Bonheur du décalage – Restons amants est paru en France au mois de mai, à temps pour les premiers vraiment beaux jours et, avec un peu de veine, pour les amours nouvelles. Mais puisque j’avais rangé mon chapeau de critique pendant l’été (et négligé tout ce qui ressemble à l’actualité musicale), le plus récent album de Maxime Le Forestier atteignait mes oreilles alors que les jours commençaient à se faire plus brefs, et que le besoin de chansons nourrissantes se faisait plus pressant.
Le moins qu’on puisse dire, c’est que l’attente en aura valu la peine. Non seulement parce que Restons amants est un vrai disque d’automne, en ce sens que les chansons qui le composent semblent tournées vers l’intérieur, mais aussi parce qu’on tient là le genre de disque dont on sait d’emblée qu’on ira y puiser bonheur et inspiration dans les mois et les années à venir, longtemps après que la poussière sera retombée sur la vacuité du vacarme ambiant.
Voici un disque dont on chercherait en vain les tares. Il faut dire que, même durant ses années de contestation grano, Maxime était déjà un redoutable perfectionniste, et le temps n’a fait qu’accentuer cette qualité. Pas une rime ni une note de guitare dans cette plus récente récolte qui n’ait été longuement mûrie, et les fruits de ce travail d’orfèvre constituent un des plus grands plaisirs de Restons amants.
Après cette fâcheuse parenthèse électroniques des années 80 (motivée, rappelons-le, par la même obsession de perfection), Maxime semble s’être installé dans un registre acoustique et intimiste qui confère à son répertoire une enveloppe sonore indémodable.
En faisant du travail à partir de la langue (des doubles sens, surtout) le point de départ de nombreuses chansons, Le Forestier signe ce qu’on appelle parfois péjorativement des exercices de style. Lorsque de tels exercices font écho à certaines plus anciennes chansons, on pourrait croire que le style prend le pas sur l’urgence de dire. Mais qu’importe si la réflexion anthropologique de La meute et le troupeau s’inscrit dans le sillage de La rue Darwin, ou si Le juge et la blonde affiche un peu trop explicitement sa dette envers Brassens, il serait fou de bouder le plaisir intelligent que nous procure de telles chansons.