Réformer ou abolir la Commission des droits de la personne?

Leadership du Parti progressiste-conservateur de l'Ontario

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Publié 09/06/2009 par François Bergeron

Les membres du Parti progressiste-conservateur de l’Ontario éliront le 21 juin un successeur au chef John Tory. Tous les membres du parti ont le droit de vote. Les quatre candidats, Christine Elliott (députée provinciale de Whitby-Oshawa), Frank Klees (Newmarket-Aurora), Tim Hudak (Niagara West-Glanbrook) et Randy Hillier (Lanark-Frontenac-Lennox & Addington), participent à une série de débats régionaux qui culminera par une rencontre télévisée le 18 juin à TVO (en anglais seulement, comme les sites Web et l’essentiel de l’information diffusée par les candidats).

Les quatre candidats au leadership sont unilingues. Aucun d’entre eux ne mentionne le développement des services en français ou le bilinguisme officiel dans leur littérature.

Il y a quelques semaines, Randy Hillier a laissé entendre qu’il réexaminerait tout cela, sans plus de précisions, ce qui lui a valu une avalanche de reproches. Il les a évoqués à la blague lors du débat de Sudbury, où c’est lui qui a dit le plus grand nombre de mots en français, trois: «Bonjour mes amis»…

Cependant, seule Christine Elliot a répondu aux questions de L’Express là-dessus, affirmant vouloir protéger les acquis des Franco-Ontariens en matière de droits et de services publics.

Défaite

On se souviendra que, lors des dernières élections, les Libéraux au pouvoir avaient réussi à faire dérailler la campagne conservatrice en ciblant la promesse impopulaire de John Tory de financer de nouvelles écoles confessionnelles. Tory n’a même pas été élu dans sa circonscription – contre la ministre de l’Éducation Kathleen Wynne!

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Malgré cette victoire libérale en faveur d’un système scolaire public «indivisible», le Conseil scolaire (anglophone) de Toronto décidait, peu de temps après, de créer sa première école «afrocentrique», en parfaite conformité avec la Loi de l’éducation qui autorise déjà une foule d’exceptions et d’alternatives. Les Conservateurs imprudents auraient dû le savoir ou mieux l’expliquer.

Discrimination

Cette fois, c’est la promesse de réformer ou d’abolir la Commission ontarienne des droits de la personne qui fait l’objet d’un débat philosophique autant que stratégique.

C’est l’un des rares points de discorde entre les candidats, qui militent tous pour un dégraissage de l’appareil gouvernemental, des réductions de taxes et d’impôts, une meilleure stratégie industrielle et la consultation des membres du parti sur tous les dossiers.

Randy Hillier était le premier à réclamer l’élimination de la Commission des droits de la personne qui, comme celles de d’autres provinces et du fédéral, s’est fait de nombreux ennemis en étendant son champ d’action à la censure des médias et de la libre-expression, au nom d’une non-discrimination raciale, religieuse ou sexuelle déjà triomphante en Ontario et au pays.

Avant d’être élu, Hillier était électricien, quoique très actif au sein de l’association ontarienne des propriétaires terriens. Il mise sur ses origines plus humbles et sa bonhomie iconoclaste face à ses adversaires de l’establishment.

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Son programme est une liste de revendications populistes. L’autorisation de la chasse à l’ours y figure en bonne place! Il n’a aucune chance de l’emporter.

Mike Harris

L’ancien ministre Tim Hudak lui dispute le titre d’héritier spirituel de Mike Harris, à la différence importante que Hudak a réellement l’appui de l’ancien Premier ministre emblématique de la «Révolution du bon sens», deux fois majoritaire. C’est donc quand Tim Hudak a prôné lui aussi l’abolition de la Commission des droits de la personne que le débat est devenu sérieux.

Christine Elliott d’abord, mais aussi Frank Klees, qui a déposé la semaine dernière à Queen’s Park un projet de loi privé pour «refocuser» la Commission sur son mandat original, ont sonné l’alarme. Voilà exactement, disent-ils, le genre de proposition que les Libéraux nous accrocheront autour du cou pour effrayer les électeurs.

Alors que les Progressistes-Conservateurs devraient contester le bilan du gouvernement de Dalton McGuinty sur l’économie, le fardeau fiscal, la sécurité énergétique, la qualité des soins de santé et l’éducation, une promesse d’abolir la Commission des droits de la personne détournerait la campagne vers un terrain miné, soutiennent Mme Elliott et M. Klees.

Ils accusent MM. Hudak et Hillier de commettre ainsi une erreur stratégique majeure.

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Abus

Mme Elliott et M. Klees reconnaissent les abus commis par l’actuelle Commission (présidée par l’ancienne mairesse de Toronto, Barbara Hall) et ils sont d’accord pour mieux circonscrire son mandat, mais ils estiment qu’elle doit poursuivre son travail de protection des minorités dans le domaine de l’emploi et du logement.

Il y a fort à parier que si Mme Elliott ou M. Klees l’emportent le 21 juin, le Premier ministre Dalton McGuinty réformera lui-même la Commission pour leur couper l’herbe sous les pieds.

M. Hudak veut transférer les responsabilités de ce tribunal parallèle, où les accusés ont moins de droits que les plaignants, aux vrais tribunaux devant lesquels les accusés sont considérés innocents jusqu’à preuve du contraire. Il promet cependant lui aussi de centrer sa campagne contre les Libéraux sur l’économie, et de ne pas tomber dans le piège d’un faux débat sur la «discrimination».

Superbe site Internet

Frank Klees en est à sa deuxième campagne au leadership du Parti progressiste-conservateur de l’Ontario, et il avait brièvement été pressenti pour diriger l’Alliance canadienne, ancêtre du Parti conservateur actuel de Stephen Harper sur la scène fédérale.

Il fait surtout valoir son expérience politique et son expérience comme entrepreneur auparavant, pour offrir un leadership moins controversé que celui de Mike Harris mais plus assuré que celui de John Tory. C’est sans doute aussi le meilleur orateur des quatre.

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C’est cependant la campagne de Christine Elliott qui impressionne par son professionnalisme. La pièce maîtresse de son programme, accessible à partir d’un superbe site internet, est un échéancier détaillé des mesures à prendre à partir de son élections à la direction du parti jusqu’à la victoire aux prochaines élections, prévues en 2011.

Mme Elliott démontre une certaine audace en proposant un taux unique d’impôt sur le revenu (à partir d’un seuil d’exemption plus élevé), ce qui simplifierait grandement le système tout en restant progressiste. Ce n’est pas une idée nouvelle mais, sur la scène canadienne, cela reste une idée originale.

Madame Jim Flaherty

Comme les autres candidats, Mme Elliott dénonce l’harmonisation proposée dans le dernier budget provincial entre les taxes de vente provinciale et fédérale, qui est en fait un moyen d’appliquer la taxe provinciale à un plus grand nombre de produits et de services.

Curieusement, l’opposition conservatrice à Queen’s Park a déjà, dans le passé, réclamé une telle mesure (mais pas dans un contexte de crise économique, expliquent les candidats). Et encore plus curieusement, c’est le mari de Christine Elliott, le ministre fédéral des Finances Jim Flaherty, qui travaillera avec son homologue provincial libéral pour piloter cette harmonisation!

Auteur

  • François Bergeron

    Rédacteur en chef de l-express.ca. Plus de 40 ans d'expérience en journalisme et en édition de médias papier et web, en français et en anglais. Formation en sciences-politiques. Intéressé à toute l'actualité et aux grands enjeux modernes.

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