Libertin liberticide

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Publié 15/01/2014 par François Bergeron

Jusqu’à tout récemment, je ne savais rien sur la «quenelle», le salut nazi inversé, bras tendu vers le bas, main opposée à l’épaule, popularisé par l’humoriste Dieudonné et ses démêlés avec la justice française.

Apparemment, ça fait déjà quelques années, chez les contestataires radicaux, que ça représente un «bras d’honneur» à l’establishment, la main à l’épaule signifiant qu’on en a «jusque-là»… Mais c’est Dieudonné qui en aurait fait un geste antisémite ou antisioniste, repris ici et là par un sportif venant de marquer un but ou des têtes rasées passant devant une synagogue.

Il va sans dire que toute la classe politique, artistique et intellectuelle française est en émoi. Il lui en faut souvent bien moins que ça.

(Comme le démontre le brouhaha autour de la liaison entre le président François Hollande et une actrice, qui aurait occasionné un choc nerveux à la «première dame», elle-même ex-maîtresse de l’ex-mari de l’ex-candidate présidentielle… Personnellement, ce que je trouve le plus scandaleux, c’est que le magazine français qui a révélé l’affaire s’appelle Closer : un autre exemple d’aplaventrisme des Français devant l’anglais.)

Le nouveau spectacle de Dieudonné, Le Mur, a été interdit par la justice française la veille de la première à Nantes. Certains voudraient effacer Dieudonné de YouTube. Déjà le polémiste fait l’objet de multiples poursuites pour des propos diffamatoires et d’autres atteintes à la dignité des vivants et des morts, sur scène ou en entrevue avec des médias… et pour toutes les amendes antérieures impayées!

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Même au Québec, où Dieudonné est connu, des organisateurs de festival disent qu’ils s’abstiendront de l’inviter (ce qui est bien sûr leur droit le plus strict, comme celui des médias de ne pas lui fournir de micro), cette affaire invitant artistes et journalistes à débattre des limites de la liberté d’expression.

Cette dernière est toute relative en Europe et particulièrement en France, soi-disant «pays des droits de l’Homme», en réalité souvent liberticide en matière d’opinion et d’expression, comme d’ailleurs en matière d’association et de commerce en général. 

Les libertés d’opinion et d’expression sont garanties par le Premier amendement de la Constitution américaine et, dans une moindre mesure mais tout de même beaucoup mieux qu’en France, par la Charte canadienne des droits et libertés.

Est-ce parce que les écarts de langage et les affrontements politiques, religieux et raciaux sont plus fréquents et plus violents en Europe que chez nous que les lois européennes sont plus sévères que les nôtres? Ou est-ce la répression qui entraîne le mépris des lois? 

Le respect et la tolérance règnent chez nous en quasi-absence de lois cherchant à les imposer – voire grâce à cette liberté, qui responsabilise les citoyens. Mais évidemment notre histoire est très différente, l’immigration n’étant pas vue chez nous comme une invasion étrangère, mais plutôt comme une des caractéristiques fondamentales de notre continent.

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Malgré cette ouverture à l’immigration (et, encore là, peut-être grâce à elle: les immigrants étant attirés par notre recette de la prospérité), notre culture nord-américaine est plus homogène, moins conflictuelle, que celle de l’Europe, qui a connu deux grandes guerres il n’y a pas si longtemps.

Il reste que la censure officielle (légale), n’importe où, est rarement efficace, produisant plutôt le résultat contraire de celui qui est recherché: popularisant le propos qui choque et glorifiant celui qui l’exprime. La censure morale, permise par la liberté de chacun de critiquer et de boycotter, a plus de poids.

Auteur

  • François Bergeron

    Rédacteur en chef de l-express.ca. Plus de 40 ans d'expérience en journalisme et en édition de médias papier et web, en français et en anglais. Formation en sciences-politiques. Intéressé à toute l'actualité et aux grands enjeux modernes.

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