Je confesse tout de suite que la dernière fois que j’ai suivi attentivement une campagne électorale française, c’est en 1974, quand Valéry Giscard d’Estaing a été élu Président. J’ai décroché en 1981 quand il a été battu par le dinosaure socialiste François Mitterrand.
Je suis donc loin d’être un expert de la scène politique française, encore moins des Français, dont je comprends rarement les sentiments et les actions. Mais à entendre les débats et les altercations entre spécialistes reconnus de la politique française sur les plateaux de télévision en fin de semaine dernière, je me sens presqu’autorisé à ajouter mon commentaire.
Comme François Bayrou aujourd’hui, Giscard proposait une alternative centriste à la division de la France entre la gauche et la droite traditionnelles. Bayrou a été ministre de l’Éducation sous Chirac avant de rejoindre l’opposition. Giscard était ministre des Finances sous Pompidou. Le parti de Bayrou, l’UDF (Union pour la démocratie française), vient d’une association de petits partis réformateurs, dont celui de Giscard (les Républicains indépendants). Le plus célèbre porte-parole de l’UDF a été Raymond Barre, Premier ministre sous Giscard.
Là s’arrête cependant la comparaison. En 1974, Giscard faisait face à deux vétérans de la gauche et de la droite, le socialiste François Mitterrand et le gaulliste Jacques Chaban-Delmas. Il représentait une nouvelle génération de politiciens. En 2007, c’est Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal qui incarnent un telle évolution de l’image, de la substance et de la clientèle. Entre les deux, Bayrou représentait paradoxalement l’alternative la moins risquée, la plus «conservatrice» au sens propre du terme.
Les résultats du premier tour de ces présidentielles sont éloquents: malgré un meilleur score que celui de Jacques Chirac en 2002, où une myriade de petits candidats avaient saigné les plus gros et permis à l’ultra-nationaliste Jean-Marie Le Pen de devancer le socialiste Lionel Jospin, Bayrou n’a pas percé au centre comme l’avait fait Giscard. Au contraire, dans ce scrutin marqué par une forte participation, Sarkozy a su rallier presque le tiers des Français autour de son programme activiste, et Royal a convaincu son électorat, le quart des Français, de voter «utile».