Lutte contre le trafic et l’exploitation sexuelle des mineurs

«On parle beaucoup, maintenant 
il faut activer»

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Publié 04/08/2009 par Guillaume Garcia

Le trafic et l’exploitation de mineurs dans un but sexuel existent partout dans le monde, pas seulement dans des pays lointains moins développés comme on aurait tendance à croire. Les pays pauvres sont inéluctablement les plus touchés, mais les nations occidentales doivent prendre conscience que ce fléau sévit également à l’intérieur de leurs propres frontières. Tel est le message qu’est venu apporter Somaly Mam, une activiste mondialement reconnue dans la lutte contre l’exploitation sexuelle des enfants, lors du lancement canadien de la campagne mondiale Mettons fin au trafic sexuel des mineurs.

Issue d’une famille pauvre du Cambodge, Somaly Mam a été vendue à l’âge de 12 ans par un homme qui se présentait comme son grand-père.

La jeune fille devient victime d’exploitation sexuelle pendant une décennie avant de réussir à s’enfuir en 1993. Là où d’autres auraient tenté de réapprendre à vivre dans l’anonymat et soigner leurs blessures, Somaly Mam a choisi de dédier sa vie à la lutte contre l’exploitation sexuelle des mineurs. Ce jeudi matin, devant la Metropolitan Church de Toronto, elle est venue expliquer son combat, et l’importance d’éduquer les populations des pays riches qui participent, directement ou indirectement, à ce trafic qui existe à l’échelle mondiale.

La nouvelle campagne de lutte contre l’exploitation sexuelle des enfants est le fruit d’un partenariat entre la fondation Somaly Mam, l’organisme Au delà des frontières, l’ECPAT – Éradication de la prostitution enfantine, de la pornographie mettant en scène des enfants et de la traite d’enfants à des fins sexuelles – et de l’enseigne Body Shop. La compagnie de produit de beauté a créé une crème pour les mains dont les bénéfices (la crème coûte 10 $ à l’achat, environ 6 $ sont reversés) sont acheminés directement à Au delà des frontières, qui est le partenaire canadien de l’ECPAT (mondial).

De plus, les recettes des ventes du Sac de la vie et des sacs-cadeaux de The Body Shop seront versées à la fondation Somaly Mam afin d’appuyer les services de réhabilitation et d’appui au Cambodge.

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«Le groupe Body Shop a 33 ans d’existence et la fondatrice a vu le groupe comme un vecteur d’activisme, cela doit bien être la campagne numéro 15 qu’on fait», indique Christophe Mura, le responsable canadien de Body Shop. Présent dans 60 pays avec plus de 2500 points de vente, la marque qui se veut un véhicule engagé peut toucher beaucoup de monde, ses clients, ses employés qui ont reçu un support explicatif pour la campagne, les familles de ses employés…

Comme la plupart d’entre nous, Christophe Mura admet qu’il ne connaissait pas bien le sujet avant de se mettre au travail pour la campagne: «J’avais entendu parler de la Thaïlande, du Cambodge, du tourisme sexuel mais je n’avais pas conscience de l’organisation, du crime organisé, du nombre de clients et surtout que cela arrivait dans TOUS les pays.»

Et c’est bien cela qu’il faut voir, cela existe dans TOUS les pays comme le met en lumière Rozalind Prober, co-fondatrice d’Au delà des frontières et siégeant au comité directeur de l’ECPAT depuis 2005: «Au Canada, on n’a pas beaucoup de statistiques, il y a une loi* qui est passée en 2005 mais même la police ne sait pas comment utiliser la loi. Il nous faut plus d’études, de recherches. Moi je viens de Winnipeg et ce sont les autochtones qui sont les premières victimes au Canada.

Les enfants commencent leur vie dans des situations difficiles. Je pense que c’est difficile pour les parents de voir que leur enfant peut être abusé.»

Et puis les pays riches participent au trafic, il ne faut pas se voiler la face, Somaly Mam l’explique sans détours: «Cela ne se passe pas uniquement au Cambodge, c’est des pays pauvres vers les pays riches, ça se passe aussi au Canada, en France».

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Dynamique et souriante, Somaly se réjouit du soutien qu’elle reçoit partout où elle se rend. Mercredi New York, aujourd’hui Toronto néanmoins elle ne peut cacher son énervement quand vient le temps de parler des actions à mener et de qui doit les mener. «On parle beaucoup mais maintenant faut activer, on a besoin de politiques, on ne peut pas stopper le trafic tout seul».

Et la critique est acerbe envers les délégations de tous bords, ONU, Union européenne… qui peuvent se déplacer soi-disant pour voir ce qui se passe mais «qui dorment à l’hôtel cinq étoiles».

Alors c’est vrai, l’activiste nommée femme de l’année en 2006 par le magazine Glamour et classée parmi les 100 personnes les plus influentes du monde par le magazine Times, est bien consciente de la difficulté du sujet, du fait qu’on ne veuille pas expressément en parler, qu’il reste un tabou à peine caché sur l’exploitation sexuelle des enfants, mais en veut aux politiques de ne pas faire ce qu’il faut pour stopper au plus vite cet esclavage.

Ayant subi elle-même une descente aux enfers, en étant rescapée et jetant toutes ses forces dans cette bataille, il est compréhensible que Somaly Mam attende plus que des paroles en l’air de la part des responsables politiques.

Une lueur d’espoir persiste, «un espoir tout petit comme ça», montre t-elle en créant un espace minuscule entre son pouce et son index. «Le Cambodge vient de passer une loi, ça commence à bouger», dit-elle sans se réjouir pour autant. Elle sait très bien qu’il faudra du temps pour faire évoluer les mentalités et que les gouvernements et la population prennent ce sujet à bras-le-corps.

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Puis chaque fois qu’un pays prend des mesures pour combattre l‘exploitation sexuelle des mineurs, les trafiquants en trouvent un autre. Le problème est mondial, tout le monde doit se sentir concerné et la campagne Mettons fin au trafic des mineurs le dit très clairement, elle veut «faire évoluer la situation à long terme». Le long terme, c’est le petit espoir que Somaly nous attrapait entre ses doigts, et ce n’était vraiment pas grand… À nous de le faire grandir.

*Le projet de loi C-2, Loi modifiant le Code criminel (protection des enfants et d’autres personnes vulnérables) est la concrétisation de l’engagement pris par le gouvernement du Canada de mener «une lutte à finir contre la pornographie juvénile». Il témoigne également de la volonté ferme du gouvernement de mieux protéger les enfants et autres personnes vulnérables contre l’exploitation et les mauvais traitements, selon le site Internet du ministère de la Justice.

Auteur

  • Guillaume Garcia

    Petit, il voulait devenir Tintin: le toupet dans le vent, les pantalons retroussés, son appareil photo en bandoulière; il ne manquait que Milou! Il est devenu journaliste, passionné de politique, de culture et de sports.

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