Le déclin de l’empire américain

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Publié 23/09/2008 par François Bergeron

Les États-Unis ont répondu à une crise provoquée par un endettement inconsidéré par… un endettement encore plus lourd. À court terme, on limite les dégâts et on donne au gouvernement un peu de temps pour mettre en place une nouvelle réglementation devant garantir une certaine transparence des marchés financiers. À long terme…

Un trillion égale mille milliards, c’est-à-dire mille fois mille millions. Ce sont là des chiffres difficiles à imaginer mais qu’on entend de plus en plus et qu’il nous faudra comprendre.

Ces dernières semaines, le gouvernement américain, dont la dette dépasse les 9 trillions $ et à qui les guerres en Irak et en Afghanistan coûtent 12 milliards $ par mois, ont nationalisé environ 1 trillion $ de mauvaises créances des géants ruinés de Wall Street, de Bear Stearns à Lehman Brothers et de Merrill Lynch à AIG en passant par Freddie Mac et Fannie Mae.

Les plans de sauvetage se suivent et fracassent de nouveaux records. Chaque fois, ils sont qualifiés d’ultimes et d’exceptionnels. Le dernier est évalué à 700 milliards $ (mais pourrait atteindre à lui seul 1 trillion $ si l’examen des comptes révèle une incurie pire que celle qu’on connaît déjà). Comme dans l’affaire des «savings and loans» sous Bush père, le prochain gouvernement réussira à revendre (à pertes) certains des actifs nationalisés et à récupérer une partie des dettes contractées en garantissant les prêts les plus douteux des institutions 
financières en difficulté.

Dans le cas de la Federal Home Loan Mortgage Corporation (FHLMC, «Freddie Mac») et de la Federal National Mortgage Association (FNMA, «Fannie Mae»), qui étaient déjà des institutions para-gouvernementales garantissant plus de la moitié des prêts résidentiels américains (dont les fameux «subprimes», ces hypothèques quasiment sans intérêt consenties littéralement à n’importe qui), soit quelque 5 trillions $, il s’agissait d’éviter une faillite qui aurait compromis toute l’industrie du crédit.

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Donc, à long terme… la hausse des taux d’intérêts et l’affaiblissement du dollar américain forceront les Américains à «rentrer dans leurs terres», c’est-à-dire à prioriser la reconstruction de leur économie aux dépends des aventures militaires et à coopérer avec des partenaires échaudés, de moins en moins faciles à tromper et à manipuler.

Les Démocrates l’ont reconnu tout de suite: c’est un épisode «humiliant» («humbling», terme plus positif que «humiliating») de l’histoire américaine, à créditer à l’une des pires administrations qu’ait connu notre grand voisin. Le candidat républicain John McCain, déjà ridiculisé pour avoir vanté les «bases solides» de l’économie américaine en pleine tourmente financière qui démontrait le contraire, doit revoir des pans entiers de son programme.

Je le dis depuis le début de la campagne présidentielle: Barack Obama sera élu plus facilement que prévu. Ce qui est nouveau, c’est qu’on commence à comprendre que ça presse! Chez nous, je maintiens que ce sera moins facile pour Stephen Harper qu’on pourrait le croire à l’heure actuelle: les Conservateurs vont gagner, mais ce ne sera pas un balayage d’un océan à l’autre. Voilà pour mes prédictions… à confirmer ou à corriger après les débats des chefs.

L’effondrement des «bulles» et des «pyramides» financières américaines – toujours salutaire parce que ces mystifications empoisonnent la «vraie» économie, celle de l’industrie, de l’entreprenariat et des services utiles – affectera davantage les économies asiatiques (Chine et Japon), qui ont participé avec enthousiasme à l’endettement américain, que les économies européennes, plus indépendantes. L’Europe a toutefois des problèmes qui lui sont propres et qui seront aggravés par la mondialisation de la crise du crédit.

L’économie canadienne est évidemment intimement liée à celle des États-Unis et sera affectée par l’inévitable ralentissement qui caractérisera 2008 et 2009. Officiellement, aucune de nos grandes institutions financières, plus prudentes et mieux réglementées, ne se retrouve au bord de la faillite. En réalité, c’est ce qu’on espère, pas ce qu’on sait avec certitude.

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Curieusement, la crise financière américaine trouve peu d’échos dans la campagne électorale canadienne. Le NPD saisit cette nouvelle occasion de dénoncer le «capitalisme sauvage» tandis que les Conservateurs en profitent pour affirmer que le Canada a besoin plus que jamais de leur «leadership». Mais pour tous les partis, les rumeur de difficultés à venir minent la crédibilité des belles promesses de nouveaux investissements dans les infrastructures, la santé, l’environnement ou la culture.

Auteur

  • François Bergeron

    Rédacteur en chef de l-express.ca. Plus de 40 ans d'expérience en journalisme et en édition de médias papier et web, en français et en anglais. Formation en sciences-politiques. Intéressé à toute l'actualité et aux grands enjeux modernes.

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