Si l’on excepte l’inépuisable chef Yannick Nézet-Séguin, aucun musicien classique québécois n’a fait autant qu’Angèle Dubeau pour rendre les grandes pages du répertoire accessibles au plus grand nombre.
Quand est venu le temps de célébrer ses trente ans de vie professionnelle, la violoniste a choisi de céder la parole à son cher (dans les deux sens du terme!) Stradivarius de 1733, par le biais d’une poignée d’œuvres qui se passent d’accompagnement. En fait, on pourrait même dire que Solo (Analekta) est un cadeau de l’artiste à son instrument, en reconnaissance de toutes ces années de bons et loyaux services.
Le ravissant Caprice de Locatelli qui ouvre l’album préfigure à certains égards ceux de Paganini, constituant donc une escale logique pour toute virtuose soucieuse de mettre en valeur les possibilités de son instrument.
Pourtant, Dubeau ne s’en tient pas au répertoire consacré, allant chercher les divers morceaux de son casse-tête violonistique chez Astor Piazzolla (dont elle reprend ici trois Tango-Études avec une remarquable tension rythmique), mais aussi le compositeur torontois Srul Irving Glick, George Enescu et même le vieux jazzman Dave Brubeck.
Mais dans ce décor pourtant varié, un élément détone: son interprétation du conte Ferdinand le Taureau sur une musique d’Alan Ridout (narré tour à tour dans les deux langues officielles), nous plonge dans un tout autre univers, et aurait sans doute été plus à sa place dans un disque consacré exclusivement au répertoire pour enfants, aux côtés de Pierre et le Loup et autre Carnaval des animaux.