On n’a pas voté pour le chaos

Partagez
Tweetez
Envoyez

Publié 19/09/2011 par François Bergeron

Le maire Rob Ford n’est pas le chef d’un parti qui a remporté la majorité des sièges aux dernières élections. Il ne détient qu’un seul vote (le sien) au Conseil municipal de Toronto, qui compte 44 autres élus. OK, deux votes, si on compte celui de son frère Doug, son premier conseiller et homme de main.

Le maire est le premier représentant de la ville. Son opinion a sans doute plus de poids (sans jeu de mots) que celle des autres intervenants. Mais c’est au Conseil que réside le pouvoir législatif. Afin de présider un exécutif fonctionnel et faire adopter ses réformes, le maire doit trouver des appuis auprès d’une majorité des conseillers municipaux. Et pour entretenir ces appuis, il doit continuellement s’assurer que la population comprend et soutient son action.

Or, cela devient de plus en plus difficile.

La popularité de Rob Ford est en chute libre depuis quelques semaines, au point où des candidats conservateurs aux élections provinciales du 6 octobre prochain prennent leurs distances de son administration.

Certains membres de l’exécutif (ses propres «ministres») seraient inconfortables eux aussi, à mesure que d’anciens patrons de la Commission des transports, des gestionnaires du Waterfront, des chroniqueurs et d’autres experts de la scène municipale critiquent, parfois en termes très virulents, certains projets iconoclastes – et dispendieux – des frères Ford, notamment l’extension de la ligne Sheppard du métro et le Disneyworld d’hôtels, de centres d’achats et de monorail suggéré à l’embouchure de la rivière Don.

Publicité

Ces mégaprojets au financement fantaisiste – puisqu’ils nécessitent l’approbation et la participation des deux autres niveaux de gouvernement, le provincial et le fédéral – paraissent improvisés, tombant sans crier gare sur le pupitre des élus municipaux déjà occupés à examiner la liste de réduction et d’élimination de services élaborée par les consultants du maire et à tenter de répondre à la multitude de citoyens inquiets de l’impact de cette restructuration.

Le 25 octobre 2010, les Torontois ont voté pour une administration qui remettrait les syndicats à leur place (notamment en privatisant la collecte des ordures) et qui ferait preuve d’une plus grande parcimonie dans la gestion des fonds publics.

Bien sûr, Rob Ford, comme ses adversaires, a fait une foule d’autres promesses plus ou moins sérieuses, exprimant son aversion pour les tramways et sa préférence pour les métros souterrains, rêvant d’embaucher davantage de policiers et affirmant pouvoir équilibrer le budget de 10 milliards $ de la Ville en ne coupant que dans le gras (sans jeu de mots ici non plus, puisqu’il dit la «sauce» en anglais), pas dans les services essentiels, même après avoir éliminé deux taxes qui devaient rapporter 100 millions $.

On savait bien qu’il n’y avait pas tant de «gravy» qu’on le disait. On n’était pas aussi naïf non plus pour croire qu’absolument aucun service ne serait touché. Pas plus qu’on ne croit les politiciens qui prétendent pouvoir équilibrer le budget de la province sans toucher à la santé et l’éducation, alors que ces deux activités comptent pour 75% des dépenses.

Police, ambulances, pompiers, transport en commun, routes, stationnements, parcs, déneigement, garderies, logements sociaux, bibliothèques, centres sportifs, zoos, petits musées, subventions aux arts, comités consultatifs, planification, zonage, permis de construction… Tous les services municipaux ne sont pas égaux. Certains méritent peut-être d’être renforcés ou réorganisés, la plupart peuvent certainement être réduits, éliminés ou privatisés sans problème.

Publicité

Et les frères Ford ont le droit d’avoir une vision du Waterfront ou du réseau de transport en commun qui tranche avec les plans adoptés par l’administration précédente avec la province et le fédéral.

Mais tout cela doit se discuter au Conseil municipal – et bien sûr dans les médias et sur la place publique – de façon ordonnée, pas tout en même temps, précipitamment, sans consultation ni réflexion. Sinon c’est le chaos, et personne n’a voté pour le chaos.

Auteur

  • François Bergeron

    Rédacteur en chef de l-express.ca. Plus de 40 ans d'expérience en journalisme et en édition de médias papier et web, en français et en anglais. Formation en sciences-politiques. Intéressé à toute l'actualité et aux grands enjeux modernes.

Partagez
Tweetez
Envoyez
Publicité

Pour la meilleur expérience sur ce site, veuillez activer Javascript dans votre navigateur