Québec: plus ça change…

Partagez
Tweetez
Envoyez

Publié 05/09/2012 par François Bergeron

Pauline Marois est sortie victorieuse d’une lutte à trois très serrée, le 4 septembre, avec pourtant un plus faible pourcentage de votes (32%) qu’en 2008 (35%) et seulement trois députés de plus.

Avec ces 54 députés, elle formera un gouvernement minoritaire qui aura besoin de l’appui ponctuel des Libéraux (50 sièges, 31% des suffrages) ou de la Coalition Avenir Québec (19 sièges, 27%) pour faire adopter ses budgets et ses principaux projets.

Le pire scénario a été évité: une administration péquiste fouettée par les deux élus de Québec solidaire, Amir Khadir et Françoise David.

QS a récolté 6% du vote dans toute la province. Dans les quatre circonscriptions (sur 125) où ce parti fémino-communiste est arrivé premier ou deuxième, au centre-ville de Montréal, son principal adversaire était le PQ. Pour limiter l’érosion de ses appuis vers QS, Pauline Marois a d’ailleurs mené une campagne de «gauche», promettant notamment de taxer davantage les riches et hausser les redevances minières pour financer de nouveaux programmes sociaux et le gel des frais de scolarité.

Elle a également beaucoup parlé de souveraineté et d’identité québécoise, marginalisant ses dissidents d’Option nationale, les amis de Jacques Parizeau qui avaient essayé de la renverser au printemps après qu’elle ait obtenu un appui de 93% des membres lors d’un congrès. Leur chef Jean-Martin Aussan a été défait dans sa circonscription (par un Caquiste) et ON n’a récolté, en tout et partout, que 2% du vote. Bon débarras.

Publicité

La surprise de ce scrutin est bien sûr la résilience du Parti libéral, que tous les sondages donnaient troisième. Son vote a tout de même chuté de 42 à 31% dans cette élection où la participation a été élevée: 74% contre 58% la dernière fois.

Les fameux «indécis», plus du quart des répondants, étaient donc en fait des électeurs libéraux discrets, ou encore des gens qui hésitaient seulement entre les deux vieux partis, n’ayant pas pris le temps de s’intéresser à la nouvelle CAQ.

À moins que la peur du séparatisme soit plus viscérale qu’on ne l’imagine chez bon nombre de citoyens, au point d’exclure toutes les autres considérations?

Fondé il y a à peine un an (même s’il a avalé l’Action démocratique établie depuis plus longtemps et qui avait obtenu 16% du vote en 2008), le parti de François Legault s’attendait à former l’opposition officielle. Il aurait suffi de quelques dizaines de milliers de votes de plus… c’est-à-dire d’un peu plus d’audace de la part des Québécois prétendant vouloir du changement.

Les candidats de la Coalition Avenir Québec sont arrivés deuxièmes dans 53 comtés, et à 13 de ces endroits l’écart avec les premiers était de moins de 2000 voix. La CAQ peut donc profiter de l’intermède minoritaire péquiste pour continuer de recruter de bons candidats, peaufiner son programme et, surtout, se faire connaître et démontrer de quel bois elle se chauffe à l’Assemblée nationale… sans toutefois casser la baraque.

Publicité

Le parti qui précipiterait à nouveau le Québec en campagne électorale (en campagne référendaire sur la souveraineté, c’est déjà impossible) en paierait un prix élevé.

Le premier ministre Jean Charest, défait pour la première fois en 28 ans de politique fédérale et provinciale à Sherbrooke, quitte la direction du Parti libéral. Cela signifie que les Libéraux n’auront pas intérêt à renverser le gouvernement Marois avant plusieurs mois.

L’aile parlementaire libérale compte plusieurs membres susceptibles d’être appelés à diriger le PLQ, et son score plus qu’honorable ce 4 septembre pourrait intéresser d’autres personnalités extérieures.

Tant la prochaine course à la chefferie libérale que la gouvernance péquiste présentent des dangers pour la CAQ, dont les électeurs sont souvent d’anciens Libéraux ou Péquistes encore incertains de leur engagement. Certains d’entre eux pourraient être impressionnés par un candidat libéral réformateur qui ne serait pas inconditionnellement fédéraliste. D’autres pourraient finir par apprécier la gestion de Pauline Marois ou sa démarche nationaliste.

Dans 31 comtés où le candidat de la CAQ est arrivé premier ou deuxième, le principal adversaire était le PLQ; dans 41, c’était le PQ. La prochaine fois, ce sera François Legault qui sera la cible de toutes les attaques.

Publicité

Pour l’instant, tout ce beau monde promet de travailler ensemble, avec civilité, pour faire avancer le Québec. Le gouvernement sera «à l’écoute» et l’opposition «constructive». Ça durera quelques mois, ou beaucoup plus longtemps si les Québécois en viennent à apprécier les avantages d’un gouvernement minoritaire.

À LIRE AUSSI DANS LE FORUM DE L’EXPRESS:
François Legault mérite de gagner

Auteur

  • François Bergeron

    Rédacteur en chef de l-express.ca. Plus de 40 ans d'expérience en journalisme et en édition de médias papier et web, en français et en anglais. Formation en sciences-politiques. Intéressé à toute l'actualité et aux grands enjeux modernes.

Partagez
Tweetez
Envoyez
Publicité

Pour la meilleur expérience sur ce site, veuillez activer Javascript dans votre navigateur