En 2004, les boules de cristal annonçaient que Paul Martin allait consolider la majorité libérale remportée sous Jean Chrétien, notamment en gagnant des sièges au Québec, le nouveau premier ministre s’étant toujours montré plus conciliant que son prédécesseur face aux aspirations des Québécois. Issu de la «droite» du parti et grand responsable de l’élimination du déficit, M. Martin allait également couper l’herbe sous le pied des Conservateurs et ne leur laisser, pour se distinguer, que des projets de réformes sociales impopulaires.
La réalité s’est avérée fort différente: torpillés au Québec par le scandale des commandites, déstabilisés en Ontario par les hausses de taxes du nouveau gouvernement McGuinty, se remettant mal des déchirements de la campagne au leadership, les Libéraux ont perdu du terrain dans ces deux provinces. Ils n’ont réussi à faire élire un gouvernement minoritaire que grâce à une campagne démonisant Stephen Harper et exploitant les propos controversés de quelques candidats conservateurs.
Un an et demi plus tard, le mariage gai voté, Belinda Stronach achetée, Paul Martin blanchi par le rapport Gomery, les Ontariens retrouvant l’équilibre budgétaire, les Libéraux s’attendaient à reconquérir une majorité parlementaire, malgré la persistance du mécontentement au Québec.
Mais c’était sans compter sur l’évolution remarquée du Parti conservateur et de son chef vers le «centre» de l’échiquier politique. Cela coïncidait avec une réceptivité nouvelle des Canadiens et même des Québécois envers les critiques et les politiques conservatrices. Tout cela a mené, le 23 janvier 2006, au résultat électoral que l’on sait.
De plus, les Libéraux ont commis l’erreur stratégique de miser sur la deuxième phase (janvier) de la longue campagne électorale, alors que la plupart des citoyens ont arrêté leur décision pendant les Fêtes. Les Conservateurs, eux, ont tout déballé en décembre et ont maîtrisé les débats jusqu’à la fin.