Réforme du Sénat: faut se parler

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Publié 01/05/2014 par François Bergeron

Ce n’est pas parce que la Cour suprême du Canada a confirmé récemment que le gouvernement fédéral ne peut pas procéder unilatéralement à une réforme (ou l’abolition) du Sénat, qu’on ne peut plus ou qu’on ne doit plus rien faire.

La décision du plus haut tribunal du pays maintient la barre à une bonne hauteur.

Stephen Harper aurait dû le savoir (il le savait, sans doute, mais avait besoin de cette diversion): une telle réforme constitutionnelle doit être validée par au moins sept provinces représentant au moins 50% de la population du pays.

Dans le cas où on voudrait carrément éliminer la Chambre haute du Parlement fédéral, ça prendrait l’unanimité.

Même si on voulait seulement retoucher au nombre de sénateurs par province, ça prendrait le consentement explicite du Québec… Ce qui est ironique considérant que tout cela découle de la Constitution de 1982 à laquelle le Québec n’a toujours pas adhéré.

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Depuis l’échec du projet de réforme élaboré au lac Meech en 1990, qui devait permettre au Québec de réintégrer le giron constitutionnel canadien «dans l’honneur et l’enthousiasme», les politiciens de tous les partis et de toutes les régions du pays fuient comme la peste toute velléité de «rouvrir» le débat constitutionnel, jugé au mieux comme une perte de temps et au pire comme une tentative de coup d’État.

Même les fédéralistes québécois sont forcés d’admettre qu’ils n’ont que le statu quo à opposer au projet souverainiste. Heureusement pour eux, cela ne les empêche pas de se faire élire, comme on l’a vu le 7 avril. Les questions identitaires et nationalistes restent loin des «vraies affaires» pour la majorité des Québécois, a fortiori pour la majorité des Canadiens.

La Cour suprême a fait oeuvre utile ici, non pas en consacrant le Sénat comme le champion des minorités (une simple coïncidence, n’en déplaise à la FCFA), mais bien en forçant nos dirigeants fédéraux et provinciaux à se parler et à s’entendre s’ils veulent réellement moderniser nos institutions.

Et contrairement à ce qu’ils semblent croire, la réforme constitutionnelle, ou au minimum un certain intérêt pour le bon fonctionnement de notre démocratie, fait partie de leurs dossiers permanents, comme la bonne marche de l’économie, la protection de l’environnement et la sécurité des citoyens.

«Rouvrir» le débat constitutionnel, ou en discuter de temps en temps au téléphone ou au cours de rencontres au sommet plus formelles, devrait se faire sur une base régulière.

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On comprend que c’est improductif quand un gouvernement péquiste est au pouvoir à Québec, mais cela ne s’est produit que pendant 18 mois au cours des 10 dernières années.

Le nouveau premier ministre Philippe Couillard devrait essayer de dédramatiser – en les multipliant – ses conversations avec ses homologues des autres provinces et avec Ottawa sur la Constitution, le Sénat, les Autochtones, les dédoublements de juridictions, etc. Aucun sujet, surtout pas ceux-là, ne devrait être tabou à la table des premiers ministres du pays.

Encore faut-il, bien sûr, avoir des interlocuteurs sérieux. Contrairement à ses prédécesseurs plus grégaires qu’étaient Jean Chrétien et Brian Mulroney, Stephen Harper préfère rester dans son bunker.

Cela donne des réformes, pensées uniquement en fonction de ses intérêts électoraux immédiats, qui achoppent dès qu’elles nécessitent la consultation ou la collaboration de dirigeants provinciaux ou – horreur! – d’adversaires libéraux ou néo-démocrates.

* * *
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Auteur

  • François Bergeron

    Rédacteur en chef de l-express.ca. Plus de 40 ans d'expérience en journalisme et en édition de médias papier et web, en français et en anglais. Formation en sciences-politiques. Intéressé à toute l'actualité et aux grands enjeux modernes.

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