L’immigration a un impact sur le marché du travail en région (I)

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Publié 02/12/2008 par Annik Chalifour

Le Réseau canadien de recherche sur l’immigration en dehors des grands centres a organisé son 5e séminaire à l’Université de Sherbrooke les 27, 28 et 29 novembre. L’Université de Sherbrooke est l’observatoire pancanadien des zones à faible densité d’immigrants. Plusieurs éléments clés d’influence sur l’immigration en région ont été abordés. Voici un survol des points saillant relatifs à l’un des enjeux principaux liés à la régionalisation de l’immigration: l’emploi. (La semaine prochaine: l’éducation.)

D’une part, l’accès à l’emploi demeure l’enjeu majeur pour l’ensemble des immigrants. D’autre part, l’immigration constitue un enjeu de développement durable au Canada, particulièrement en région.

Dans ce contexte, nul doute que les programmes de régionalisation de l’immigration visent à attirer de plus en plus de nouveaux arrivants. Mais encore faut-il savoir les retenir! Or, vu la crise financière actuelle, l’employabilité en région n’est-elle pas en train de devenir désuète? En outre, les employeurs locaux, essentiellement des PME, sont-ils habilités à insérer les nouveaux arrivants au sein de leurs entreprises?

Le conférencier Alain Castilla est agent de développement au Centre Saint-Michel (Formation pour Adultes) faisant partie du programme de régionalisation de l’immigration (PRI) en Estrie. «Le PRI en Estrie a pour objectif d’attirer 100 personnes immigrantes et leurs familles dans la région annuellement. Le recrutement des immigrants s’effectue à Montréal et à l’étranger. L’intégration réussie de l’immigrant au marché de l’emploi en Estrie résulte principalement de partenariats mis en oeuvre auprès d’entreprises et organismes du milieu – la Commission scolaire par exemple.»

En octobre 2008, le PRI a organisé en Estrie le 1er salon de l’emploi pour les personnes immigrantes. «Une stratégie de sensibilisation mutuelle entre employeurs et employés potentiels», explique-t-il.

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Le rêve et la réalité

«Le premier pas, convient Alain Castilla, est d’aider l’immigrant à faire le deuil de ce qu’il a entendu avant d’arriver au Canada.» La distance entre le rêve pré-départ et la réalité du processus d’intégration à l’arrivée est souvent très grande pour plusieurs personnes immigrantes. C’est là qu’interviennent les services clés d’aide à l’emploi du PRI. Entre autres, l’adaptation du CV, le placement assisté, la prospection de milieux d’emploi, les conseils en développement de l’employabilité.

Les démarches des PRI tendent à réconcilier les besoins des communautés d’accueil et les talents des immigrants, ainsi qu’à favoriser l’adaptation professionnelle de ceux-ci à de nouveaux milieux de travail en dehors des grands centres. Pourtant la ville de Sherbrooke est considérée comme une zone sinistrée en terme d’employabilité.

Au défi du manque possible de vision en matière de répartition des immigrants en région, s’ajoute la sensibilisation des employeurs à la main d’oeuvre immigrante. «La gestion de la diversité culturelle représente un défi réel pour les entreprises de la Montérégie», selon Jamal-Eddine Tadlaoui, autre conférencier, professeur universitaire et coordonnateur de projet pour la Maison Internationale de la Rive-Sud (MIRS).

9 % des PME de la région ont répondu au questionnaire en ligne de l’organisme sur le sujet. «Les PME de la région regroupent moins de 50 employés par entreprise. Une vingtaine d’employés sont recrutés en moyenne par année. On recense 1 immigrant sur 10 employés. 80 % des PME ne connaissent pas le PRI», dit M. Tadlaoui.

L’enquête de la MIRS révèle que les entreprises font principalement face à des défis liés à des problèmes d’adaptation des employés nouveaux arrivants d’une part, et au manque de connaissances en matière de communication interculturelle mutuelle d’autre part. «Les employeurs n’ont pas de politiques ni de pratiques en matière de gestion de la diversité», réitère le conférencier. Il en résulte un besoin évident d’information et de formation sur le sujet pour les employeurs.

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«Le défi réside dans le fait que ceux-ci veulent des formations rapides, alors qu’il s’agit d’une formation continue», déclare Jamal-Eddine Tadlaoui.

La MIRS, basé à Brossard, est un organisme d’action communautaire créé en 1975 suite au regroupement de plusieurs associations qui ont à coeur de satisfaire les besoins particuliers des nouveaux arrivants. Depuis ses débuts, il a accueilli et desservi près de 55 000 personnes.

L’enquête de la MIRS rehausse l’importance d’établir un programme pancanadien d’éducation à la diversité auprès des employeurs et des employés, anciens et nouveaux Canadiens. Une approche bidirectionnelle de formation à la diversité apparaît comme l’une des solutions pour aider les entreprises à devenir plus efficaces dans un contexte de travail multiculturel grandissant et promu par le gouvernement.

Suivi du placement

Les commentaires du conférencier Éric Quimper, du Service d’appui régional en immigration (SARI), renforcent l’idée que l’aide à l’emploi pour les immigrants suppose des partenariats avec les institutions académiques, les organismes socio-économiques, et de la concertation avec les employeurs.

Pour ce faire, le SARI préconise une approche de participation citoyenne, de sensibilisation, et d’intégration culturelle, économique et professionnelle des nouveaux arrivants. «Par exemple, nous encourageons le mentorat d’affaires pour susciter l’entrepreneuriat. Nous travaillons aussi en collaboration avec le milieu académique, comme l’Université de Lévis, qui accueille de plus en plus d’étudiants étrangers», dit M. Quimper.

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Le phénomène de l’exode des étudiants étrangers gradués qui ne restent pas dans la région où ils ont étudié est pourtant courant. Par exemple les étudiants de Lévis quittent pour la ville de Québec ou ailleurs. Or les employeurs savent que l’un des défis principaux dans la région Chaudières-Appalaches est le manque aïgu de logements. Selon Éric Quimper, «les employeurs, s’ils veulent retenir les employés immigrants, devront développer une stratégie pour faire face à la pénurie de logements dans la région.»

Le SARI, installé à Lévis depuis à peine deux ans, fait face à trois défis principaux dans l’accomplissement de son mandat: la consolidation et l’élargissement de ses partenariats avec les employeurs et les organismes de la région, le suivi au placement des immigrants dans les entreprises.

Le succès du placement dépend de la gestion de l’ensemble du cycle du processus d’intégration de l’immigrant: gérer la préparation pré-emploi et le jumelage avec un poste adéquat, mais aussi idéalement encadrer l’adaptation aux nouvelles fonctions et appuyer le cheminement de carrière au sein de l’entreprise.

Le Service d’aide aux Néo-Canadiens (SANC) est l’organisme de référence en Estrie. La directrice Mercedes Orellana mentionne qu’il faut «continuellement sensibiliser les employeurs, être à la fine pointe de la situation de l’immigration». Le SANC dessert des personnes immigrantes issues de 60 pays dont des Colombiens (18 %), des Congolais de la RDC (10 %) et des Marocains (9 %).

L’organisme offre aux employeurs plusieurs ateliers de formation axés sur l’apprivoisement des différences culturelles, la gestion de la diversité, l’immigration, les besoins d’adaptation. 100 employeurs y ont déjà assisté. «Malgré tout, il reste difficile de combler les postes de gestionnaires par des immigrants», dit Mme Orellana.

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«D’autres défis s’ajoutent après le placement en milieu de travail, tels que le manque de connaissance du français de la personne immigrante en lien avec le travail qu’elle effectue, et le développement du réseau social de l’individu au sein de l’entreprise.»

Priorité à la concertation

Nicole Galarneau, directrice générale du Regroupement québécois des organismes pour le développement de l’employabilité et présidente de la Coalition canadienne des organismes communautaires en développement de l’employabilité, promeut la communication ouverte en matière de développement de l’accès à l’emploi pour les immigrants. «En septembre 2005, nous avons mis en marche le Dialogue, un programme d’intervention auprès des personnes immigrantes à la recherche d’emploi. Les défis exprimés étaient de taille. L’amélioration des habiletés langagières, l’expérience de travail canadienne à acquérir, la question de la validation des compétences et connaissances avant l’arrivée au Canada, les préjugés culturels», dit-elle.

Depuis, plusieurs autres Dialogues se sont déroulés dans différentes régions du pays. En novembre 2007, le Dialogue tenu à Vancouver a porté sur les besoins du marché du travail dans les secteurs de la construction, l’énergie, le transport et le tourisme. En février 2008 à Québec, on a discuté des secteurs de l’aérospatial, l’industrie pharmaceutique, la biotechnologie et l’horticulture. En mai 2008 à Toronto, on a échangé quant aux secteurs des finances, mines, et la santé. À Moncton on a souligné le tourisme, les pêcheries et les centres d’appel.

Voici quelques constats importants ressortis de ces Dialogues. Il n’existe pas au Canada de système d’évaluation des compétences techniques des candidats immigrants dans le secteur des métiers. Les PME manquent de sensibilisation face à l’embauche et la gestion de personnel issu de l’immigration. Les institutions académiques doivent jouer un rôle important dans l’intégration des personnes immigrantes.

S’en est découlée la recommandation de produire un guide intitulé Qui fait quoi dans la reconnaissance des acquis. Pour plus d’information sur le guide, consultez le site Internet rquode.savie.qc.ca

Auteur

  • Annik Chalifour

    Chroniqueuse et journaliste à l-express.ca depuis 2008. Plusieurs reportages réalisés en Haïti sur le tourisme solidaire en appui à l’économie locale durable. Plus de 20 ans d'œuvre humanitaire. Formation de juriste.

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