Depuis la deuxième moitié du 20e siècle, les Conservateurs ont gouverné l’Ontario presque sans interruption. De Leslie Frost (1949) à Ernie Eves (2002), la province a connu six premiers ministres conservateurs contre un libéral (David Peterson en 1985) et un néo-démocrate (Bob Rae en 1990). On dit que les Ontariens se sont habitués à considérer les Conservateurs comme les dirigeants naturels de la province et à ne rompre avec cette tradition qu’en cas d’extrême nécessité.
En réalité, l’économie et la population changent maintenant trop rapidement pour que de telles certitudes tiennent encore la route. D’ailleurs, sur la scène fédérale, les Libéraux ont dominé l’Ontario plus souvent qu’à leur tour ces dernières décennies. Certains observateurs y décèlent une volonté des électeurs de ne pas mettre tous leurs oeufs dans le même panier, voire de favoriser l’équilibre politique entre les deux niveaux de gouvernement.
Le même phénomène est observable au Québec, où on a souvent voté bleu au provincial et rouge au fédéral. La France s’est inquiétée de la «cohabitation» entre un président de gauche et un parlement de droite, puis vice-versa, avant d’y voir une certaine sophistication de l’électorat. Pourtant, aux États-Unis, c’est la norme depuis toujours: Républicains et Démocrates contrôlent rarement à la fois la présidence et les deux chambres du Congrès.
Incidemment, Paul Martin n’aura pas la partie aussi facile qu’on le croit: la trahison des Libéraux de Jean Chrétien sur le mariage homosexuel va grandement aider l’Alliance canadienne, dont le chef Stephen Harper est plus intelligent que Stockwell Day avant lui et plus crédible que le jeune Peter MacKay chez les Conservateurs. Du côté du NPD fédéral, Jack Layton devrait lui aussi faire mieux que sa prédécesseure Alexa McDonough. Au Québec, la défaite du PQ pourrait en inciter plusieurs à voter pour le Bloc à Ottawa pour rétablir l’équilibre. Les jeux ne se font donc pas si longtemps d’avance.
Dalton McGuinty
Aujourd’hui, Dalton McGuinty doit convaincre les Ontariens qu’après les récentes crises de l’eau, du SRAS, de l’électricité, de la viande, des écoles, des hôpitaux, des villes, de l’aide sociale et des finances publiques – auxquelles il faut peut-être ajouter les défaites des Maple Leafs et le nouveau logo des Blue Jays – c’est le moment où jamais de changer de régime.