L’empire divisé

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Publié 07/11/2012 par François Bergeron

Une bonne majorité de Canadiens souhaitaient la réélection de Barack Obama et plusieurs ne comprennent pas pourquoi la présidentielle américaine a été si serrée (51% pour le président démocrate contre 48% contre le républicain Mitt Romney), encore moins pourquoi les Républicains contrôlent encore la Chambre des représentants (les Démocrates conservent le Sénat).

«N’importe qui possédant plus que deux neurones dans la tête devrait voter démocrate», m’a dit un ami, qui ne déteste pourtant pas les Américains.

De ce point de vue pas très charitable, Mitt Romney et Paul Ryan représentaient des alternatives désastreuses à Barack Obama et Joe Biden, tout comme en 2008 John McCain et Sarah Palin: un capitalisme débridé, indifférent à la pauvreté comme à l’environnement, l’élimination cruelle ou stupide de programmes sociaux ou d’investissements publics stratégiques, une invasion de la religion dans la sphère politique, des reculs pour les droits des femmes et des minorités, une paranoïa sécuritaire ruineuse et la relance d’un impérialisme dangereux…

Chacun de ces griefs mérite d’être examiné de plus près, certains étant valides (la religion, le militarisme) tandis que d’autres tiennent de la caricature (le capitalisme sauvage). Ensemble, ils ont cependant plombé la campagne républicaine qui avait pourtant l’avantage initial d’affronter une administration incapable de dynamiser l’économie malgré un endettement à la hauteur de 16 trillions $.

Le président Obama a réussi à blâmer une partie des difficultés du pays sur l’administration précédente de George W. Bush, et sur l’obstruction des élus républicains majoritaires à la Chambre des représentants et minoritaires au Sénat. Cet affrontement continuel entre l’exécutif et le législatif est d’ailleurs considéré comme l’un des plus grands défis qu’aura à relever Barack Obama au cours de son second et dernier mandat.

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Les Républicains, eux, doivent réfléchir à leur incapacité croissante de sortir de leur bastion blanc et âgé pour intéresser des noirs, des hispanos et surtout des jeunes.

Romney a essayé, sans succès, de se réinventer en candidat pragmatique centré sur la création d’emplois, après s’être décrit comme «sévèrement conservateur» pour gagner les primaires républicaines au cours de la dernière année. En effet, à l’exception du vieux libertarien Ron Paul, ses adversaires étaient des illuminés opposés non seulement à l’avortement mais parfois aussi à la contraception, quoique maniaques de la peine de mort et d’interventions militaires tous azimuths.

Comble de malchance, des déclarations malheureuses de candidats républicains locaux (qui ont été défaits), sur les viols «légitimes» ou représentant «la volonté de Dieu», sont venues rappeler qu’un certain nombre de gens derrière Romney et Ryan étaient vraiment trop bizarres.

Romney lui-même n’a pas arrangé les choses avec des propos controversés sur les «47%» d’Américains qui vivraient aux crochets de l’État, ou sorties tout droit des années 1950 sur la participation des femmes dans l’économie «s’il le faut».

Son programme de création d’emplois dans le secteur privé était bien intentionné mais restait vague (puisque c’est surtout en s’effaçant que le gouvernement peut aider le secteur privé). Et les emplois, chez Bain Capital, n’étaient pas toujours la priorité…

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Mais les Républicains perdaient toute crédibilité en promettant à la fois de sabrer dans les dépenses publiques extravagantes et d’augmenter les dépenses militaires, qui sont les plus extravagantes.

Mitt Romney, qui déplorait, lors d’un débat, une diminution du nombre de navires de guerre américains, ne s’est jamais remis de la réplique de Barack Obama sur les chevaux et les bayonnettes également remplacés par des armes plus performantes.

Soulignons que, par rapport à 2008, le président Obama a été réélu de justesse en 2012. Il a remporté 3 millions de voix de plus que son adversaire (sur 120 millions de personnes ayant exercé leur droit de vote, soit à peine la moitié des Américains). En 2008, il avait remporté 9 millions de voix de plus que John McCain… et 7 millions de voix de plus qu’en 2012!

Romney n’ayant pas fait mieux que McCain (59,1 millions de suffrages pour le Républicain de 2012 contre 59,9 pour celui de 2008), cela pourrait signifier que 8 millions d’électeurs (7 millions d’ex-Démocrates et 1 million de d’ex-Républicains) sont restés chez eux, désillusionnés face à leur candidat, ou écoeurés de leur gouvernement dysfonctionnel, ou découragés par le déclin de l’empire américain.

RÉSULTATS:
Collège électoral: Obama 332, Romney 206
Votes exprimés: Obama 62,6 millions (51%), Romney 59,1 millions (48%)
2008: Obama 69,4 millions de votes, McCain 59,9 millions
Sénat: 53 démocrates, 45 républicains, 2 indépendants
Chambre des Représentants: 233 républicains, 200 démocrates, 2 indépendants

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Auteur

  • François Bergeron

    Rédacteur en chef de l-express.ca. Plus de 40 ans d'expérience en journalisme et en édition de médias papier et web, en français et en anglais. Formation en sciences-politiques. Intéressé à toute l'actualité et aux grands enjeux modernes.

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