Le prix à payer pour devenir un vrai Canadien

Après la victoire sur la bureaucratie, la défaite au hockey

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Publié 19/02/2013 par Guillaume Garcia

Même si le Canada reste un des pays les plus accueillants de la planète, il ne suffit pas de demander gentiment pour être admis dans ce «plus meilleur» pays du monde.

Les années passent et le Français se sent de plus en plus chez lui, malgré un attachement viscéral à sa terre natale, attachement qui l’énerve un peu puisqu’une personne intégrée n’est pas sensée regarder derrière elle. Je ne suis pas encore Canadien, je suis avant tout Français, voire Franco-Ontarien (selon la nouvelle définition «inclusive»…), globalité un peu bizarre rassemblant plus ou moins tout ce qui parle français dans le coin.

Devenir canadien a un prix, sonnant et trébuchant certes, mais également psychologique. Et ça, personne ne m’avait averti.

Je ne suis pas aussi fucké qu’Elvis Gratton quand on me demande si je suis canadien-français, mais bon, on pourrait dire que je suis un Français de France, un Franco-Ontarien d’Amérique du Nord en passe de devenir un Franco-Franco-Ontarien Canadien d’expression française!

Financer l’administration

Mais tous ces brillants qualificatifs se méritent; il faut procéder par étapes. D’abord, financières. Je ne compte même plus combien j’ai donné à Postes Canada, entre les demandes de permis de travail envoyées à coup de 50 piastres avec accusé de réception, les photocopies certifiées du passeport, les photos officielles, les demandes de documents français et tout le toutim.

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Le plus dur à avaler restant les 400 $ qu’il faut débourser pour prouver qu’on parle bien français. Aioille. «Pendant combien de temps avez-vous appris le français?»… non mais il se fout de ma… Anyway, tiens, tes 400 $!

Bref, un bon pécule parti en fumée, quelques moments de stress et une résidence permanente plus tard, l’addition commence à être sérieusement salée.

Le froid

Mais la saga ne s’arrête pas là, non, car pour devenir un bon Canadien, un Franco-Ontarien français d’expression francophone, ça te prend une solide tuque, des bonnes mitaines, des surpantalons, des combines que tu mets sous tes pantalons, des «suits» de ski, des gros chandails en veux-tu en v’là, des belles chemises carreautées, des bottes pour la neige que tu dois changer tous les ans parce que le sel te bouffe les semelles, et tout un tas de trucs comme des pelles, des pneus à neige, bref un véritable attirail. Un gouffre!

Le froid, ça coûte cher en titi comme diraient mes amis! Je vais finir par en vouloir à Jacques Cartier de ne pas avoir mis le cap sur la Floride.

Faque du coup (oui je commence à doubler mes interjections aussi, parce que ça c’est gratuit!) tu te sens plus léger de quelque centaines de dollars et tu te dis: Tiens si je me mettais au sport canadien par excellence, le curl…,  non OK le hockey sur glace… Aïe, OK le hockey tout court.

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Tu vas chez le Pneu Canadien et tu t’achètes des patins, un palet et une crosse. Aïe, OK, une puck, pis un bâton. Là tu te sens encore plus léger de quelques centaines de dollars et tu te dis que cette fois c’est bon, t’as payé le prix, t’es devenu un vrai canayen. Et bien non.

Après trois petits tours sur la glace avec tout ton accoutrement du parfait hockeyeur, il te manque quand même toujours l’essentiel.

La honte…

Je sais patiner rassurez-vous, mais là, je sens que je vais devoir payer le prix fort. On parle du défi d’une vie, d’une mission impossible pour le commun des mortels.

Nous, on jouait avec mon ami, à se passer la rondelle tranquillement, quand un bataillon de trois mioches de huit ans et leur Général Papa sont venus nous déclarer la guerre. L’impôt régalien canadien.

On vient te prendre ton honneur, et ce sont des enfants de huit ans les percepteurs. On s’entend qu’à huit ans, ils ont pas mal six ans d’expérience de plus que nous en hockey. Les trois jeunes décident de faire une équipe composée uniquement de joueurs de moins d’un mètre vingt. Ah, les fourbes!

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Après s’être fait vider le compte en banque de l’honneur en moins de 10 minutes, montre en main, le père, le chef de bande qui avait bien voulu nous offrir son aide, a décidé que la guerre était gagnée d’avance pour sa progéniture et a proposé de changer les équipes.

Inutile de vous préciser qu’aucun des microbes d’en face ne voulait jouer avec nous. Je me suis senti comme le dernier type qu’on prend dans son équipe au foot à l’école élémentaire en France. Le p’tit gros qui finit dans les buts. Pour tout vous dire, je le comprends maintenant.

Après cette cuisante humiliation, en rentrant chez moi, j’ai repensé à tout ce que j’avais payé pour vivre ici jusqu’à maintenant, et j’ai réalisé que cela ne représentait rien à mes yeux à cet instant précis. Que le vrai prix, je venais de le payer. Perdre à un sport contre des gamins, des ‘tits-culs de huit ans, 20 ans de moins que moi!

Le message était assez clair. Tu payes pis tu dis merci, tu fermes ta yeule, avec le sourire en prime. Quoi qu’il en soit, j’ai passé une des meilleures après-midi de mes quatre (cent) ans de présence francophone à Toronto à payer le prix fort pour être au Canada!

PS: si j’ai un gamin, lui apprendre à jouer au hockey, pis au foot.

Auteur

  • Guillaume Garcia

    Petit, il voulait devenir Tintin: le toupet dans le vent, les pantalons retroussés, son appareil photo en bandoulière; il ne manquait que Milou! Il est devenu journaliste, passionné de politique, de culture et de sports.

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