Nigeria: «Ramenez nos couilles»… et autres sons de cloche

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Publié 20/05/2014 par François Bergeron

Les commentateurs ne sont pas tous sur la même longueur d’onde au sujet de la milice Boko Haram et sur la campagne «Ramenez nos filles» dans les médias sociaux.

L’intervention de Michelle Obama, entre autres, est vertement critiquée par Mark Steyn, que d’aucuns considèrent comme «le Mark Twain des temps modernes» à cause de son humour caustique. Celui-ci a transformé le mot-clic «Bring back our girls» par «Bring back our balls» («Ramenez nos couilles»).

«Il est difficile de ne pas mépriser une culture politique qui croit que l’image [de Michelle Obama] est une contribution utile au sauvetage de 276 écolières kidnappées par les sauvages jihadistes au Nigeria», écrit-il.

Pourtant, se désole-t-il, un relationniste de la Maison-Blanche a cru que ça pouvait être une bonne idée d’afficher ainsi l’impuissance de l’Occident face aux agissements des terroristes. Michelle Obama, en effet, est censée être l’épouse de l’homme le plus puissant de la planète.

Mark Steyn estime que ça démontre surtout l’intérêt de l’administration américaine pour les médias sociaux, pas pour le Nigeria, «tout comme le hashtag #WeStandWithUkraine ne voulait pas dire que, dans les faits, on soutenait l’Ukraine».

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Mark Steyn est Canadien, mais il intervient régulièrement sur des tribunes américaines, européennes et australiennes. Au coeur d’une poursuite célèbre contre le magazine Maclean’s, qui a amoché la Commission des droits de la personne de l’Ontario, il est l’auteur de America Alone et de After America, des essais sur le déclin de l’Occident et des idées qui le sous-tendent.

Corruption

Ailleurs sur le web, Eric Margolis, qui est Américain mais qui a beaucoup travaillé au Canada, notamment au Toronto Sun, critique à la fois Boko Haram et le gouvernement nigérian «corrompu» qui aurait favorisé l’essor de cette milice islamiste.

«Le kidnapping des jeunes filles dans le nord du Nigeria est un événement sensationnel parfait» mettant en vedette «des contrées exotiques et des kidnappeurs particulièrement méchants», écrit-il dans son blogue.

Grand explorateur et fin connaisseur des plus sinistres personnages du Tiers Monde, Eric Margolis s’intéresse au chef «fou» de Boko Haram, Abubakar Shekau, dont la promesse de vendre les jeunes filles kidnappées en esclavage «a excité les femmes de Barack Obama» qui se sont jetées sur cet «enjeu électoral».

Eric Margolis estime que l’envoi de «spécialistes» américains dans la région vise surtout à contrecarrer l’influence de la Chine et de l’Europe en Afrique. (Le Canada et la Grande-Bretagne ont également fourni quelques militaires ou policiers, tandis que la France a offert d’organiser un sommet de pays africains sur cette affaire.)

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La plupart des Occidentaux, écrit-il, ignorent que Boko Haram a tué plus de 1500 civils ces dernières années, et que les représailles de l’armée et de la police nigériane ont fait au moins autant de morts dans les villages musulmans du nord du pays.

«Peu d’Occidentaux savent aussi que voler des filles est un passe-temps traditionnel dans l’Afrique subsaharienne, comme voler du bétail.»

«La politique étrangère américaine réagissant au pétrole comme les chats à l’herbe à chat», les anciens colonisateurs du Nigeria s’y précipitent à nouveau pour protéger leurs intérêts dans ce pays le plus populeux d’Afrique – 170 millions d’habitants qui ne profitent pas, selon Eric Margolis, de l’exploitation de ses richesses naturelles.

«Les revenus du pétrole vont directement aux membres du gouvernement, puis aux gouverneurs des provinces. La seule chose qui arrive jusqu’aux Nigérians, c’est de la pluie.»

Or le nord musulman est encore plus pauvre que le sud chrétien. «Il faut voir les pillages de Boko Haram dans ce contexte», affirme le chroniqueur, auteur de l’essai American Raj, Liberation or Domination, sur les relations troubles entre l’Occident et le monde musulman.

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Le Nigeria est aussi un «État Frankenstein» comme l’Irak ou la Birmanie, dit-il, où des ethnies distinctes ont été forcées par les colonisateurs de vivre à l’intérieur de frontières artificielles. Crier au «terrorisme islamique» n’empêchera pas le Nigéria d’exploser: il faut s’attaquer à la corruption, selon lui.

Plus de 40% des exportations de pétrole du Nigeria iraient aux États-Unis, ce que représenterait 10% de ses besoins énergétiques. Selon Eric Margolis, les forces américaines opèrent à partir de l’Ouganda et de Djibouti, où une base en construction abritera bientôt 4000 soldats et de nombreux drones d’assaut supplémentaires.

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Auteur

  • François Bergeron

    Rédacteur en chef de l-express.ca. Plus de 40 ans d'expérience en journalisme et en édition de médias papier et web, en français et en anglais. Formation en sciences-politiques. Intéressé à toute l'actualité et aux grands enjeux modernes.

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