Le froid extrême pour soulager des maladies chroniques?

Exposer le corps à -195 degrés Celcius

Cryothérapie partielle: la tête hors de la capsule de refroidissement.
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Publié 17/07/2020 par Catherine Crépeau

Le froid est utilisé en médecine depuis des centaines d’années pour lutter contre les douleurs et l’inflammation. Pensons aux compresses froides appliquées localement sur des foulures pour diminuer l’enflure.

Mais plus récemment, est né un engouement pour un autre type de soins à base de froid: la cryothérapie corps entier.

D’abord utilisée par les sportifs pour diminuer leurs douleurs musculaires, la cryothérapie du corps entier est désormais proposée pour réduire l’inflammation et la douleur chez des malades chroniques ou pour traiter la sclérose en plaques.

-195°C

Cette thérapie consiste à exposer le corps à une température de -110°C à -195°C, pendant 2 à 3 minutes. Le patient est placé dans une chambre spécialisée (corps entier), ou dans une cabine ou un caisson vertical d’où la tête dépasse (corps partiel).

L’air y est refroidi électriquement ou avec de l’azote liquide.

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Selon ses promoteurs, cette forme de cryothérapie réduit l’inflammation, les douleurs articulaires, les rhumatismes et la fatigue. Chez les sportifs, elle préviendrait et traiterait les douleurs musculaires.

La cryothérapie est prisée de certains sportifs.

Maladies chroniques ou neurologiques

Elle est aussi proposée à des patients atteints de certaines maladies chroniques ou neurologiques mal soulagées par la médecine, comme la spondylarthrite ankylosante, la sclérose en plaques et la fibromyalgie.

Le principe veut que le froid déclenche dans l’organisme des réflexes de défense, ce qui entraîne des effets antidouleurs et anti-inflammatoires.

Les explications sur les mécanismes biologiques en jeu sont «diversement convaincantes et ne sont de toute façon pas suffisantes», selon un rapport d’expertise publié en 2019 par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), en France.

Recherches peu nombreuses

Le problème est que les recherches sur ce sujet sont peu nombreuses. L’équipe de l’Inserm a compté au final huit publications avec études cliniques, une revue systématique et une méta-analyse réalisée en 2015 par Cochrane, un regroupement international d’experts médicaux indépendants.

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Les auteurs de cette méta-analyse n’ont trouvé que quatre petites études randomisées et contrôlées en laboratoire comparant la cryothérapie du corps entier au simple repos ou à l’absence de traitement.

Toutes visaient à déterminer si la thérapie réduisait la douleur musculaire, améliorait la récupération et était sans danger pour les adultes physiquement actifs.

Une capsule de cryothérapie. Photo: Svetlana195, Dreamstime

Insuffisance de preuves

Ces quatre études représentent elles-mêmes un faible échantillon: en tout, seulement 60 hommes et 4 femmes, âgés en moyenne de 23 ans. Les résultats suggèrent une réduction de la douleur au repos de 1 à 72 heures après l’exercice, tout en soulignant que la cryothérapie pourrait n’être aucunement responsable et qu’elle pourrait même avoir aggravé la douleur.

La méta-analyse de Cochrane précise de plus que «chacun des essais présentait des caractéristiques de conception comportant un risque élevé de biais, ce qui pourrait limiter la fiabilité de leurs résultats». Ses auteurs concluent à l’insuffisance de preuves.

Bénéfices modestes

Une déclaration de consensus médical présentée en 2006 lors d’un séminaire autrichien consacré à la cryothérapie dressait une liste d’une dizaine de maladies pouvant profiter de ce traitement, tout en précisant que les bénéfices n’étaient ni définitifs ni quantifiés.

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Parmi elles, les rhumatismes articulaires chroniques et les douleurs chroniques. Dans ces deux cas, la cryothérapie permettrait peut-être de diminuer la quantité de médicaments.

Dans le rapport d’expertise de l’Inserm publié en 2019, les auteurs soulignent que lorsque des effets positifs sont rapportés, ils sont «modestes et mesurés uniquement à très court terme».

Ils ajoutent eux aussi que la qualité méthodologique des études est insuffisante pour conclure à un bienfait avéré de la cryothérapie pour les quatre indicateurs étudiés, soit la douleur lombaire, la fibromyalgie, les maladies inflammatoires rhumatismales et la santé mentale pour les patients anxieux et dépressifs.

Ça doit marcher puisque le Capitaine America a survécu dans la glace pendant plusieurs années…

Brûlures, maux de tête, urticaires

Le rapport de l’Inserm estime en outre que le traitement n’est pas sans risque. Parmi les effets secondaires de la cryothérapie du corps entier rapportés: des brûlures locales aux 1er et 2e degrés, des maux de tête, de l’urticaire chronique, des intolérances digestives et plusieurs cas d’ictus amnésique (perte de mémoire temporaire).

Aux États-Unis, une femme a été retrouvée morte dans une cabine de cryothérapie en 2015. En France, plusieurs accidents sont rapportés, dont le cas d’un homme grièvement brûlé aux pieds par une fuite d’azote liquide.

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Santé Canada déconseille

Santé Canada déconseille la cryothérapie et précise ne pas avoir «confirmé les allégations santé faites au sujet des appareils de cryothérapie parce qu’aucune demande d’homologation n’a été soumise» et «que les données scientifiques n’ont pas été validées».

L’organisme fédéral souligne que l’utilisation d’appareils de cryothérapie, qu’ils soient homologués ou non, présente des risques de gelures, de lésions permanentes de la peau ou des muscles, ainsi que des problèmes de cœur, de circulation sanguine ou au cerveau.

La Food and Drug Administration, aux États-Unis, indique sur son site ne pas disposer de preuves indiquant que la cryothérapie traite efficacement des maladies ou des affections telles l’Alzheimer, la fibromyalgie, les migraines, la polyarthrite rhumatoïde, la sclérose en plaques, le stress, l’anxiété et la douleur chronique.

Aucun dispositif de cryothérapie n’a été autorisé ou approuvé comme étant sûr et efficace.

Lexique

Ne pas confondre cryothérapie et :

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• cryochirurgie, une technique qui consiste à détruire des tissus ou de petites lésions superficielles en y appliquant un gaz froid tel que l’azote liquide. La cryochirurgie est largement utilisée pour «brûler» les verrues et les acrochordons (des excroissances de peau).

• cryogénisation, qui consiste à congeler le corps après la mort. Le sang est alors retiré du cadavre et remplacé par un cryoprotecteur pour empêcher la cristallisation des vaisseaux, en vue d’un éventuel réveil dans un lointain futur.

Auteur

  • Catherine Crépeau

    Journaliste à l'Agence Science-Presse, média indépendant, à but non lucratif, basé à Montréal. La seule agence de presse scientifique au Canada et la seule de toute la francophonie qui s'adresse aux grands médias plutôt qu'aux entreprises.

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