Le miel local efficace contre les allergies: un mythe

La théorie: le miel contiendrait de petites quantités du pollen auquel on est allergique...
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Publié 28/08/2017 par Ève Beaudin

Vous avez les yeux rouges, le palais qui vous démange et vous êtes ensevelis sous une montagne de mouchoirs depuis le début de la saison de l’allergie à l’herbe à poux? Si vous vous êtes tournés vers internet, vous avez vu des articles affirmant que le miel local serait un remède efficace pour prévenir les symptômes d’allergies. Ce conseil tient-il la route?

Comme un vaccin

L’idée que le miel local puisse prévenir les allergies repose sur le concept d’immunothérapie.

L’argumentaire semble logique: puisque les abeilles butinent des fleurs, le miel contient du pollen. Donc, en mangeant chaque jour du miel produit localement, on consomme de petites quantités du pollen auquel on est allergique et on se désensibilise naturellement.

Sur certains sites, on recommande de commencer cette «cure» deux mois avant la période des allergies et de poursuivre jusqu’à la fin de la période critique. Théoriquement, cela semble tenir la route, mais scientifiquement ce n’est pas le cas.

Quel pollen?

Même s’il est vrai que le miel local contient du pollen, ce n’est pas nécessairement celui auquel on est allergique. «Les fleurs butinées par les abeilles ne sont pas les plantes les plus allergènes», explique le Dr Jean-Nicolas Boursiquot, immunoallergologue au CHU de Québec-Université Laval.

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Chez nous, le miel provient principalement de la culture des arbres fruitiers, des petits fruits, des cultures fourragères, des cucurbitacées (concombres, courges, citrouilles…) et des fleurs sauvages. Or, les principales allergies saisonnières sont dues aux bourgeons des arbres, aux graminées et à l’herbe à poux.

De plus, même si le miel local peut contenir le type de pollen auquel on est allergique, la quantité présente dans cet aliment n’est pas suffisante pour rendre le système immunitaire plus tolérant à l’allergène, souligne Jean-Nicolas Boursiquot.

«Le pollen se retrouve à l’état de trace dans le miel. Alors que pour désensibiliser une personne, il faut utiliser l’allergène exact, dans des doses précises et suffisantes.»

En immunothérapie, on augmente graduellement la dose administrée, par injection ou sous la langue. «Cela entraîne graduellement le système immunitaire à ne plus réagir à l’allergène», explique le Dr Boursiquot.

Inefficacité démontrée

Sur certains sites, on mentionne que «des études» ont confirmé l’efficacité de ce remède, mais sans mettre de liens vers ces études ni donner des informations précises à leur sujet.

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Cela devrait être suffisant pour tirer la sonnette d’alarme chez le lecteur: les conseils santé devraient toujours être accompagnés de sources solides et appuyés par l’avis de spécialistes dans ce domaine.

«L’efficacité du miel n’est pas démontrée scientifiquement», souligne le Dr Boursiquot. «Il y très peu de littérature à ce sujet et les études qui existent sont de petite taille, comme cette étude publiée en 2002 dans les Annals of Allergy, Asthma and Immunology qui conclut à l’inefficacité de ce remède.»

Dans cette petite étude menée par l’Université du Connecticut, les scientifiques ont suivi 36 personnes allergiques pendant la saison d’allergie du printemps. Les sujets ont été divisés au hasard en trois groupes. Le premier consommait au déjeuner une cuillère à soupe de miel brut local (non pasteurisé et non filtré), le deuxième mangeait du miel commercial (filtré et pasteurisé) et le troisième un sirop de maïs avec un goût de miel synthétique (placebo).

Après avoir suivi les sujets pendant des mois, les scientifiques ont constaté qu’il n’y avait pas de différences significatives dans les symptômes chez les trois groupes.

Désensibilisation

«Ceux qui désirent soulager leurs symptômes d’allergies devraient plutôt se tourner vers les antihistaminiques sans somnolence disponibles en vente libre dans les pharmacies ou encore prendre des corticostéroïdes nasaux prescrits par leur médecin», conclut le Dr Boursiquot.

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«Un traitement de désensibilisation peut aussi être recommandé par un allergologue. Il faut le commencer en-dehors de la période d’allergie et le poursuivre pendant plusieurs mois.»

Sur le site de l’Association des allergologues et Immunologues du Québec, on peut lire qu’environ 80-85% des gens recevant un traitement d’immunothérapie pour les pollens observeront une amélioration de leur condition.

Auteur

  • Ève Beaudin

    Journaliste à l'Agence Science-Presse, média indépendant, à but non lucratif, basé à Montréal. La seule agence de presse scientifique au Canada et la seule de toute la francophonie qui s'adresse aux grands médias plutôt qu'aux entreprises.

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