Leçons de démocratie

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Publié 01/05/2012 par François Bergeron

«La dictature, c’est «ferme ta gueule», alors que la démocratie, c’est «cause toujours»…

Ce mot (très contestable) de Coluche est d’actualité ces temps-ci au Québec. La province est secouée depuis trois mois par des «grèves» et des manifestations étudiantes contre une hausse de 75% sur 5 ans des frais de scolarité au cégep et à l’université, décidée par le gouvernement libéral de Jean Charest et officialisée dans le récent budget.

C’est une forte augmentation, mais les frais de scolarité québécois demeureraient tout de même les plus bas au pays et contribueraient encore pour moins de 20% des coûts du système postsecondaire.

Mentionnons que malgré ce faible coût relatif des études supérieures au Québec, la province reste celle où le moins de jeunes accèdent à l’université. Comme quoi l’accessibilité n’est pas une question de finance mais bien de culture ambiante et de motivation personnelle.

Des milliers de jeunes – et souvent de moins jeunes – arborant le carré rouge, symbole du soutien à la cause des étudiants, se donnent rendez-vous chaque semaine, et maintenant chaque soir, dans les rues de Montréal, plus souvent pour des marches pacifiques qui perturbent néanmoins la circulation automobile, mais qui donnent parfois lieu à de la casse.

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Depuis le début du conflit, la police a procédé à plus de 1200 arrestations de gens qui ont commis divers méfaits, à Montréal, mais aussi en Outaouais, à Québec et ailleurs. On ne sait pas si les mêmes personnes ont été arrêtées plusieurs fois: c’est possible, car ces manifs sont souvent noyautées par des anarchistes masqués armés de pierres, bâtons, marteaux et cocktails Molotov. On en a même vu un déambulant avec un pic!

Pendant plusieurs jours, la semaine dernière, le débat public a porté sur la renonciation et/ou la dénonciation de la violence par les porte-parole des étudiants.

C’est que la ministre de l’Éducation, Line Beauchamp, avait finalement daigné inviter les fédérations étudiantes à dialoguer avec elle de l’avenir de l’éducation postsecondaire au Québec (mais pas de la hausse des frais!). Elle avait cependant exclu l’organisme le plus radical, la CLASSE (Coalition large de l’Association pour une solidarité syndicale étudiante), qui préfère la «démocratie directe» à la «démocratie électorale», et qui se «dissociait» de la violence sans pour autant la «condamner»…

C’est au cours d’un congrès (hebdomadaire) à huis clos de ses délégués que la CLASSE a condamné, du bout des lèvres, la «violence physique contre les individus» mais pas la «désobéissance civile» ni la destruction de biens publics ou privés. Ces syndicalistes étudiants accusent d’ailleurs le gouvernement – voire le «système» en général – d’abus s’apparentant à de la violence.

La CLASSE représente un peu plus de la moitié des étudiants en grève. La FECQ et la FEUQ représentent la grande majorité des étudiants du collégial et de l’université, car les deux-tiers d’entre eux n’ont pas participé au conflit et complèteront leur session normalement.

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Dernièrement, le gouvernement a offert de bonifier les prêts et bourses, et d’étaler la hausse des frais de scolarité sur 7 ans au lieu de 5. C’est trop peu, trop tard, ont rétorqué les fédérations étudiantes, dont certaines (pas la CLASSE, qui ne réclame rien de moins que la gratuité complète) préparent cependant une contre-proposition dans le but de sortir de l’impasse.

Jean Charest est peut-être le premier ministre le plus impopulaire de l’histoire du Québec moderne. Son gouvernement patauge dans les scandales de corruption et de gaspillage. C’est la grogne face à une taxation punitive et la médiocrité des services publics. L’électorat est volatile, embrassant tout à coup le NPD de Jack Layton pour, le lendemain, porter la CAQ de François Legault aux nues, avant de revenir dans le giron du PQ de Pauline Marois… Pas étonnant que la «démocratie électorale» en prenne pour son rhume.

Clairement, le gouvernement libéral a sous-estimé la volonté des étudiants de résister à la hausse des frais de scolarité, même au prix du chamboulement et parfois de la perte de leur session d’études (voir la culture et la motivation mentionnées plus haut…). Mais une majorité de la population, la fameuse «majorité silencieuse», lui demande de rester ferme face à la contestation.

Car s’il cédait là-dessus, que ferait-il face aux vrais syndicats mécontents de la moindre rationalisation des dépenses publiques? Déjà, en début de mandat, les Libéraux de Jean Charest promettaient une «réingénierie» de l’État, projet trop rapidement abandonné face à l’opposition des groupes d’intérêts qui profitent d’une administration publique lourde et opaque.

À la soi-disant démocratie directe des étudiants, il serait temps de laisser s’exprimer la population tout entière dans un véritable exercice de démocratie: des élections.

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Auteur

  • François Bergeron

    Rédacteur en chef de l-express.ca. Plus de 40 ans d'expérience en journalisme et en édition de médias papier et web, en français et en anglais. Formation en sciences-politiques. Intéressé à toute l'actualité et aux grands enjeux modernes.

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