Mois de l’histoire des Noirs: miser sur l’humanité

De Martin Luther King à Black Lives Matter, les mentalités sur le racisme ont-elles évolué? Qu'en pensent des dirigeantes d’organismes franco-ontariens?
Partagez
Tweetez
Envoyez

Publié 10/02/2021 par André Magny

Martin Luther King disait que «ce n’est pas la noirceur qui nous mène hors de la noirceur, seule la lumière peut le faire». Le mouvement Black Lives Matter a-t-il réussi ce pari? A-t-il changé les mentalités? Des dirigeantes d’organismes communautaires franco-ontariens répondent.

«Si c’est le cas, ça ne se voit pas!», affirme d’emblée la directrice générale  de l’organisme communautaire de London, le Carrefour des femmes du Sud-Ouest de l’Ontario (CFSOO), Émilie Crakondji.

Ça concerne tout le monde

Selon la DG, «Black Lives Matter, ce n’est pas juste un problème de Noirs. Ça concerne tout le monde.»

Émilie Crakondji

Dirigeant un organisme qui apporte du soutien et des outils aux femmes francophones victimes de violence, Émilie Crakondji fait le parallèle entre la violence faite aux femmes et le racisme. «Ce n’est pas juste les femmes que ça concerne, ça concerne les hommes, ça concerne tout le monde », affirme-t-elle.

Sa collègue de l’Oasis Centre des femmes de Toronto abonde dans le même sens. Pour Dada Gasirabo, «il y a des intersections entre la violence faite aux femmes et le racisme».

Publicité

Changer les mentalités

De son côté, la directrice du Mouvement ontarien des femmes immigrantes francophones (MOFIF), Carline Zamar, a une vision légèrement différente de Black Lives Matter. «Je pense que le mouvement a fait des choses pour changer les consciences», dit-elle.

Carline Zamar

Même du côté canadien. Pour elle, la mort de George Floyd a alerté les gens.

Si personne ne naît raciste, comme le dit Dada Gasirabo, il faut cependant faire preuve de patience pour changer les mentalités. «Ça prend du temps pour désapprendre», mentionne-t-elle.

À partir du moment où les gens – peu importe leur couleur de peau – vont commencer à se dire «que je vis parce que tu vis, que ce qui peut arriver à mon voisin peut aussi m’arriver», les mentalités vont ainsi pouvoir se transformer, estime Mme Gasirabo.

Avant de changer les institutions, la lutte contre le racisme commence avec soi-même, affirme Carline Zamar. Face aux images insoutenables de l’été dernier, «j’aime mieux m’attarder aux bons gestes des autres, Blancs ou Noirs. Je ne veux pas avoir la haine en moi», explique-t-elle, même si la tentation peut sans doute être forte.

Publicité

Hommage aux femmes dans la précarité

Dada Gasirabo

Reconnaître l’autre dans son humanité, c’est aussi saluer celles qui sont aux premières lignes dans le combat de la CoViD-19. C’est ce qu’a fait Dada Gasirabo dans un texte paru dans la dernière Infolettre de l’Oasis.

Une façon de rendre hommage à ces femmes au statut parfois précaire: «Aujourd’hui, j’écris cette missive surtout pour toi femme et sœur noire, racisée, préposée aux soins, infirmière, nettoyeuse, cuisinière, réceptionniste, caissière, femme travaillant au sein des maisons de retraite, de soins de longue durée, dans des hôpitaux ou dans les résidences privées. Où que tu sois et pour qui tu travailles, je veux te faire une révérence pour ton travail noble et généreux.»

Racisme systémique

Black Lives Matter a mis en lumière le racisme systémique. Selon Carline Zamar, «je ne pense pas qu’on le nie» en Ontario.

Y a-t-il des choses qui ont changé depuis? Mme Zamar donne l’exemple de la nomination en décembre 2020 d’un premier commissaire en équité et droits de la personne au sein du Conseil des écoles publiques de l’Est de l’Ontario (CEPEO): l’ancien animateur de radio Yves-Gérard Méhou-Loko. Il s’agit d’une première au sein d’un conseil scolaire de langue française en Ontario.

Tout n’est évidemment pas parfait. Au «Wow! Tu es bien éduquée pour une Noire!», qu’on a déjà adressé à Émilie Crakondji, s’ajoutent aussi parfois des critères inaccessibles à de jeunes organismes sans but lucratif (OSBL) afin d’obtenir des subventions.

Publicité

«Un organisme communautaire ne peut pas toujours se procurer des assurances de 2 millions $ quand il faut payer 4 000 $ par année», précise Mme Crakondji. C’est aussi ça, le racisme systémique.

Heureusement, le milieu culturel doit sûrement échapper au constat que font certaines dirigeantes d’organismes communautaires à savoir que la couleur de la peau définit une personne.

Musique du monde?

L’artiste franco-ontarien Yao, également porte-parole cette année des Rendez-vous de la francophonie et qui a produit le poignant slam Étrange absurdité, affirme que «le domaine artistique n’est pas au-dessus du racisme systémique puisque l’art est le reflet de la société».

Yao

Il raconte que, participant à certains festivals, la programmation l’avait casé dans la catégorie «musique du monde» parce qu’il est noir. «Je ne fais pas de tam-tam, moi! Quelque part, on induit le public en erreur avec ces stéréotypes», mentionne-t-il.

Détestant l’expression «musique du monde», il se demande bien si les rigodons sont perçus comme de la musique du monde en Afrique!

Publicité

Cependant, il croit fermement que la musique a un côté magique, capable de changement social. Il est convaincu que plus on va montrer différents personnages sur scène ou à la télé, plus la conscience des gens va changer.

Après tout, ce serait dommage de ne parler de la présence des Noirs qu’en février, «le mois le plus froid et le plus court de l’année», résume en blaguant Yao.

Auteur

Partagez
Tweetez
Envoyez
Publicité

Pour la meilleur expérience sur ce site, veuillez activer Javascript dans votre navigateur