Le sens de l’humour des Québécois

Partagez
Tweetez
Envoyez

Publié 04/05/2011 par François Bergeron

LES ÉLECTIONS DU 2 MAI (1)

Les Québécois ont un sens de l’humour «particulier», «spécial» comme on dit sur un ton incertain.

Inventeurs du Parti Rhinocéros qui a connu son quinze minutes de gloire dans les années Trudeau, puis du Bloc québécois censé écoeurer le reste du Canada jusqu’à ce qu’il finisse par se séparer du Québec, les Québécois ont embrassé lundi un parti socialiste centralisateur anglophone n’ayant aucune racine ni équipe sur le terrain, le NPD du moustachu sympathique avec la canne, qui les a moins irrités que les autres dans le débat des chefs.

Certains de ses candidats étaient en vacances à Las Vegas pendant la campagne électorale ou baragouinaient à peine le français dans des comtés très majoritairement francophones? D’autres «poteaux» venaient d’avoir 20 ans ou déploraient jusqu’à tout récemment la chute du mur de Berlin? Raisons de plus pour voter NPD et ainsi brasser la cage des vieux partis!

Bien que, selon Jean-François Lisée, le blogueur (blagueur?) souverainiste du magazine L’Actualité, c’est leur propre cage que les Québécois ont fait exploser. Dans une fine analyse intitulée La grande évasion, l’ancien conseiller de Jacques Parizeau écrit que les Québécois se sont «évadés de la prison du statu quo».

Publicité

«À Québec, un gouvernement libéral détesté. À Ottawa, un gouvernement conservateur tout aussi détesté. À Montréal, un maire dont on souhaite le départ.» Cela générait donc, selon lui, un très grand sentiment de frustration. «Alors, voter Jack, ça ne coûte rien. On change d’opposition. On change de couleur. Mais on ne pose pas de geste grave.»

Un autre excellent commentateur, l’ancien ministre péquiste Jacques Brassard, qui avait appelé à voter conservateur, se dit «partagé entre le fou rire et la honte».

«Vous avez voté dans la plus totale ignorance, non seulement de l’identité et de la feuille de route d’une très large proportion des candidats du NPD, mais aussi de la nature et de la vision du parti du bon Jack», écrit-il dans une Missive à mes compatriotes au lendemain de l’élection fédérale.

Plusieurs chroniqueurs (notamment Richard Martineau du Journal de Montréal et Joanne Marcotte du Réseau Liberté-Québec) ont utilisé l’image du «banc de poissons» pour illustrer l’étonnant comportement électoral des Québécois. En effet, le Bloc est passé de 49 députés à 4, et le NPD de 1 à 58 avec 43% des suffrages (le Bloc 23%). En 2008, le Bloc avait récolté 38% du vote contre 12% pour le NPD.

Méchant revirement, que le Bloc a aggravé en fin de campagne en parlant de référendum et de souveraineté, alors que ce n’était pas la place et que ce n’est plus une priorité. La table est mise depuis un bout de temps pour un débat gauche-droite traditionnel sur le rôle de l’État dans la société en général et dans l’économie en particulier.

Publicité

Le Québec est déjà l’une des juridictions les plus à «gauche» du monde occidental: l’une des plus endettées, des plus taxées, des plus noyautées par les syndicats et les parasites sur le BS (individuels, associatifs, corporatifs).

Si on additionne les votes du NPD et du Bloc, en y ajoutant la moitié des votes libéraux soi-disant au «centre», la «gauche» québécoise recevrait l’appui d’environ 75% des électeurs. Ils vont trouver ça le fun un gouvernement conservateur majoritaire!

Dans le camp souverainiste (oui, ça existe encore), on compte maintenant là-dessus: un mécontentement croissant face à Stephen Harper et au Canada anglais qui lui a confié un tel mandat, contre lequel l’opposition néo-démocrate sera toute aussi impuissante que ne l’était celle du Bloc.

Ce 75% d’appui à des idées qui partent peut-être de bons sentiments, mais qui ont appauvri toutes les sociétés qui les ont mises en pratique, devrait paradoxalement signaler aux Conservateurs que le terrain est fertile pour leurs principes de liberté de commerce et de responsabilités personnelles.

Il n’y a pas de raison que ça ne fasse pas partie des fameuses «valeurs québécoises». Après tout, liberté et responsabilités, ça rime avec souveraineté… Ceux qui sont pour l’indépendance (du Québec) devraient logiquement être contre la dépendance (des Québécois).

Publicité

Cette volatilité du vote québécois, la réceptivité exceptionnelle des électeurs de cette province aux nouvelles options politiques, dont le NPD a été le bénéficiaire cette fois-ci, devrait inciter les Conservateurs à recruter des porte-parole francophones crédibles et articulés, et à inciter Stephen Harper lui-même à venir plus souvent au Québec expliquer ses politiques et consulter les citoyens. Jack Layton l’a prouvé: l’accent anglais n’est plus un obstacle.

(À SUIVRE)

Auteur

  • François Bergeron

    Rédacteur en chef de l-express.ca. Plus de 40 ans d'expérience en journalisme et en édition de médias papier et web, en français et en anglais. Formation en sciences-politiques. Intéressé à toute l'actualité et aux grands enjeux modernes.

Partagez
Tweetez
Envoyez
Publicité

Pour la meilleur expérience sur ce site, veuillez activer Javascript dans votre navigateur