L’immigration en milieu minoritaire: un outil de travail nécessaire

Partagez
Tweetez
Envoyez

Publié 07/12/2010 par Guillaume Garcia

Le Comité permanent aux langues officielles déposait fin novembre son troisième rapport sur l’immigration comme outil de développement des communautés de langue officielle en situation minoritaire. 21 recommandations sont proposées au gouvernement fédéral pour une amélioration de la situation tant des immigrants que de la population locale. Reste le dossier épineux de la sélection des nouveaux arrivants, un sujet éminemment politique.

L’immigration au Canada est depuis longtemps un des poumons essentiels à la croissance du pays, mais qu’en est-il de l’immigration dans les communautés de langues officielles en situation minoritaire?

Comme le note le rapport, la Conférence ministérielle sur la francophonie canadienne a reconnu en 2009 que «l’immigration francophone représente un élément essentiel de la vitalité du fait français au Canada et revêt une importance cruciale pour l’ensemble de la francophonie canadienne».

Les francophones hors Québec ainsi que les anglophones du Québec parviennent-ils à maintenir leur niveau démographique en s’appuyant sur la manne de nouveaux arrivants? Rien de moins sûr.

Le Comité appuie sa réflexion sur des travaux qu’il avait effectués en 2003 où il notait que «les communautés francophones en situation minoritaire n’accueillent pas une proportion suffisante d’immigrants pour se ressourcer et accroître leur poids démographique», ceci étant valable pour les francophones hors Québec et les anglophones du Québec.

Publicité

Le défi du nombre

Plusieurs écueils se dressent sur la route d’une immigration sélectionnée en faveur des communautés linguistiques en situation minoritaire.

Tout d’abord, le nombre, le côté technique, comment compter, répertorier les nouveaux arrivants en fonction d’une langue.

Cela nécessite une définition précise, longtemps formulée ainsi au Canada et au Québec: francophone, anglophone, allophone.

Depuis plusieurs années, différentes institutions ont mis en place des définitions plus inclusives de la francophonie, comme lors du sommet des communautés francophones et acadienne, qui en 2007 ont adopté cette définition: «Toute personne qui choisit de vivre et de communiquer en français, peu importe sa langue maternelle ou son origine.»

Quant au Comité directeur de citoyenneté et immigration Canada, il proposait en 2006 pour un immigrant d’expression française: «Les personnes nées hors du Canada et qui résident au Canada, qui ont le français comme langue maternelle ou qui possèdent une connaissance de la langue française».

Publicité

L’Ontario a également choisi en 2009 de changer sa définition de la francophonie pour la rendre plus inclusive en y intégrant les personnes qui vivent ou travaillent en français.

Avoir une définition semblable de la francophonie pour toutes les institutions canadiennes devrait pouvoir faciliter le choix des immigrants et le dénombrement de la population francophone parmi ces nouveaux arrivants.

Telle est la proposition du Comité: «Un immigrant francophone dont la langue maternelle est le français ou dont la première langue officielle au Canada est le français, si sa langue maternelle est une autre langue que le français ou l’anglais.»

Cette nouvelle définition devrait pouvoir être un instrument de travail pour les accords Canada-provinces en matière d’immigration.

Le comité déplore qu’aucune enquête n’ait été faite sur la situation présente et le nombre d’immigrants qui composent les communautés francophones hors Québec, ces chiffres seraient des nécessaires préalables à la mise en place de cibles d’immigration.

Publicité

On parle en 2003 d’une volonté de 4,4 % de l’immigration totale qui soit une immigration vers la francophonie hors Québec mais la réalité serait plus proche de 1,5%.

Le Comité recommande donc une stratégie, de la part du gouvernement du Canada, d’immigration francophone au plan national en milieu minoritaire.

La volonté des provinces

Les protocoles d’entente entre le Canada et les provinces contiennent de plus en plus de clauses liées aux communautés de langues officielles en situation minoritaire.

La Fédération des communautés francophones et acadienne note cependant qu’il faut bien regarder comment cela va être interprété dans les différents cas.

Chaque province peut jouer sur ces clauses pour affirmer leur volonté de favoriser une immigration francophone, comme le Manitoba, qui vise une ambitieuse cible de 7%.

Publicité

Mais comme tout cela n’est pas harmonisé, ni soutenu financièrement de manière égale, le Comité recommande que le gouvernement, par l’entremise de ses ministères, encourage les provinces et territoires à se doter de cibles à court et moyen termes sur ce qui à trait au nombre d’immigrants francophones qu’ils veulent accueillir en situation minoritaire, encouragement appuyé par des moyens financiers bien évidemment. Le Comité recommande également que tous les accords soit dotés de ce style de clause, ce qui implique une révision des accords existants.

Le recrutement et l’intégration

Le recrutement international, par des programmes tels que Destination Canada ou les étudiants étrangers, a un rôle important à jouer pour attirer des immigrés qualifiés vers les communautés en minorité linguistique.

Plus ces programmes seront ouverts et étendus géographiquement, plus le Canada pourra s’assurer une manne d’immigration facilement, explique le rapport. Un effort dit également être fait pour s’ouvrir encore un peu plus aux pays de la francophonie.

Le bilinguisme peut dans certains cas être un bon moyen d’attirer ces immigrants. Pour autant il existe un risque réel de perdre ces francophones lorsqu’ils apprennent la langue de la majorité, note le Comité. Une contradiction de plus à mettre sur le compte du bilinguisme.

Ce recrutement doit être mené avec la perspective d’une aide à l’accueil et à l’intégration qui passera forcément par la reconnaissance des compétences, véritable épine dans le pied pour les nouveaux arrivants qui ne parviennent pas toujours à faire valider leur diplôme au Canada.

Publicité

Le système scolaire doit jouer un rôle de catalyseur pour la communauté francophone, comme l’indique le rapport, comme en Ontario, où 12 conseils scolaires quadrillent la province et permettent aux francophones d’étudier en français.

L’effort de recrutement doit se faire en prenant en compte les difficultés futures que peuvent rencontrer les nouveaux arrivants, en matière scolaire, de santé ou encore d’intégration économique.

Des recommandations politiquement incorrectes pour le Bloc Québécois

Le Bloc Québécois explique ne pas cautionner le rapport puisque plusieurs des recommandations s’avèrent selon lui de l’ingérence au sein de la politique québécoise d’immigration. «Le gouvernement fédéral doit respecter la pleine compétence du Québec, notamment en matière d’intégration des immigrants», rappelle-t-il.

Le Bloc pointe également du doigt le fait que la communauté anglophone au Québec bénéficie de bien meilleurs services que beaucoup de francophones canadiens.

Ce que le rapport semble mentionner lorsqu’il recommande au gouvernement de prendre exemple sur ce qui existe chez les anglophones du Québec, pour mettre en place les stratégies pour le côté francophone.

Publicité

Pour résumer sa position, le Bloc reconnaît les bons points du rapport et les témoignages, et plusieurs recommandations comme constructives, mais refuse de voir entrer Ottawa dans ses affaires.

La solution ne réside pas dans le nivellement et l’homogénéisation des réalités et des défis des deux communautés de langues officielles. Elle ne passe pas non plus par la centralisation d’Ottawa et l’empiètement des compétences du Québec et des provinces.

Au gouvernement maintenant de suivre, ou pas ces recommandations, qui ne restent que des recommandations…

Auteur

  • Guillaume Garcia

    Petit, il voulait devenir Tintin: le toupet dans le vent, les pantalons retroussés, son appareil photo en bandoulière; il ne manquait que Milou! Il est devenu journaliste, passionné de politique, de culture et de sports.

Partagez
Tweetez
Envoyez
Publicité

Pour la meilleur expérience sur ce site, veuillez activer Javascript dans votre navigateur