Aller voir une création de Robert Lepage, c’est ne prendre aucun risque sur la qualité du spectacle. Cela est encore une fois vrai avec Le Dragon bleu, une création qui a déjà navigué en France et aux États-Unis.
Les Torontois peuvent enfin découvrir une pièce magnifique, pleine de rebondissements et structurée autour d’un trio convaincant de personnages. Pierre Lamontagne (Henri Chassé), Claire Forêt (Marie Michaud) et Xiao Ling (Tai Wei Foo) nous emmènent dans un voyage en Chine contemporaine, comme un nouveau monde qui vous tend les bras, mais qui, comme tout Eldorado, ne peut pas l’être pour tout le monde.
Vingt ans après la fameuse Trilogie des dragons, on retrouve enfin Pierre Lamontagne. Le Québécois a fui une réalité qui ne lui convenait plus pour s’installer en Chine et vivre son rêve communiste. De son talent d’artiste peintre, il ne reste plus grand-chose à part la volonté d’œuvrer dans le monde des arts en exposant les talents de la nouvelle génération chinoise dans sa galerie de Shanghai.
Il possède également une petite maison, sujette à une expropriation imminente par les autorités chinoises. Amouraché d’une jeune artiste locale, Xiao Ling, Pierre vit sans trop se soucier de ce qu’il est devenu quand survient Claire, une ancienne amante des Beaux-Arts.
Adopter une petite Chinoise
En Chine pour affaires, Claire va chambouler le quotidien du couple. Elle est arrivée au sommet de sa carrière comme publicitaire et s’aperçoit qu’il lui manque quelque chose dans sa vie, une famille, un enfant. C’est ce qu’elle vient chercher en Chine, une petite fille.
Les décors bougent, s’éclairent, se superposent et le texte signé Robert Lepage et Marie Michaud s’imprègne telle de l’encre chinoise sur ce canevas. On met les pieds dans un aéroport qui se transforme en maison ou en bar, en rue comme en galerie. La technique représente une part importante de la grandeur du spectacle qui nous plonge littéralement dans le quotidien de Pierre Lamontagne, dans ses habitudes et ses questionnements.
Les effets de lumière, de sons – par exemple les coups de tambourins qui accompagnent les montées et descentes des personnages dans les escaliers – absolument rien n’est laissé au hasard.
Des vainqueurs et des perdants?
Marie Michaud expliquait, lors de la sortie du spectacle à Montréal, que de tous les ingrédients, le texte était celui qui arrivait en dernier. Pas étonnant alors que la technique ne semble pas s’immiscer dans le spectacle au détriment du texte, tout est pensé en amont.
L’artiste chinoise Xiao Ling (Tai Wei Foo) participe activement à l’intrigue en apportant le côté Chine contemporaine, pas encore débarrassée de certaines de ses valeurs passéistes, mais déjà entrées de plain-pied dans le XXIe siècle. La comédienne a également chorégraphié plusieurs parties du spectacle, où elle danse, vêtue de manière traditionnelle.
Elle sera, pas forcément par choix, l’une des raisons qui pousseront au dénouement de l’histoire, sans que l’on sache exactement qui s’en sort vainqueur ou perdant, si vainqueur il y a. La vie reprendra certainement son cours. Les personnages, quant à eux, auront passé un cap important de leur vie.