Puiser à la source de l’enfance

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Publié 20/06/2006 par Dominique Denis

Il y a trois ans nous arrivait Oranges amères, un album qui nous révélait un Enrico Macias prenant le parti du ressourcement dans une enfance algérienne (à Constantine, pour être plus précis), dans ce carrefour arabo-andalou – et juif sépharade, dans son cas – qui l’avait vu naître et qui avait nourri sa passion de la musique.

Sans renier le public fidèle au gentil chanteur de variété que l’on connaît, cet album, dont se dégageait un sentiment d’urgence tempéré par une langueur bien méditerranéenne, marquait néanmoins un virage important, tant sur le fond que la forme. Avec La vie populaire (Universal Special Imports), Macias consolide ses nouveaux acquis et sa nouvelle crédibilité auprès du public et de la critique.

Malgré d’occasionnels dérapages vers les sentiments un brin mielleux (incarnés par un fâcheux choeur d’enfants), il déploie une palette instrumentale plus dépouillée et renoue avec l’urgence de témoigner des défis et des déchirures de cette région qu’il a dû fuir il y a tant d’années, mais qui ne l’a jamais quitté.

Et comme pour faire contrepoids à l’occasionnelle gravité du propos («Demain sera beau ou ne sera pas»), Macias se fait un devoir de rappeler que la vie est aussi faite de petits bonheurs qui se conjuguent au quotidien («J’aime la simplicité/des journées d’été/Les petits moments superbes/Déjeuner sur l’herbe»), puisque c’est cette Vie populaire qui alimente depuis le début son âme et sa musique.

Dans le jardin de Lo’Jo

«J’habite à côté du paradis un palais imparfait/Qui donne sur la guerre/J’ai un jardin qui donne sur l’envers du monde/J’y ai planté mes riddims créoles/Des arômes polyrythmiques/Des petites fleurs pentatoniques.»

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Bienvenue – ou re-bienvenue, si vous le connaissiez déjà – dans un jardin extraordinaire, celui que cultivent Denis Péan et Lo’Jo depuis 1991, bien en marge des diktats et du business de la chanson.

Pourtant, il serait trompeur d’affirmer que Lo’Jo ne ressemble à rien ni personne: le collectif à géométrie variable – une quinzaine de musiciens qui touchent plus de 50 instruments! – fait siennes toutes les sonorités du monde, ou presque, avec une prédilection pour celles provenant de la Méditerranée, d’Afrique sub-saharienne ou du Moyen-Orient.

Mais si cet oecuménisme théâtral et festif de Bazar savant (Emma Productions/Universal Special Imports) transcende les clichés du buffet worldbeat, c’est qu’il est au service de la voix, du verbe et de la vision de Péan, qui a fait de Lo’Jo un carrefour du rêve et du réalisme, de la révolte et de l’émerveillement, une qualité à laquelle on reconnaît les hommes qui ont le courage de regarder notre monde inquiet – et de plus en plus inquiétant – avec les yeux du coeur.

Fusion torontoise

Ancré dans la pulsion polyrythmique des tablas de Ravi Naimpally, l’ensemble Tasa signe une fusion qu’on pourrait qualifier de torontoise : si les principales traditions représentées (tant classiques que sacrées) nous proviennent de l’Inde et du Pakistan, celles-ci se trouvent brassées dans un rigoureux élan de liberté, alliant le respect du patrimoine à l’irrévérence nécessaire à l’innovation.

Rassemblant une poignée d’éminences de la scène world locale (dont John Gzowsky à la guitare, au dobro et à l’oud, Ernie Tollar à la flûte et au saxo, et Alan Heatherington aux percus), Tasa a voulu développer sur Urban Turban (Autoproduction/Festival Distribution) l’approche qui avait fait le succès de Bhakti, son CD précédent.

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Vu la nature hybride de sa démarche, Tasa pourrait revendiquer une bonne demi-douzaine d’étiquettes (de roots à urban en passant par new age), mais c’est sur la scène de divers festivals de jazz que le public canadien pourra redécouvrir l’ensemble tout au long de l’été. Ce qui n’a rien d’étonnant, compte tenu de la place importante qu’occupe l’improvisation dans cette musique.

Sur nos rives, le rendez-vous aura lieu le 28 juin à 21h30, au Concord Café (937, rue Bloor Ouest) dans le cadre du Downtown Jazz Festival.

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