L’été à fleur de peau

Partagez
Tweetez
Envoyez

Publié 14/03/2006 par Dominique Denis

Au risque de me prononcer prématurément, je dirais que j’ai trouvé dans l’univers de Bazbaz mon disque d’été, édition 2006. Et je parie que je ne serai pas le seul.

À la fois sexy et joyeux (les deux critères de base de tout disque d’été), Sur le bout de la langue (Zone 3/Sélect) est l’œuvre d’un artiste qui semble posséder une confiance sans bornes en son flair mélodique et ses pouvoirs de séduction, une lame à double tranchant que le chanteur français manie sans la moindre trace d’arrogance.

Si ses chansons évoquent par moments Souchon, M ou Jean-Louis Murat, Bazbaz les dépasse tous au chapitre de l’alchimie pop. Et quelle polyvalence! Infinie solitude mine la veine sensuelle de la musique arabe, Tout pour l’éviter conjure un état de folie onirique par le truchement d’une musique de cirque, et Papa Tango Charly, du regretté Mort Schuman, met le cap sur les Antilles. Ailleurs, quelques parenthèses soul ou reggae achèvent notre bienheureux dépaysement.

Mais devant pareille facilité, il ne faut pas conclure que Sur le bout de la langue appartient à la catégorie des disques faciles: sous ses airs de mec qui pond des succès les doigts dans le nez, Bazbaz est tout, sauf paresseux.

Tant sur le plan des mélodies que des textes, il a simplement évacué le superflu, le banal, afin de mieux mettre en valeur un hook infaillible ou une plume soucieuse du fond autant que de la forme. C’est ainsi qu’Infinie solitude, sur laquelle ouvre l’album, installe en quatre lignes à l’assonance magistrale cette espèce de gueule de bois des amours épuisés («Puisqu’on a fait ce qu’on a pu/Puisqu’on n’a plus ce qu’on avait/Ce qu’on a vécu, on l’a perdu/Dans notre infinie solitude»).

Publicité

Pas mal, pour un «simple» disque d’été…

Question de feeling…

C’est ce qu’on appelle mettre la gomme: pour son deuxième CD, la jeune blueswoman Roxanne Potvin a eu droit à des ressources à la mesure des espoirs qu’on fonde en elle. D’abord, The Way It Feels (Alert) est réalisé par Colin Linden, maître ès roots music, qui a ses entrées à Memphis et Nashville (où il a élu domicile), et qui a donné à l’auteure-compositrice et guitariste originaire d’Ottawa un son ancré dans l’esthétique de la soul classique des années 60.

Ajoutez à cela une poignée d’invités de marque (Bruce Cockburn, John Hiatt et Daniel Lanois, le temps de trois duos), des musiciens chevronnés, qui comprennent d’instinct les exigences stylistiques et émotionnelles de chaque morceau (dont le pianiste et organiste Richard Bell, un ancien de chez Janis Joplin) et vous avez les ingrédients d’un album susceptible de percer bien au-delà du cercle restreint des inconditionnels du blues.

Mais tout cela ne serait que garniture si Potvin n’avait pas la voix, le feeling – et les chansons – à la hauteur de son budget.

Publicité

Qu’il s’agisse du vieux r&b néo-orléanais à la Fats Domino, des ballades arrache-cœur d’Etta James ou de la nostalgie des déracinés cajuns, non seulement a-t-elle absorbé le langage de tous les régionalismes traditionnels de l’Amérique, mais elle les a mis au service de chansons qui déploient une vaste palette d’émotions, lesquelles sont véhiculées par une voix qui ne suggère aucunement qu’on tient là une artiste qui entame à peine la vingtaine.

Et le temps de La merveille, valse tendre qui donne lieu à un duo avec Daniel Lanois, Roxanne Potvin lance un bref clin d’œil à son public francophone et francophile, en attendant (on peut rêver!) qu’elle commette un album de blues 100% franco-ontarien – ce qui serait, à ma connaissance, une première.

Gilles Valiquette, déplogué et décontracté

Si l’on exclut le succès de Je suis cool, qui remonte à 1973, on ne peut pas dire que Gilles Valiquette ait monopolisé les palmarès, même à l’époque où sa caricature de hippie lui donnait des airs de petit frère paumé de John Lennon. Pourtant, si l’on mesure la réussite en termes de longévité et d’estime des pairs, Valiquette n’a pas à rougir de son parcours.

Occupé qu’il a pu être à réaliser les albums des autres (dont Plume et Renée Claude) et à promouvoir les intérêts des auteurs-compositeurs dans ses fonctions de président de la Socan, il s’est longtemps tenu à l’écart des projecteurs. Question de faire d’une pierre deux coups, il a profité de son passage à l’émission Les acoustiques en automne dernier, sur les plateaux de Musimax, pour enregistrer ce qui deviendrait Pour l’occasion (Trilogie/Sélect).

Fidèle à son absence de mythe, Valiquette y reprend une douzaine de ses chansons en formule acoustique et décontractée (dont Samedi soir, Mets un peu de soleil dans notre vie et, bien sûr, un Je suis cool joyeusement massacré au yukulele), nous en fait découvrir quelques nouvelles (le gentil Celui qui te va le mieux, qui s’écoute comme la version «unplugged» de la face B d’un 45-tours de 1966), et complète le programme par deux reprises des Sultans, comme pour suggérer que la chanson québécoise des années 70 était peut-être le prolongement des années yéyé, et non une réaction à celles-ci.

Publicité

Et la présence de son fils Louis sur quelques morceaux contribue au caractère convivial de cette soirée: face à un public complice, le tandem conjure un bonheur sans prétention, même si les refrains de Valiquette, d’une douceur feutrée qui semble totalement décalée par rapport au «beat» accéléré de notre début de millénaire, nous font au mieux l’effet d’un analgésique, au pire celui d’un sédatif.

Les copains et les inconditionnels pourront faire le détour de Pour l’occasion, mais ceux qui cherchent à comprendre ce qui a pu faire de Valiquette une des grandes vedettes des années 70 auraient plutôt intérêt à se ressourcer dans ses enregistrements d’origine.

Auteur

Partagez
Tweetez
Envoyez
Publicité

Pour la meilleur expérience sur ce site, veuillez activer Javascript dans votre navigateur