des cintres, symbole de l’avortement clandestin dangereux, paraissait réclamer un droit qui est pourtant acquis chez nous depuis une vingtaine d’années. Certes, ce n’est pas le cas chez tous les membres du G20, qui comprend notamment l’Arabie saoudite, la Turquie et l’Indonésie. Mais ce n’était pas eux qu’on vilipendait, c’était le premier ministre Stephen Harper, dont l’initiative de plusieurs milliards de dollars pour la santé des femmes dans les pays pauvres avait le défaut de ne pas mentionner spécifiquement le contrôle des naissances.

C’est vrai qu’on trouve encore quelques députés conservateurs souhaitant encadrer la pratique de l’avortement au Canada, mais c’est une espèce en voie de disparition. L’avortement ne sera jamais recriminalisé chez nous, comme le confirme Stephen Harper chaque fois que l’opposition répand de fausses rumeurs à cet effet.
Depuis que la Cour suprême a invalidé la loi contre l’avortement en 1988, la pratique évolue dans un vide juridique qui fonctionne très bien merci. C’est un éloge du laissez-faire qui échappe à ces «conservateurs» et que les manifestants anti-G20 n’ont pas l’habitude de faire valoir non plus, trop occupés qu’ils sont à réclamer la criminalisation de toutes les autres relations économiques entre adultes consentants.

Des autochtones aussi (ou des gens se prétendant autochtones, comment savoir?) profitaient du G20 pour revendiquer un meilleur sort. Il ne fait pas de doute qu’ils méritent de meilleurs services de santé et d’éducation, et que leur intégration dans la société canadienne ou nord-américaine ne devrait pas se faire aux dépens de leur culture. Mais ce n’est pas en demandant que leur soit rétrocédé 80% du territoire qu’on fera avancer ce débat.

Évidemment, il était aussi de bon ton d’afficher sa solidarité avec les Palestiniens contre Israël et ses alliés (comme Stephen Harper), même si les pires ennemis des Palestiniens sont d’autres Palestiniens (le Hamas islamiste totalitaire) et d’autres pays arabes (Liban, Jordanie, Syrie, Égypte) qui les cantonnent dans des camps de «réfugiés» depuis 40 ans. Aucun autre événement ne semble plus important que la dernière crise israélo-palestinienne pour les manifestants qui portent le keffieh: pas le torpillage d’un navire sud-coréen par un sous-marin nord-coréen, pas la grève de la faim de prisonniers politiques à Cuba, pas les tueries au Congo ou au Soudan…

De même, on pouvait sympathiser avec la cause des jeunes gens enduits de liquide noir qui protestaient contre la pollution de BP dans le golfe du Mexique. Et, après tout, Barack Obama et David Cameron n’étaient pas loin. Le président chinois Hu Jintao non plus. Or, la Chine est le pays le plus pollué et le plus polluant au monde: pourquoi les «environnementalistes» anti-G20 ne protestaient-ils pas aussi contre la Chine?

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Ont-ils même essayé de faire comprendre à leurs camarades qui brandissaient des drapeaux rouges et d’autres symboles communistes que les dictatures sont plus dommageables pour l’environnement que les démocraties? Ils ne le savent probablement pas!

Cet étalage d’ignorance – du fonctionnement de l’économie, des questions environnementales, des conflits dans le monde – était aussi désolant que le gaspillage de temps et d’argent qui caractérisait la réunion des chefs de gouvernements de ce G20 dysfonctionnel.

Auteur

  • François Bergeron

    Rédacteur en chef de l-express.ca. Plus de 40 ans d'expérience en journalisme et en édition de médias papier et web, en français et en anglais. Formation en sciences-politiques. Intéressé à toute l'actualité et aux grands enjeux modernes.

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