Manon Rhéaume, la première dame du hockey

Entrevue avec la seule femme à avoir joué dans la LNH

Manon Rhéaume, 20 ans en 1992, devant le filet du Lightning de Tampa Bay pour le match contre les Blues de St-Louis.
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Publié 02/12/2019 par Cindy Caron

Le 23 septembre 1992, Manon Rhéaume a réalisé un exploit qui n’a jamais été égalé jusqu’à ce jour. Elle est devenue la première femme à participer à un match de la LNH. L’Express s’est entretenu avec cette pionnière du hockey.

Avec ses frères

Originaire de Québec, Manon a commencé à jouer au hockey très jeune en compagnie de ses frères. Comme ils n’avaient pas de gardien, elle s’est offerte pour jouer à cette position.

Ayant fait ses preuves et attirant l’attention des Draveurs de Trois-Rivières, elle a été la première femme à disputer un match dans la LHJMQ.

Le Lightning frappe à sa porte

Le grand Phil Esposito a vu une vidéo de ses performances et a approché Rhéaume pour l’inviter au camp du Lightning de Tampa Bay, le club d’expansion qu’il venait de fonder.

«Beaucoup de gens m’ont dit que je n’avais pas l’expérience des autres gars invités, qu’ils m’ont simplement invité parce que je suis une fille. Je me suis fait dire non tellement de fois quand j’étais jeune pour jouer à un haut niveau, parce que j’étais une fille, et ce même si j’étais assez bonne. Je me suis dit que si quelqu’un me disait oui, j’allais foncer et y aller parce qu’en bout de ligne, ça n’avait pas d’importance la raison pour laquelle ils m’ont invité, je devais quand même me prouver sur la glace.»

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Manon Rhéaume dans l’uniforme du Lightning en 1992.

«Je me suis dit, la pire chose qui peut arriver est que j’aie un mauvais camp. Les gens vont oublier le lendemain. Mais la chose la plus folle est que je pourrais y aller, bien performer au plus haut niveau possible, avoir un contrat et jouer au hockey professionnellement pour des années. Pour moi, ça valait la peine de prendre le risque.

Je ne voulais pas vivre ma vie avec des regrets et me dire «what if?». Je ne voulais pas penser à ça 10 ans plus tard donc j’y suis allée. J’ai trouvé que les gens étaient très focusés sur l’aspect publicité et non ma performance.»

Le meilleur moment

«La première fois que j’ai sauté sur la glace dans le mini tournoi. C’était une partie de 2 périodes et j’étais dans les buts en 2e. Je savais que ça serait un moment crucial pour moi et que cette performance allait donner le ton. Je n’avais jamais joué à ce niveau et je n’ai accordé aucun but sur 14 lancers.»

«Je me souviens être retournée à mon vestiaire et m’être regardée dans le miroir en me disant Wow! C’est comme si j’avais quelqu’un à l’intérieur de moi qui m’aidait durant cette partie. C’était un feeling incroyable.»

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David qui?

«En fait, je n’avais aucune idée que mon histoire allait avoir le genre d’impact qu’elle a eu. Quand j’y suis allée, j’étais jeune et ne parlait pas vraiment bien anglais. Je me souviens que, quand on m’a demandé d’aller à David Letterman, je ne savais pas qui était David Letterman! J’étais de Québec et francophone!»

«Ça m’a pris des années à réaliser que c’était gros et que ça a eu un impact sur beaucoup de monde.»

Les Jeux de Nagano

«La première journée que l’autobus est arrivé au Village olympique, juste de descendre du bus, les papillons et le feeling que je sentais à l’intérieur de moi, c’était juste incroyable. En marchant dans les cérémonies d’ouvertures, il était impossible d’enlever les sourires de nos visages. C’était un moment extraordinaire. Ensuite quand tu arrives sur la glace, tu te concentres sur le hockey, mais tu es tellement fière d’être là, de représenter ton pays et de jouer au plus haut niveau.»

Manon Rhéaume lors des Jeux olympiques d’hiver de Nagano en 1998.

La pression?

«Ce qu’il faut savoir, c’est que si tu choisis d’être gardien de but, tu dois être capable de gérer la pression. Je pense que c’était probablement ma plus grande force, ma force mentale et d’être capable de vivre avec la pression. C’est comme si le plus de pression j’avais, le mieux je performais.»

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«Si tu regardes mon gabarit, mes jambières, je ne mesurais pas 6 pieds. Je me devais d’avoir quelque chose que les autres n’avaient pas, et c’était cette force mentale et d’être capable de jouer sous ces conditions.»

L’après hockey

Après avoir pris sa retraite et travaillée pour la compagnie d’équipement Mission Hockey, Manon s’est jointe il y a quelques années au programme de hockey mineur Little Caesars.

«Je suis au Michigan depuis des années. Darren Eliot, qui est un ancien gardien de la LNH, était en charge du programme de hockey pour jeunes de Little Caesars. Nos deux fils aînés ont joué au hockey ensemble et un jour il m’a demandé si je serais intéressée à m’impliquer dans le programme pour filles.»

«J’ai toujours aimé coacher les filles et pouvoir partager les choses que j’ai apprises. J’ai toujours trouvé que le hockey n’est pas juste de jouer un sport, mais j’ai aussi appris beaucoup de leçons de vie à travers les années. J’en suis à ma 4e année et le programme remporte beaucoup de succès. Nous avons développé une culture et nous focusons sur les bonnes choses.»

Manon Rhéaume, 27 ans plus tard et toujours très impliquée dans le hockey.

«Je dis toujours à mes filles: «si vous vous souvenez juste de deux choses par rapport à moi, ça devrait être le respect et l’éthique de travail. Ce sont les deux choses les plus importantes qui peuvent vous aider pour le reste de vos vies.»

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Un long-métrage en chantier

Un film sur sa carrière est en préparation. «Tout est en place et nous attendons le financement final pour commencer la pré-production et production. Le but est de filmer cet été.»

C’est vraiment intéressant de faire partie du projet au complet et d’apprendre comment l’industrie fonctionne. Maintenant j’ai une meilleure idée de tout ce que ça prend pour faire un film, ce que ça implique et aussi pourquoi des fois, ça prend des années à faire.»

Manon (à gauche) en compagnie de la productrice et actrice Angie Bullaro (à droite).

Le Temple de la Renommée

Il est facile de croire que la seule femme a avoir joué dans la LNH se retrouvera éventuellement au Temple de la Renommée du Hockey. Qu’en pense la principale intéressée?

«C’est sûr que s’ils me considèrent un jour, ça serait un honneur immense et je serais honorée de faire partie des femmes qui font partie du Temple. C’est tellement un groupe de femmes fortes. Je suis reconnaissante pour tout ce qui m’est arrivé dans la vie et si ça arrive, tant mieux.»

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