L’été olympique de la Chine

Partagez
Tweetez
Envoyez

Publié 29/04/2008 par François Bergeron

Si les Jeux olympiques sont obligatoirement l’affaire des démocraties ou des régimes qui ne risquent pas d’offenser nos sensibilités libérales, il ne fallait pas les accorder à Beijing en 2008.

Il est trop tard aujourd’hui pour suggérer de boycotter les Jeux d’été parce que le gouvernement chinois réprime brutalement les autonomistes tibétains, transige avec le régime génocidaire du Soudan, pratique l’espionnage industriel à grande échelle, restreint l’accès de ses citoyens à l’Internet ou continue de menacer Taïwan de blocus ou d’invasion.

Le Comité international olympique savait parfaitement à qui il avait affaire quand il a voté pour Beijing (contre Toronto, entre autres). Personne ne s’attendait sérieusement à ce que la venue des Jeux devienne le catalyseur d’une détente entre la Chine et ses voisins, ni d’une libéralisation du régime pour ses 1.2 milliard de citoyens. Au contraire, la récupération de cet honneur par le régime communiste pour stimuler le «patriotisme» et mater la dissidence était par trop prévisible.

Donc, le sort en est jeté. Envoyons nos athlètes à Beijing cet été. Participons aux cérémonies d’ouvertures même, afin d’entretenir un dialogue toujours utile avec le pays le plus populeux de la planète, partenaire commercial important, destination touristique fascinante, interlocuteur incontournable sur la protection de l’environnement et sur diverses questions de sécurité.

Les Autochtones du Canada ont pris bonne note de la publicité que les manifestations contre le flambeau olympique ont générée à travers le monde pour la cause du Tibet. Les Européens pleurent déjà facilement pour nos surpopulations de phoques qui bouffent nos souspopulations de poissons; imaginez ce que nos chefs en coiffes à plumes et attrape-rêve pourront en tirer en 2010 au nom de leurs villages miséreux. Cela fera une distraction mais, comme pour le Tibet, cela ne changera pas la situation sur le terrain.

Publicité

Le nouveau critique libéral en matière de politique étrangère, Bob Rae, s’est offusqué récemment des commentaires d’un député conservateur qui a comparé les Jeux de Beijing en 2008 à ceux de Berlin en 1936, et qui a associé le gouvernement chinois aux pires violateurs des droits de la personne dans le monde. Bob Rae en a profité une nouvelle fois pour exposer son biais pro-israélien (la véritable raison de son éloignement du NPD souvent pro-palestinien) en dénonçant cette comparaison avec le régime nazi qui, selon lui, «minimise l’horreur d’un des pires régimes que l’humanité ait connus»…

Comme si la Chine communiste ne faisait pas partie, historiquement, de ces régimes criminels qui ont inventé (avant Hitler) ou perfectionné la dictature du parti unique, le contrôle totalitaire sur l’activité économique et la vie personnelle, la censure de l’information et la propagande mensongère, les assassinats politiques, les procès arrangés, les camps de concentration et le nettoyage ethnique.

Bien sûr, la Chine d’aujourd’hui n’est plus celle de la «Révolution culturelle» de Mao, un programme d’extermination de l’opposition qui a fait des dizaines de millions de morts et un nombre incalculable d’autres victimes. Les massacres comme celui de la Place Tienanmen en 1989 sont aujourd’hui l’exception et non la règle d’une administration qui reste toutefois fortement allergique à la dissidence.

Même en pleine Guerre froide, la Chine de Mao n’a jamais cherché à détruire nos démocraties pour conquérir le monde, comme l’Allemagne d’Hitler et la Russie de Staline à Brejnev. Le communisme chinois – comme, plus généralement, les dictatures dans le tiers-monde – a toujours représenté davantage un joug pour ses citoyens qu’une menace pour ses voisins.

Le régime nord-coréen, par exemple, craint bien plus la colère de sa population affamée qu’une hypothétique agression sud-coréenne, japonaise ou américaine. Les voisins de la Corée du Nord craignent surtout l’instabilité que pourrait susciter une révolte de cette population maintenue en esclavage par un dictateur fou. Les apologistes du communisme chinois tentent souvent, eux aussi, de justifier l’autoritarisme du régime par le «chaos» qui pourrait résulter d’une démocratisation.

Publicité

Les armes des dictateurs sont donc plus souvent pointées vers l’intérieur du pays, sauf ici en ce qui concerne Taïwan, où s’étaient réfugiés les adversaires de la révolution communiste et qui est devenue une démocratie libérale avec la plupart de ses attributs… mais pas la reconnaissance internationale officielle. La Chine considère Taïwan comme une province illégalement occupée par des séparatistes. Le monde occidental devrait profiter des Jeux olympiques cet été pour clarifier cette situation en renouvelant sa promesse de défendre l’autonomie et l’autodétermination de Taïwan contre toute attaque chinoise.

«Si nous voulons faire de vrais progrès sur le front des droits de l’homme, nous devons nous rapprocher de la Chine, et non pas l’insulter», soutient Bob Rae. Personnellement, je préfère l’attitude du Premier ministre Stephen Harper qui a déjà déclaré qu’il ne ferait jamais passer les considérations commerciales avant les droits humains. Parions que le régime chinois est plus disposé à respecter la rectitude morale de Stephen Harper que les courbettes de Bob Rae.

Auteur

  • François Bergeron

    Rédacteur en chef de l-express.ca. Plus de 40 ans d'expérience en journalisme et en édition de médias papier et web, en français et en anglais. Formation en sciences-politiques. Intéressé à toute l'actualité et aux grands enjeux modernes.

Partagez
Tweetez
Envoyez
Publicité

Pour la meilleur expérience sur ce site, veuillez activer Javascript dans votre navigateur