Les fonctionnaires doivent faire leur part

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Publié 13/03/2012 par François Bergeron

Le premier ministre Dalton McGuinty peut communiquer de multiples façons avec les citoyens de la province.

Il diffuse régulièrement des communiqués de presse, notamment par courriel. Ces annonces alimentent aussi les sites Internet du gouvernement, du premier ministre lui-même et du Parti libéral.

Il s’exprime à l’Assemblée législative, de son propre chef ou en réponse aux questions de l’opposition. De multiples tribunes locales ou de plus grandes envergures lui sont offertes à travers la province et lors de ses voyages à l’extérieur.

Il peut convoquer les journalistes à une conférence de presse, accepter de leur parler dans un corridor au sortir d’une réunion ou accorder des entrevues à certains d’entre eux. Dans des circonstances exceptionnelles, il réservera du temps d’antenne à la radio et la télévision pour s’adresser directement à la population.

Et le chef du gouvernement twitte, facebooke et se produit sur YouTube, sachant que ces réseaux sont surveillés par les vrais médias qui en rapporteront le rare contenu intéressant.

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C’est dans une vidéo en anglais affichée sur YouTube (la 427e à être reliée au site web personnel du premier ministre, vue par plus de 22 000 personnes), que, de son bureau, Dalton McGuinty s’est adressé le 2 mars aux enseignants pour les féliciter de leur bon travail, rappeler les bons coups de son gouvernement dans ce domaine, leur exposer brièvement ses difficultés financières (un endettement qui pourrait atteindre 50% du PIB d’ici cinq ans si rien n’est fait), et leur demander de «faire leur part» en acceptant un gel de salaire de deux ans et en cédant quelques privilèges comme celui d’accumuler les congés de maladie jusqu’à leur retraite.

Le choix d’un canal non officiel comme YouTube – plutôt qu’à l’Assemblée législative, par exemple – n’est pas anodin: ça n’engage pas formellement le gouvernement.

En prévision d’un budget provincial (27 mars) devant s’inspirer du récent rapport Drummond, qui propose de limiter à 1% par année la croissance des dépenses en Éducation, et considérant que des négociations avec les syndicats des enseignants doivent aboutir à la fin de l’été, le premier ministre oriente le débat dans la bonne direction – la seule direction possible – en s’adressant directement aux enseignants qui peuvent influencer leurs dirigeants syndicaux et à toute la population envers qui il est ultimement redevable.

L’opposition néo-démocrate, inféodée aux syndicats, a vertement critiqué l’intervention de Dalton McGuinty, estimant que c’est à la table des négociations – c’est-à-dire derrière des portes closes – qu’il faut discuter avec les syndicats, pas en s’adressant directement à la base, aux enseignants, encore moins à toute la population qui a d’autres intérêts comme payer moins de taxes et d’impôts.

Les Conservateurs, eux, ont prédit que le gouvernement finirait par céder aux pressions des syndicats comme à son habitude.

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Dans le monde de l’Éducation (le quart du budget provincial), les salaires et avantages sociaux du personnel représentent 85% des dépenses. La «compensation» (j’ai toujours trouvé ce mot malheureux) de tous les fonctionnaires représente environ 55% des dépenses totales du gouvernement provincial. Aucun plan de restriction des dépenses publiques ne peut passer à côté de ça.

En contrepartie d’un gel des salaires de deux ans (pourquoi seulement deux ans, alors que le budget ne serait équilibré qu’en 2018?), le premier ministre McGuinty assure que le nombre d’élèves par classe ne sera pas augmenté et que la maternelle à temps plein sera bel et bien instaurée partout, contrairement à deux recommandations de Don Drummond. Cela signifie qu’il n’y aura pas ou peu de mises à pied d’enseignants malgré la baisse relative du nombre d’élèves dans la plupart des écoles (anglophones) de la province.

Voilà d’ailleurs tout le débat, ici comme dans d’autres secteurs de l’économie: préfère-t-on conserver le plus grand nombre de bons (ou même de moins bons) emplois plutôt que de sacrifier des postes au profit de l’amélioration de la situation de ceux qui resteront?

Il me semble que si j’étais représentant syndical, je favoriserais le maintien des emplois et je comprendrais qu’en période de faible croissance des revenus de l’État, on ne peut pas s’attendre à une forte croissance des salaires des fonctionnaires.

Dans le secteur privé, qui représente tout de même encore 60% de l’économie, des entrepreneurs encaissent des baisses de profits et des employés doivent accepter des gels et parfois des réductions de salaire quand ça va mal.

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Les fonctionnaires en général, et les enseignants en particulier, devraient apprécier leur situation et accepter un peu d’austérité (un mot beaucoup trop fort ici) afin de contribuer à assainir les finances publiques. À long terme, c’est dans leur intérêt, puisqu’un gouvernement qui accumulera des surplus plutôt que des déficits sera à nouveau en mesure d’offrir de meilleurs salaires et conditions de travail à ses employés.

Dalton McGuinty, dont l’épouse est enseignante, a toujours soutenu un développement optimal de l’Éducation, allant parfois au-devant et au-delà des revendications des syndicats. Il en a d’ailleurs été récompensé par un appui ponctuel de plusieurs groupes d’intérêts qui, en campagne électorale, ont diffusé des publicités contre les méchants Conservateurs qui menacent continuellement de limiter les dépenses publiques.

S’il faut en croire les premières réactions syndicales à la prestation du premier ministre de l’Ontario sur YouTube, ces appuis ne seront pas faciles à conserver, bien que la majorité de la population, elle, partage certainement le point de vue du gouvernement. Le discours de Dalton McGuinty est une «insulte», une «attaque» contre les enseignants, a-t-on entendu de la bouche de dirigeants syndicaux.

Certains d’entre eux ont d’ailleurs annoncé qu’ils boycotteraient toute négociation où un gel des salaires serait proposé. Ce n’est pas une nouvelle tactique: à la fin de l’été 2010, les syndicats de la fonction publique avaient quitté en masse, dès les premiers jours, un marathon de négociations organisé à grands frais, à l’hôtel Royal York, par le ministre des Finances, Dwight Duncan, qui voulait commencer sérieusement à limiter les dépenses publiques.

Un an avant les élections provinciales, le gouvernement libéral avait préféré maintenir la «paix sociale» et reporter toute action importante au printemps 2012.

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Et bien, le printemps 2012, nous y voilà.

Auteur

  • François Bergeron

    Rédacteur en chef de l-express.ca. Plus de 40 ans d'expérience en journalisme et en édition de médias papier et web, en français et en anglais. Formation en sciences-politiques. Intéressé à toute l'actualité et aux grands enjeux modernes.

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