Tel un artisan travaillant la pierre, la chorégraphe montréalaise Marie Chouinard scuplte les corps à la recherche d’une vérité éternelle et immuable.
À Toronto, installée sur le canapé d’une chambre d’hôtel, elle remplit la pièce d’une énergie peu commune. Son corps est bien positionné, entièrement engagé dans l’espace, tandis que l’expression de son visage et sa gestuelle viennent trahir son excitation, alors même qu’elle évoque sa nouvelle création. Résolument urbaine dans son tailleur court, sa jupe rehaussée d’une porte-clef en queue de renard; elle a le visage pâle, les yeux d’un bleu perçant, et de longs cheveux roux qui lui tombent librement sur ses épaules.
Prêtresse de‑la danse, le corps est sa demeure
Souvent qualifiée de «sorcière du mouvement», ou encore de «grande prêtresse de la danse contemporaine québécoise», Marie Chouinard a passé plus de 27 ans à inventer des mouvements qui tentent de capturer l’ineffable, l’indicible, les impulsions primitives du corps humain. Son œuvre entière est portée par cette grande liberté qui la pousse à toujours vouloir explorer de nouveaux langages scéniques.
Fascinée par le corps qu’elle considère comme un temple, une bible précieuse, elle donne vie à des créations qui tentent de démontrer comment l’esprit peut s’exprimer à travers la chair humaine. La chorégraphe montréalaise est une artiste complète qui aime à suivre ses coups de cœur. Un mot, une impression, une musique entendue dans un walkman, peuvent venir déclencher chez elle le processus de création.
Cette fois, Marie Chouinard confesse avoir été séduite par la mu-sique et la voix du compositeur torontois Glenn Gould. Quoi de mieux, s’est-elle dit, que de traduire cette voix unique aux rythmes et aux intonations étranges par la puissante beauté des corps humains et de la danse. Les Variations Golberg de Jean-Sébastien Bach, que Gould avaient enregistré à New York en 1982 viennent donner leur nom au spectacle de danse intitulé Body Remix/Goldberg Variations.