L’amour est une bombe

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Publié 24/03/2009 par Dominique Denis

Avec The Love Album (Polydor/Universal), la petite bombe française Anaïs (Croze, pour l’état civil) se donne pour mandat de nous ébourrifer la tignasse et, pourquoi pas, les fantasmes. Le plaisir commence avant même qu’on ait arraché la pellicule du CD (son deuxième, après Cheap Show), tandis que la principale intéressée partage librement ses charmes avec trois messieurs en costume d’Adam, dans une cascade digne du jardin d’Eden (merci PhotoShop!). Le moins qu’on puisse dire, c’est que voilà une fille qui assume tout ce qu’elle nous balance, qu’il s’agisse des langueurs saphiques de Elle me plaît à la pastiche yéyé de Malheureux, en passant par un amusant clin d’œil à la parlure québécoise (« J’trouvais ça ben l’fun/De m’laisser aller/Dans les bras d’un chum »).

The Love Album

Mais dès qu’on se croit en présence d’une simple allumeuse écervelée, Anaïs nous surprend grâce à quelques trouvailles dignes des Rita Mitsouko. Dans cette optique, le réalisateur américain Dan “The Automator” Nakamura est ici le Fred Chichin (que les dieux du rock and roll aient son âme) au service de sa Catherine Ringer, rassemblant une poignée de grandes pointures dans ses studios de San Francisco, et orchestrant même un duo avec Chris Isaak, qui joue le crooner amerloque sur Si j’avais su que notre amour.

Et quand résonnent les «pa-pa-pa-pa-pa» du refrain de l’irrésistible Peut-être une angine, on comprend aisément pourquoi la France – celle qui a un sens de l’humour et du rythme, tout le moins – a craqué pour ce bout de femme, et pourquoi il serait fou de se priver du genre de plaisir dont Anaïs a la recette, surtout avec l’été qui est à nos portes…

L’amour, prise 2

Il y a aussi une part d’insolence dans la démarche de Bruno Maman, qui est bien sûr manifeste dans la chanson-titre de Faire l’amour (Universal), un désarmant duo avec Noémie Rouxel-Kriskova, mais c’est surtout par sa façon de respirer la musique, de faire feu de tout bois et chanson de toute idée, que le Français s’avère le plus impressionnant.

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C’est évidemment un leurre, et un cliché, de parler d’album de la maturité, mais il demeure qu’avec ce quatrième CD, co-réalisé par Alain Goraguer (l’ancien arrangeur de Vian et Gainsbourg, rien de moins), Monsieur Maman semble avoir atteint la symbiose entre fond et forme, ayant compris qu’une chanson, avant de donner lieu à un habillage sonore ou à de savantes triturations, doit pouvoir exister en soi et pour soi, dans son plus simple appareil, et de préférence nous raconter une histoire avec son décor et ses personnages. À cet égard, Elle me dit est une charmante réussite.

Multi-instrumentiste surdoué, Bruno Maman invite forcément les comparaisons à M (alias Mathieu Chédid), le maître-alchimiste de la pop made in France, mais il serait injuste de voir en Faire l’amour un simple écho d’une recette qui a fait ses preuves. À chaque virage, Bruno impose sa griffe, n’hésitant pas à faire moins pour nous faire sentir plus (le joliment mélancolique Léa, sur lequel ouvre l’album), où à mettre la gomme quand les circonstances l’exigent. C’est ainsi que Sans se connaître donne lieu à un savant travail sur la matière sonore, dont on n’a pas fini de découvrir tous les détails. Bref, un peu à l’image de cet album qui, sous le couvert d’une pop résolument accessible, nous réserve sa part de surprises.

Dans les yeux d’Émilie

Assez loin des élans libidineux de ses homologues français (d’accord, aux antipodes desdits élans), la Québécoise Émilie Proulx nous arrive avec un premier «vrai» album qui, à sa façon, porte aussi admirablement bien son titre. Au-delà de ses assonnances et alitérations, La lenteur alentour (Confiserie/GSI Musique) suggère un monde d’aliénation feutrée, où le mal de vivre est tempéré par les valiums, mais où l’on ne ferme jamais les yeux au point de ne pas voir les choses pour ce qu’elles sont.

Ce monde qu’habite Émilie (et qui est aussi le nôtre, à bien y penser), on l’avait découvert il y a trois ans par le biais du mini-album Dans une ville, endormie, lequel nous avait donné envie d’aller creuser plus profondément ce filon mélancolique. Le banjo de Toute seule, sur lequel débute l’album, laisse croire à une étrange fusion entre les univers du bluegrass et de Pink Floyd, et cet alliage de climats revient tel un fil conducteur tout au long de La lenteur alentour, bien que l’angoisse extériorisée à laquelle on associe Roger Waters cède ici à quelque chose d’étouffé – et d’étouffant, au minimalisme majoritairement acoustique, et qui dépasse rarement le registre du murmure.

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