Parlez-vous globish?

Confusion linguistique au sein de l’UE

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Publié 30/05/2006 par Marta Dolecki

Un an après le «non» français au projet de Traité constitutionnel, les chefs d’États des 25 pays membres de l’Union Européenne (UE) doivent se réunir à Bruxelles, en juin prochain, pour évoquer le sort de la Constitution et débattre la question de l’élargissement de l’Europe.

Mais, en attendant, un autre sujet continue de préoccuper les parlementaires de pays européens ayant la langue française en partage. Et il a trait au futur de la construction européenne aussi bien qu’à la couleur linguistique de cette gigantesque tour de Babel désormais composée d’une multitude de pays.

Depuis une dizaine d’années et malgré tous les efforts entrepris en la matière, le français continue à perdre du terrain, étant de plus en plus considéré comme lingua non grata au sein des institutions européennes.

Les statistiques en font état de façon inquiétante et la tendance n’est pas pour s’inverser avec l’élargissement de l’UE aux pays de l’Europe centrale. En 2000, plus de la moitié des documents (55%) étaient initialement rédigés en anglais, contre 33% (soit seulement le tiers) rédigés en français.

Si le français était la langue la plus utilisée avant les années 1990 – Communauté européenne oblige – peu à peu, l’anglais est venu la supplanter pour devenir à son tour la principale langue de travail de l’UE à Bruxelles. De son côté, «si le français conserve son rang de seconde langue de communication interne et externe des institutions de l’Union, sa situation par rapport à l’anglais continue de s’affaiblir», peut-on lire au gré des différents rapports émis par le gouvernement français.

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Du coup, les fiertés nationales en prennent pour leur grade, surtout celle, bien connue, du cousin gaulois qui soutient que le «français est emblématique de la diversité des langues en Europe», dixit Fabienne Keller, maire de Strasbourg, ville d’assise de l’Union européenne et siège du Conseil de l’Europe.

Ici, le message à lire entre les lignes se fait écho d’une sensibilité nationale sur le qui-vive. Il faudrait redonner au français, sinon toute sa superbe, du moins une place non négligeable au sein de l’UE, arguent bon nombre de diplomates francophones.

L’hégémonie de l’anglais

Comme ses congénères, Fabienne Keller craint que l’Union européenne ne se transforme en une vaste zone politico-culturelle unique sur laquelle l’anglais régnerait en maître suprême au détriment des autres langues.

«Je sais que mes collègues parlementaires français s’efforcent d’exiger des documents de travail en français, mais parfois, ces derniers n’existent qu’en anglais, fait-elle valoir. Il y a des statistiques, des rapports qui montrent que l’usage du français recule dans les institutions européennes et ce, au niveau du Parlement européen, de la Commission Européenne et, enfin, du Conseil de l’Europe.»

Ce glissement vers une langue unique, raconte la maire de Strasbourg, s’effectue à la faveur d’un anglais qui n’est même plus celui, clair et précis, employé par la majorité des Britanniques quand ils conversent à l’heure du thé. Il s’agirait plutôt d’un anglais de piètre qualité, sacrifié sur l’autel de la globalisation. C’est cette langue nouvelle que Mme Keller appelle le globish.

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«Tout l’enjeu, c’est de défendre le français par rapport à une langue qui n’est presque plus de l’anglais, mais ce globish, de plus en plus utilisé au sein de l’UE et qui, finalement, pénalise les autres langues porteuses de culture», fait valoir la maire, également membre de la Délégation parlementaire pour l’Union européenne.

À la défense de la langue française

Cette crainte quant à l’hégémonie de l’anglais au sein des institutions européennes est partagée par les responsables de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF).

Mercredi dernier, en présence du Secrétaire général de l’OIF, Abdou Diouf, Fabienne Keller ainsi que le maire de Bruxelles, Freddy Thielemans, et le maire de Luxembourg, Paul Helminger, ont signé à Bruxelles une Déclaration solennelle dans laquelle ils s’engagent à promouvoir le français au sein des institutions européennes.

La signature de cet accord vise à bâtir un réseau francophone entre les trois capitales. Les parties promettent d’utiliser la langue de Molière dans leurs échanges avec les hauts fonctionnaires étrangers.

Elles s’engagent également à développer une politique commune reposant sur une offre culturelle concertée en matière de spectacles afin de remettre le français au goût du jour.

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Cet énoncé de principes, somme toute assez vague pour le moment, devrait bientôt être appuyé par un plan d’action. Selon Fabienne Keller, davantage de détails seront dévoilés lors d’une seconde réunion du nouveau Groupe des trois qui se tiendra prochainement à Strasbourg.

Des mesures concrètes telles qu’une formation en français destinée aux hauts fonctionnaires et diplomates travaillant avec les institutions européennes, pourront y être proposées.

Dans une moindre mesure, l’érosion du français au sein des institutions de l’UE n’est que le reflet d’un phénomène plus large. Jadis considérée comme langue supérieure, synonyme de savoir-vivre et de raffinement, le français connaît à présent une chute de popularité un peu partout en Europe. Les jeunes sont moins enclins à vouloir l’apprendre.

Selon des données recueillies en 2003 par le magazine The Economist, 92% des étudiants européens choisissaient d’étudier l’anglais comme langue seconde au niveau secondaire. Seulement 33% d’entre eux avaient manifesté leur préférence pour le français.

Ce manque d’intérêt conditionne dès lors une offre de moins en moins importante. «On constate que le français, qui était la première langue étrangère enseignée dans les États membres de l’Union européenne comme l’Italie, le Portugal et l’Allemagne, a depuis été supplanté en long et en large par l’anglais», constate à ce sujet Fabienne Keller.

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Pas de recette miracle à l’harmonie linguistique

Bonjour, good morning, guten morgen, buenos dias, dzien dobry… L’Union européenne possède à ce jour plus d’une vingtaine de langues officielles. Le gaélique est l’une des dernières en date à avoir intégré la liste.

Devrait-on pour autant traiter chacune de ces langues sur le même pied d’égalité? Inventer une langue universelle, l’Esperanto, pour satisfaire tout le monde? Ces idées peuvent sembler séduisantes en théorie, mais ne sont pas réalisables dans la pratique.

En attendant une solution permanente pour faciliter les échanges quotidiens et satisfaire les sensibilités nationales, les acteurs de l’UE, ses diplomates et fonctionnaires, «doivent apprendre plusieurs langues, respecter la culture de chaque pays, souligne Fabienne Keller. C’est l’un des piliers de la richesse culturelle à laquelle l’Union européenne est très attachée, ajoute-t-elle. Et, en retour, il est pour nous important d’expliquer la richesse de la culture francophone aux autres pays», conclut la maire de Strasbourg.

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