Je le pensais en 2001, j’en suis encore plus convaincu en 2005: la plupart des lois et des mesures antiterroristes spéciales adoptées chez nous à la suite des attentats contre les États-Unis bafouent induement la Charte canadienne des droits et libertés. Elles représentent un recul pour la réputation et l’administration de la justice, une menace pour la démocratie et la civilisation occidentale, et en cela une victoire pour les terroristes.
Ces lois et ces mesures, notamment les fameux certificats ministériels permettant d’emprisonner indéfiniment des personnes soupçonnées de menacer la «sécurité nationale», sans porter d’accusations précises et sans permettre aux suspects de se défendre, devraient être rescindées par le gouvernement avant d’être jugées inconstitutionnelles par la Cour suprême.
Personne ne réagit à ces scandales parce que les victimes, jusqu’à présent, ne s’appellent pas Tremblay ou McPherson mais plutôt Charkaoui ou Zündel. Mais ce n’est qu’une question de temps avant que des «vrais Canadiens» soient censurés, intimidés ou emprisonnés pour avoir voyagé dans un pays sur la liste noire, pour fréquenter des gens fichés à la police, pour s’abonner à un magazine ou à un site Internet subversif, ou pour exprimer des opinions iconoclastes à la radio ou dans une manifestation publique.
Les lois «ordinaires» contre la criminalité et le système judiciaire «ordinaire», où la police enquête, où les suspects peuvent être détenus pendant la durée de leur procès, où la Couronne présente des preuves, où la Défense a l’opportunité de les réfuter, et où un juge ou un jury se prononce sur la culpabilité ou l’innocence des inculpés – tout ça publiquement et dans des délais raisonnables – s’appliquaient déjà aux poseurs de bombes et à leurs complices contrebandiers de passeports, recruteurs de commandos ou fournisseurs d’armes. Il suffisait d’orienter le renseignement de sécurité et les activités policières dans cette direction, de redoubler de vigilance aux frontières et de mieux choisir les immigrants.
Le recul est pire aux États-Unis, où les droits et libertés qu’on prenait pour acquis ont été inventés et perfectionnés au cours des 200 dernières années. Ce qui était encore impensable tout récemment prend rapidement forme sous nos yeux: nos voisins du Sud glissent insidieusement vers le totalitarisme, à cause d’un gouvernement paranoïaque interventionniste (et lourdement déficitaire, ce qui, à moyen terme, va déstabiliser leur économie et la nôtre).