Le TIFF, c’est aussi un marché

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Publié 02/09/2014 par Janine Messadié

Le Festival international du film de Toronto (TIFF), qualifié de tremplin à la course aux Oscars, connaît d’année en année un véritable succès auprès des cinéphiles torontois, toujours de plus en plus nombreux à faire la queue pour assister aux projections de films, ainsi qu’autour des tapis rouges pour saluer les stars lors des nombreuses premières mondiales, nationales ou internationales. D’ailleurs, les organisateurs aiment à la rappeler: ce qui fait le succès du festival c’est notre public!!

Mais le TIFF, avec son immense marché informel, est aussi l’un des principaux lieux de ventes de films, qui se place au 2e rang du marché cinématographique mondial après Cannes. Il constitue une porte ouverte sur les réseaux de distribution mondiaux sur le plan des ventes internationales, et offre un accès direct au marché nord-américain.

France

Pour Loïc Magneron, président-fondateur de la compagnie de distribution française Wide, qui traverse l’océan depuis plus de 25 ans pour venir à Toronto, ce festival est un must. «Le TIFF offre programmation de qualité, intelligente et diversifiée, c’est une grande fête du cinéma appréciée du public, mais c’est aussi un marché informel important pour les films européens.»

Les distributeurs, les acheteurs voient les films dans une ambiance différente, plus décontractée, explique-t-il. «C’est un endroit clé pour vendre et acquérir des films et parfois même pour compléter des ventes de productions cinématographiques qui ne se sont pas finalisées à Cannes, Berlin ou Venise.»

Loïc Magneron fait partie de la vingtaine de sociétés cinématographiques françaises qui voyagent sous l’ombrelle d’Unifrance, l’organisme chargé de la promotion du cinéma français dans le monde, en soutenant la présence des comédiens, des metteurs en scène, des distributeurs et des différents acteurs de l’industrie du film français, et qui d’année en année intensifie sa présence au TIFF.

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D’ailleurs, 2014 est une année record pour le cinéma français au festival. Au total 27 films français et 27 coproductions françaises. Sans oublier la très belle délégation, qui comprend de grands noms: François Ozon, Olivier Assayas, Juliette Binoche, Fabrice Luchini, Michel Hazanavicius, Omar Sy, Jean Dujardin, Tahar Rahim, Bérénice Bejo, Mia Hansen Love, Benoît Jacquot, Laurent Cantet, Jean-Luc Godard, Pascale Ferran, Céline Sciamma et bien d’autres encore…

Québec

Du côté des professionnels du cinéma québécois, qui avaient pris d’assaut le Marché du Film, la Quinzaine des Réalisateurs et la Semaine de la Critique lors de la 67e édition du Festival de Cannes, on se prépare avec effervescence à conquérir le festival de Toronto.

Anne-Lyse Haket, déléguée des affaires internationales et directrice générale du cinéma et de la production télévisuelle à la Société de développement des entreprises culturelles (SODEC), confirme la présence de près de 150 Québécois, incluant les équipes de films, les comédiens, mais aussi les producteurs, les acheteurs, les distributeurs, qui tout comme leurs homologues européens viendront les bras chargés de leurs plus récentes productions mettant ainsi le cinéma québécois à l’honneur, avec une sélection d’une trentaine de longs métrages.

Parmi les longs-métrages fiction, il ne faudra surtout pas manquer Mommy de Xavier Dolan, jeune prodige de 25 ans, qui avait non seulement raflé le prix du Jury à Cannes, mais aussi le prestigieux prix du Public ex-æquo avec Adieu au langage de l’illustre cinéaste Jean-Luc Godard.

On verra également à Toronto Jean-Marc Vallée avec Wild, son deuxième film américain, ainsi que les Maxime Giroux (Félix et Meira), Denys Arcand (Le Règne de la Beauté), Stéphane Lafleur (Tu dors Nicole), Mathieu Denis (Corbo), Jacob Tierny (Preggoland), Charles Binamé (La chanson de l’éléphant) mettant en vedette Xavier Dolan.

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Philippe Falardeau présentera The Good Lie, son premier long métrage en langue anglaise avec l’actrice Reese Witherspoon dans le rôle d’une Américaine qui vient en aide à quatre réfugiés soudanais.

Quant à François Girard, qui n’avait pas présenté de nouveau film au TIFF depuis Soie, sorti en 2007, il nous revient avec Boychoir, tourné au début de l’année au Connecticut et à New York. Il met en vedette Dustin Hoffman et Kathy Bates.

Distributeurs

Le TIFF avec son menu gigantesque (en moyenne plus de 300 films) rend parfois la tâche difficile aux producteurs et distributeurs de films à petits budgets, qui se voient en compétition directe avec les productions les plus convoitées qui ont fait du bruit dans les festivals européens avant d’arriver à Toronto.

De préciser Loïc Magneron, dont la compagnie Wide est l’agent international de vente pour le film The Narrrow Frame Of Mind de la réalisatrice maroco-irakienne Tala Hadid, présenté en première mondiale au festival: «c’est l’antinomie du TIFF… le défaut du système nord-américain, mais il faut se positionner puisque faire partie de la sélection de ce grand panorama cinématographique mondial est un atout majeur qu’il faut exploiter au maximum!»

Professionnels

Plate-forme extraordinaire pour le marché du film, si le TIFF a cette capacité de réunir des professionnels du monde entier, c’est aussi grâce aussi à ses nombreux partenaires, notamment l’European Film Promotion (EFP) soutenu de son côté par le programme Creative Europe de l’Union européenne.

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Ainsi depuis 2010, le TIFF, en partenariat avec l’EFP, Screen Australia, NZ Film et la Société de développement des médias de l’Ontario (SODIMO), a lancé le Producers Lab Toronto, un évènement qui vise à accroître les coproductions internationales et à renforcer le réseautage entre les professionnels participants.

Cette année, ce sont 10 producteurs européens et 10 producteurs canadiens, et pour la première fois deux producteurs de l’Australie et deux de la Nouvelle-Zélande, qui seront réunis pour échanger sur des projets de films artistiques, dans le but d’augmenter le nombre de coproductions eurocanadiennes.

Justin Cutler est le directeur du bureau de l’industrie du TIFF. Il précise que la participation des professionnels de l’industrie (acheteurs, distributeurs, investisseurs, producteurs, agents de vente internationaux) a augmenté de 37% au cours des cinq dernières années.

En 2013, le Bureau de l’industrie a enregistré 4747 professionnels de l’industrie de plus de 80 pays. Cette année, on prévoit dépasser ce nombre.

Ce succès, dit-il, est largement attribuable au travail des programmeurs qui font tout pour attirer les titres de vente les plus convoités de l’année. En termes de distribution, on s’attend à accueillir plus de 1800 acheteurs de films qui seront à la recherche de contenu pour leurs territoires. En 2013, par exemple, 60 ventes de films ont été annoncées dans les revues spécialisées durant le festival.

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Plusieurs autres accords de distribution ont été signés en privé au festival et ont été annoncés en 2014 proches de la date de la sortie du film en salles.

Forums

Et qu’en est-il des stars? Leur présence contribue-t-elle à la réussite d’une vente ou de la distribution d’un film?

Cela permet de créer un buzz et une dynamique de ventes pour les films, répond avec sourire Justin Cutler. «Nous menons deux festivals parallèles: l’un dédié au public, l’autre à la presse et à l’industrie et ils sont essentiels à notre réussite. Notre objectif est de fournir aux acheteurs un accès fluide à des projections publiques et de participer à l’excitation qui se vit dans le quartier du festival.»

Espace convivial d’échanges, lieu privilégié de rencontres avec les grands de l’industrie du cinéma, le TIFF innove inlassablement pour renforcer son marché informel et son calendrier est impressionnant. Cette année encore les délégués de l’industrie auront droit à des journées thématiques faisant intervenir 180 spécialistes sur différents thèmes liés à la production cinématographique.

C’est au Studio Glenn Gould du Centre Canadien de radiodiffusion qu’auront lieu six panels sur le processus créatif (5 sept.), le financement (6 sept.), la distribution (7 sept.), le marketing (8 sept.), la coproduction (9 sept), les médias numériques (10 sept.), l’avenir de l’industrie (11 sept.).

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Fort de son succès en 2012 et 2013, on retrouve également cette année le Asian Film Summit, une journée entière consacrée uniquement au marché asiatique, afin d’approfondir et de faciliter les collaborations avec cette région du monde. Elle aura lieu le 9 septembre à l’hôtel Shangri-La avec des vétérans et des professionnels de la relève de l’industrie du film asiatique.

Autre évènement incontournable qui renforce la popularité du festival auprès des professionnels, le Doc Conference, de retour dans la programmation pour une sixième année consécutive.

Vitrine sur les perspectives de création et d’affaires pour le cinéma documentaire, ce forum de deux jours (9 et 10 septembre) propose une série de discussions approfondies sur le paysage actuel de la production documentaire, ainsi que sur le financement et la distribution. Il propose également des études de cas et des soirées de réseautage.

Il met en vedette cette année encore des joueurs clés de l’industrie dont Hussain Currimbhoy (Sheffield Doc/Fest), Beau Willimon (Créateur et producteur exécutif de House of Cards) ou encore Sue Kroll (Présidente de Worldwide Marketing and International Distribution) et les cinéastes Michael Moore (Roger & Me, Bowling for Columbine, Fahrenheit 9/11) Joshua Oppenheimer (The Look of Silence, The Act of Killing), et Alanis Obomsawin, la cinéaste abénaquise québécoise de 82 ans, qui y dévoilera Trick or Treaty, son dernier documentaire tourné dans le nord de l’Ontario.

C’est une prestigieuse brochette qui se veut un témoignage de l’impact et de la force de la communauté documentaristes, souligne encore Justin Cutler.

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Vendre, négocier, conclure des ententes de distribution, élargir les perspectives sur le documentaire et mousser les coproductions avec des professionnels exceptionnels, venus des quatre coins du monde; tout cela en célébrant le 7e Art… La Ville Reine devient véritablement durant 11 jours, la planète cinéma!

* * *

Festival International du Film de Toronto (TIFF): tous les détails à www.tiff.net/festivals/thefestival

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Auteur

  • Janine Messadié

    Communicatrice d'une grande polyvalence. 30 ans de journalisme et de présence sur les ondes de Radio-Canada et diverses stations privées de radio et de télévision du Québec et de l’Ontario français. Écrit depuis toujours...

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