Le jeu des vingt erreurs

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Publié 31/05/2011 par Martin Francoeur

Alors? Vous avez joué au jeu des vingt erreurs que je vous proposais dans la précédente chronique? Il y a deux semaines, je reproduisais dans ces pages le texte d’une dictée que j’ai concoctée pour un événement à saveur littéraire. Puisque je ne pouvais vous faire subir l’épreuve de la dictée verbalement, je l’ai retranscrite en y ajoutant volontairement vingt fautes, histoire de vous permettre de jouer. Voici de nouveau le texte, avec les erreurs qui apparaissent en gras et qui sont corrigées entre parenthèses.

De drôles de voyageurs

Les mots sont d’éternels bourlingueurs. Depuis toujours, ils volent de bouche à oreille. Ils traversent les époques enchassés (enchâssés) dans des livres. De nos jours, ils voyagent à la vitesse de l’éclair à travers les courriels et les texto (textos), quoi qu’il (quoiqu’il) arrive qu’on les malmène pour faire plus court.

Quelques (Quelque) séduisants que soient les mots du français, ils rebutent parfois par leur complexité. La maîtrise de la langue de Molière nécessite un know-how, voir (voire) une maestria. Ce n’est pas tout que de maîtriser les mots; il importe de bien accorder les participes passés sur lesquels plus d’un trébuchent (trébuche). Il faut parfois déjouer l’orthographe de certains adjectifs frappés d’obsolescence. Il faut savoir conjuguer des verbes, continuement (continûment) ballottés (ballotés) à tous les modes et à tous les temps.

Autant d’embrouillaminis nous font presque oublier la longue ballade (balade) des mots, leur fascinante épopée ou leur exceptionnelle odyssée. Ils se sont transformés, se sont reproduits à travers les époques qui se sont succédées (succédé) jusqu’à nos jours. Les néologismes sont comme des nouveau-nés. Les anglicismes sont comme des visiteurs étrangers.

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Le français s’est enrichi de mots qui voyagent. Ils sont arrivés en bobsleigh ou en camping-car. Leur arrivée a peut-être été saluée au son de la balalaika (balalaïka), du ukulele (ukulélé) ou du glockenspiel. On eût pu servir en leur honneur un gargantuesque festin avec du gorgonzola, des tapas garnies de guacamole, des kiwis, des zakouskis ou moults (moult) hors-d’œuvre rehaussés de chutney.

Pour leur souhaiter la bienvenue, on ne leur a probablement pas offert un bouquet de jacynthes (jacinthes) ou un arrangement de chrysantèmes (chrysanthèmes) aux pétales immaculées (immaculés), mais on leur a fait une place de choix dans nos dictionnaires. Mais qu’on ne conclut (conclue) pas qu’ils y sont incarcérés. Les mots voyagent encore tous azimuths (azimuts).

La plume d’un poète, les notes d’une chanteuse pop, le clavardage d’un ado et, à leur façon, les discours d’un maire, sont autant de moyens de transport que les mots empruntent pour faire honneur à leur réputation d’éternels et infatiguables (infatigables) globe-trotter (globe-trotters).

Quelques explications, maintenant…

Il ne fallait pas oublier l’accent circonflexe enchâssé dans le mot «enchâssés». Les «textos», qui désignent des messages envoyés instantanément par le biais d’un téléphone cellulaire, peuvent se mettre au pluriel en ajoutant un «s», tout simplement.

Le mot n’est pas encore reconnu dans tous les dictionnaires, mais le Robert lui a fait une place compte tenu de son usage répandu. L’expression «quoiqu’il arrive» s’écrit ici avec la conjonction «quoique», élidée devant le pronom «il». Elle signifie «bien qu’il arrive que». Il ne faut pas confondre avec «quoi qu’il arrive», qui pourrait être remplacé par «peu importe ce qui arrive».

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«Quelque» devant un adjectif est invariable. La forme «quelque… que» est ici une locution conjonctive. Le mot «voire» prend un «e» final lorsqu’il a le sens de «même». Ce serait d’ailleurs un pléonasme de dire «voire même», que l’on entend pourtant fréquemment. Lorsqu’on emploie «plus d’un» comme sujet d’un verbe, ce verbe demeure au singulier puisque l’accord se fait avec «un». Cette règle entraîne une situation illogique, puisque s’il y en a «plus d’un», c’est qu’il y en a forcément au moins deux. Mais retenons que le verbe demeure au singulier.

L’adverbe «continûment» est un des rares à prendre un accent circonflexe et à ne pas conserver le «e» du féminin de l’adjectif «continue». Le verbe «balloter» ne prend pas deux «t».

Lorsqu’on parle d’une «balade» au sens de promenade, de voyage, le mot ne prend qu’un seul «l». Il ne faut pas le confondre avec une «ballade», qui désigne une composition musicale ou lyrique. Le participe passé du verbe «se succéder» est toujours invariable.

Viennent ensuite certaines particularités concernant les mots étrangers: «balalaïka» vient du russe et prend un tréma. «Ukulélé» prend des accents aigus en français. L’adjectif «moult», qui signifie «beaucoup de» est toujours invariable.

Quand on parle des «jacinthes», on parle des fleurs et le mot s’écrit avec un «i» et non un «y» comme on retrouve parfois dans la graphie du prénom «Jacynthe». Il y a deux petits «h» qui se glisse dans «chrysanthèmes». Le mot «pétale» est masculin; on accordera donc «pétales immaculés».

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Le verbe conclure, à la troisième personne du singulier du subjonctif présent, s’écrit «conclue» avec un «e» et non un «t» comme c’est le cas à la troisième personne du singulier de l’indicatif présent. Contrairement à «bismuth», le mot «azimut» ne prend pas de «h» final. L’adjectif «infatigable» ne prend pas de «u» comme le verbe «fatiguer» ou l’adjectif «fatigué». Enfin, des «globe-trotters» prend un «s» à «trotters».

Et puis il y avait toutes ces autres difficultés que j’ai laissées écrites correctement. Les zakouskis (que l’on peut écrire sans «s» même au pluriel), le chutney, le bobsleigh, le glockenspiel… Voilà bien quelques mots qui auraient pu vous faire trébucher en situation de dictée.

J’espère que vous vous êtes amusés. Et que vous retiendrez quelques-uns de ces pièges!

Auteur

  • Martin Francoeur

    Chroniqueur à l-express.ca sur la langue française. Éditorialiste au quotidien Le Nouvelliste de Trois-Rivières. Amateur de théâtre.

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