Le prix Nobel de la Paix s’en va en guerre

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Publié 04/09/2013 par François Bergeron

En 1925, la Convention de Genève interdisait les armes chimiques, qui avaient traumatisé les combattants et les civils au cours de la Première Guerre mondiale.

Cela n’a pas empêché les Américains de faire usage d’Agent Orange au Vietnam, ni Saddam Hussein de gazer les troupes iraniennes sur les champs de bataille à l’époque où il travaillait pour les Américains, puis les rebelles kurdes après le malentendu avec Washington qui a mené à la première Guerre du Golfe.

Toutes les grandes puissances ont d’ailleurs continué de perfectionner et de stocker des armes chimiques, plus souvent des systèmes permettant de répandre du gaz sarin, une neurotoxine foudroyante.

Ce ne sont pas les pires éléments de nos arsenaux modernes – les bombes nucléaires et d’éventuelles armes bactériologiques feraient beaucoup plus de victimes – mais, pour des raisons sentimentales, on considère plus odieux de tuer des gens avec des gaz qu’avec des bombes ou des balles.

Convaincu – avant même la fin de l’enquête de l’ONU sur le terrain – que le régime syrien a mené récemment une attaque chimique contre une banlieue de Damas contrôlée par les rebelles, Barack Obama a l’intention d’ordonner bientôt une série de frappes «punitives».

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C’est qu’il y a quelques mois, le président américain a averti Bachar el-Assad, qui réprime férocement toute contestation de son pouvoir depuis le «printemps arabe» de 2011, et qui n’en serait pas à sa première salve de gaz sarin, que l’usage d’armes chimiques constituait une «ligne rouge» à ne pas franchir.

François Hollande et David Cameron souhaitent eux aussi livrer un message sans équivoque au gouvernement syrien sous la forme d’une intervention militaire, malgré l’opposition de leurs populations. La résolution de Cameron a d’ailleurs été battue au Parlement britannique, mettant le premier ministre hors jeu.

Le Canada, heureusement, n’a pas les moyens de participer à cet exercice. Stephen Harper n’a donc pas à rappeler nos députés en vacances.

Le président français, lui, ne consultera pas son Assemblée nationale, à l’instar de la Maison Blanche qui… oups, non, oui, finalement, va consulter le Congrès… mais par pure courtoisie.

Car, apparemment, le président Obama se croit autorisé à intervenir militairement à l’étranger sans l’aval du Congrès. C’est vrai en cas d’attaque contre le sol américain, mais les constitutionnalistes diffèrent d’opinion lorsqu’il s’agit d’une initiative américaine.

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Depuis 2001, cependant, le président peut justifier pratiquement tous les accrocs à la Constitution au nom de la guerre au terrorisme. Obama – prix Nobel de la Paix, faut-il le rappeler – autorise régulièrement des attaques de drones en Afghanistan, au Pakistan, au Yémen et ailleurs contre des talibans, des membres d’al-Qaïda ou d’autres ennemis.

Israël se manifeste peu et n’a pas de position officielle dans ce bras de fer autour de la Syrie, mais tous savent qu’aucune intervention américaine n’aurait été envisagée en cas d’opposition de l’État hébreu.

Une intervention militaire occidentale libérera le président russe Vladimir Poutine – l’un des derniers alliés de la Syrie avec la Chine, l’Iran et le Hezbollah au Liban – de sa promesse de ne pas équiper l’armée syrienne d’armes trop sophistiquées.

Poutine continue d’affirmer que ce sont peut-être les rebelles syriens (aidés par la Turquie, l’Arabie Saoudite et la même mouvance sunnite qui a aussi applaudi au coup d’État militaire en Égypte) qui ont gazé certains des leurs pour entraîner les Occientaux dans le conflit.

Depuis quelques mois, les rebelles ne subissaient que des défaites face aux forces d’Assad, qui aurait fait preuve d’une incroyable stupidité en menant la seule action qui pouvait encore mobiliser les Occidentaux: une attaque chimique.

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De là à imaginer que les Américains eux-mêmes, ou des alliés israéliens, turcs ou syriens sur le terrain, aient monté une telle mise en scène, il n’y a qu’un pas. L’histoire de l’intervention américaine en Irak justifie le scepticisme qu’on pourrait entretenir ici sur les motivations et les actions de Washington dans le conflit syrien.

Malheureusement, on en est peut-être rendu à ce point de non-retour où décider de ne pas intervenir a davantage de conséquences négatives qu’intervenir.

Au minimum, les États-Unis et la France devraient attendre le rapport des inspecteurs de l’ONU – sinon à quoi peut bien encore servir l’ONU? Obama et Hollande devraient également obéir à la volonté populaire et à celle de leurs élus respectifs au Congrès et à l’Assemblée nationale, si jamais ils votaient contre une nouvelle aventure en Syrie.

Idéalement, au G20 de Saint-Pétersbourg qui commence jeudi, Obama et Poutine devraient mettre de côté leurs différends sur les droits des gais ou sur Edward Snowden, et régler ça entre leaders dignes d’un prix Nobel de la Paix.

Auteur

  • François Bergeron

    Rédacteur en chef de l-express.ca. Plus de 40 ans d'expérience en journalisme et en édition de médias papier et web, en français et en anglais. Formation en sciences-politiques. Intéressé à toute l'actualité et aux grands enjeux modernes.

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