Procès bilingue refusé en Ontario

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Publié 21/06/2011 par François Bergeron

Prof au Département d’études anglaises de l’Université York, Agnès Whitfield s’est vue refuser, le 4 avril dernier, un procès bilingue à Peterborough (sa ville natale) par 
le juge Hugh O’Connell lors d’un pré-procès dans sa cause contre son frère pour abus sexuel.

Le jugement écrit stipule que les services d’interprétation ne relèvent pas de la Cour, mais serait à sa charge. «C’est un des arguments qu’on m’avait servi en Alberta et qui a été débouté récemment», souligne notre chroniqueur juridique Gérard Lévesque.

«Le juge ontarien, ici, n’est manifestement pas au courant des progrès du bilinguisme dans le système judiciaire en Ontario, même dans les régions comme Peterborough qui ne sont pas encore désignées’ pour offrir tous les services en français», commente-t-il, ajoutant qu’on accepte généralement de transférer la cause dans un district voisin qui, lui, est dans une région désignée.

Au Commissariat aux services en français de l’Ontario, qui a ouvert une enquête là-dessus, on est plus catégorique: «le citoyen a droit à un procès bilingue où qu’il se trouve en Ontario, sans égard aux régions désignées», a indiqué un porte-parole.

Par ailleurs, selon Me Lévesque, avec les technologies modernes de communication à distance, il devrait être de plus en plus facile, de nos jours, d’obtenir un procès en français, n’importe où sur le territoire.

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Mme Whitfield est particulièrement frustrée d’avoir appris seulement la semaine dernière, en contactant le Commissariat, que «j’aurais pu échapper à cette décision injuste et à ses conséquences néfastes pour ma cause si j’avais reçu les bons renseignements de la part des Services des tribunaux de l’Ontario et du ministère de la Justice de l’Ontario».


C’est ce qu’elle a écrit le 15 juin au Procureur général de la province, Chris Bentley.

Informations erronées

«Pour savoir comment demander un procès bilingue», raconte-t-elle, «je me suis adressée par courriel le 28 février 2010 à la direction régionale Centre-Est des Services des tribunaux de l’Ontario: leur réponse du 1er mars me donnait la fausse demande au juge lors du pré-procès».


«Je ne peux pas m’empêcher de voir dans cette façon de répondre un certain laxisme, pour ne pas dire plus, à l’égard des services en français», remarque Mme Whitfield. «Car si on m’avait indiqué la bonne démarche, c’est-à-dire le dépôt à la Cour d’une réquisition de procès bilingue, j’aurais pu compter sur l’aide des services au français du ministère de la Justice ainsi que sur le soutien du Commissariat aux Services en français pour appuyer ma demande.»

«Je n’aurais jamais pu imaginer que dans la province de l’Ontario où la loi stipule que le français, comme l’anglais, est une langue officielle à la Cour, j’aurais tant de difficultés à obtenir un procès bilingue.»

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Bureaucratie kafkaesque

Pour ajouter à la confusion, aux Services en français du ministère de la Justice on lui fournit d’autres informations inexactes: «Malgré le refus du juge O’Connell qui rendait la démarche inutile, on m’a proposé de soumettre une réquisition de procès bilingue à la Cour de Peterborough en me disant que les Services en français allaient suivre le dossier».
 


Or, ce n’est que quatre semaines plus tard, le 8 
juin, toujours sans nouvelles ni de la Cour ni des Services en français du ministère de la Justice, qu’elle a appelé à la Cour où «j’ai appris qu’on n’avait pas l’intention de répondre à ma réquisition, vu que le juge s’était prononcé»!

«On m’a dit que c’était la première fois depuis 10 ans qu’on avait reçu une demande de procès bilingue, ce qui, à mon avis, n’est pas une raison pour nuire à mes démarches.»


«Si à chaque fois qu’un(e) francophone ontarien(ne) veut un procès bilingue, on lui donne ce processus qui aboutit à ce cul-de-sac, il n’est pas étonnant que pendant ces dix ans il n’y ait pas eu de français à la Cour supérieure à
Peterborough», explique-t-elle, toujours dans sa lettre au ministre Bentley.

«La seule option qui me reste», croit-elle, «est de faire appel à la Cour divisionnaire sans être certaine que ma demande soit examinée, car le délai de 30 jours depuis la décision du juge O’Connell le 4 avril est écoulé, à cause des mauvaises informations du ministère».

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Échange formateur

Un procès bilingue lui serait refusé «à cause de tous ces manquements et informations erronées sur fond de mauvaise volonté et de racisme».

«Mon respect pour les deux langues officielles au Canada est profondément ancré dans ma vie», indique cette universitaire qui a fait ses études primaires à Grove Public School et ses études secondaires à Kenner Collegiate, mais qui a participé à un échange
entre Kenner et une école secondaire québécoise à Baie-Comeau: «un grand tournant dans ma vie».


Dans les archives de L’Express:
La capacité bilingue de la Cour supérieure
Le droit à l’utilisation du français devant les tribunaux des régions non désignées

Auteur

  • François Bergeron

    Rédacteur en chef de l-express.ca. Plus de 40 ans d'expérience en journalisme et en édition de médias papier et web, en français et en anglais. Formation en sciences-politiques. Intéressé à toute l'actualité et aux grands enjeux modernes.

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