L’esprit pionnier de Yellowknife

Une traductrice de Toronto vit l’expérience du Grand Nord

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Publié 15/01/2013 par Guillaume Garcia

Traductrice vivant à Toronto depuis près de huit ans, Carole Musialek a décidé en juin dernier de faire ses valises, direction Yellowknife, dans les Territoires du Nord-Ouest pour découvrir la vie dans le nord canadien et goûter à l’esprit pionnier qui règne dans sa capitale, Yellowknife. De passage à Toronto pour voir des amis, elle nous livre ses impressions.

La plupart des gens se demandent «Pourquoi? Pourquoi s’être embarquée dans une telle aventure?»

Carole Musialek caressait depuis longtemps l’idée de s’établir dans le Grand Nord pour y découvrir un autre aspect du Canada. «Il y a eu les séries télé, comme Ice Pilots, ou encore Arctic Air. J’étais aussi abonnée au magazine Up Here, qui offre des reportages du nord du 60e parallèle. Quand j’ai vu Ice Pilots, c’était vraiment l’esprit pionnier. La conquête du nord!», explique Carole, dans un café de la rue Danforth.

Envie de bouger

«Je voulais voir le Grand Nord, vivre des aventures. J’en avais ma claque de rester à Toronto et j’avais envie de bouger!», lâche Carole.

La jeune Bordelaise a débarqué à Toronto au milieu des années 2000 et fait ses «classes» canadiennes jusqu’à devenir citoyenne.

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Contrairement à beaucoup d’aventuriers qui partent vers l’inconnu sur le pouce, elle a particulièrement bien préparé sa «conquête du nord».

Quand elle décide finalement de se lancer, elle calcule la faisabilité du projet. «Déjà, j’ai regardé si c’était financièrement faisable. Je me suis renseignée sur le prix des loyers et j’ai des amis qui m’ont donné deux contacts à qui j’ai pu poser des questions sur les loyers, internet ou encore l’alimentation. Ça m’a rassurée. J’ai vu qu’en coloc je pourrais gérer financièrement.»

Des loyers dignes de Toronto

Et oui, parce que dans la petite ville de Yellowknife, les loyers sont similaires voire plus chers qu’à Toronto. «Pour trouver mon appart, on m’a renseigné sur le site local de petites annonces. «Il y a Craigslist et Kijiji mais ils ne sont pas utilisés», indique Carole.

Pour partir sereinement, Carole négocie avec son employeur torontois un temps partiel à 60%, à distance, ce qui lui laisse une marge de manœuvre financière.

Une fois les premiers repérages effectués, la trentenaire rencontre un coloc «virtuel», qui arrive de Colombie-Britannique et tous deux jettent leur dévolu sur un appart en centre-ville.

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« Là j’ai pris mon billet d’avion et j’ai regardé comment déménager. Le moins cher que j’ai trouvé c’était en passant par la poste. J’ai envoyé une vingtaine de cartons, des fringues, des papiers, des livres, de la cuisine.»

Le jour le plus long

Elle vend tout le mobilier de son appart torontois et se retrouve à Yellowknife, le 21 juin dernier, pour «le jour le plus long», comme elle aime le souligner.

«J’ai eu une impression de cowboys! Tu descends directement sur le tarmac. Il y avait un côté bon enfant dans l’avion. Les pilotes étaient prêts à mettre des bagages dans leur cabine! Quand tu arrives, tu traverses le Lac des Esclaves et tu ne vois que de l’eau, des arbres et des rochers. À Calgary, tu vois les routes qui s’enfoncent et au bout d’un moment elles s’arrêtent», se souvient la traductrice.

Il faut savoir qu’il n’y a que deux routes à Yellowknife. Une qui y va à partir de l’Alberta, c’est la Mackenzie Highway, et une autre, de 60 km, qui en repart, le Ingraham Trail. Au-delà ce sont les routes de glace.

À son arrivée, certains cartons attendent déjà Carole et elle peut profiter de quelques jours pour découvrir sa nouvelle ville, son appart et les alentours.

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«La lumière est super belle. Je ne me souviens pas avoir vu de coucher de soleil pendant les premières semaines! Il n’y a pas de nuit, mais tu as quand même envie de dormir.»

Ses premières impressions sont positives. «C’est petit, c’est dans la nature et les gens sont accueillants. C’est très communautaire», décrit Carole Musialek, également photographe pendant ses loisirs et qui, pour ça, est au paradis à Yellowknife.

Maisons flottantes

Sa plus grande surprise sera également visuelle: il y a des maisons flottantes sur le Lac des Esclaves. «L’été ils y vont en canot et l’hiver c’est gelé donc ils peuvent y aller en voiture.»

Cette vie en autarcie, symbole de Yellowknife ne va peut-être plus durer longtemps, comme le regrette Carole. «La ville fait tout pour les mettre dehors. Par exemple, l’été, ils laissaient leur voiture le long du lac et la ville vient d’interdire ça. Mais c’est l’image de Yellowknife.»

Les renards et les corbeaux

Après quelques jours d’acclimatation, Carole a vu des renards, des corbeaux gros comme des dindes et les sentiers balisés de randonnées qui entourent la ville.

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«Je me rappelle, j’avais du mal à entrer dans les magasins. C’est caché. Ils ne font pas attention à leur devanture et il n’y a pas de terrasse. Des fois c’est au premier étage des maisons.»

L’ennui commence à pointer le bout de son nez et Carole décide de se trouver un travail supplémentaire. Elle a déjà été responsable de la cuisine au Snakes and Lattes à Toronto, elle va donc rencontrer plusieurs propriétaires de restaurants et de B&B.

«Ils manquent cruellement de main-d’œuvre là-bas, donc on te prend facilement à l’essai. Je me suis retrouvée ‘line cook’ et j’ai été formée par le chef.»

Elle rencontre ainsi d’autres saisonniers et profite de la vie culturelle importante de Yellowknife l’été.

Beaucoup de sport

«Il y a des festivals et, sinon, c’est beaucoup de sport. La ville organise aussi des trucs. Il faut que tu sortes de chez toi à un moment donné, surtout l’hiver. Il y a des gens qui ‘hibernent’ et aussi beaucoup qui partent dans le Sud.»

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Ville à l’esprit pionnier, Yellowknife est aujourd’hui peuplée de fonctionnaires, de gens qui ont des contrats gouvernementaux, d’autochtones, et des travailleurs des mines du nord de la ville. «Il y a aussi beaucoup de pilotes. Tout le monde connaît un pilote ici», explique la traductrice-cuisinière.

Elle fait sa place petit à petit et découvre la communauté francophone de Yellowknife, qui est assez surprise de voir arriver une «Française».

«La plupart des gens sont envoyés pour le travail ici. Mais moi je suis venue par moi-même, les gens me demandaient toujours, ‘Mais pourquoi tu es venue?’»

Aurores boréales quotidiennes

L’hiver lui apporte une bonne partie de la réponse avec ses paysages irréels et surtout ses aurores boréales quotidiennes. Elle part souvent dans la nature armée de sa caméra pour immortaliser ces instants féériques.

Carole se plaît bien dans cette ville de «hippie-cowboys», où le monde ne fait que passer, et envisage d’y rester encore plusieurs mois, en partie pour réaliser son rêve, découvrir l’Arctique.

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«Je pensais que tout le monde avait été en Arctique, mais pas du tout. C’est absolument pas accessible financièrement.»

Elle planifie aussi de se rendre au bout de l’Ingraham Trail cet hiver pour rouler sur les routes de glaces et goûter à cette liberté que procure le Grand Nord.

Qui sait, elle y prendra peut-être racine, elle qui commence à comprendre ce qui manque à Yellowknife pour être encore plus «cool». «Il n’y a pas de micro-brasserie, il n’y a pas de glacier et il y a plein de photographes qui viennent ici, mais on ne peut pas développer ses photos à part au Drugmart.»

Avant de s’installer en Colombie-Britannique, son grand rêve, elle se verrait bien passer du temps à Whitehorse, un peu pour comparer avec Yellowknife et un peu pour le plaisir aussi. Surtout pour le plaisir en fait…

Auteur

  • Guillaume Garcia

    Petit, il voulait devenir Tintin: le toupet dans le vent, les pantalons retroussés, son appareil photo en bandoulière; il ne manquait que Milou! Il est devenu journaliste, passionné de politique, de culture et de sports.

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