La queue qui branle le chien

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Publié 18/10/2012 par François Bergeron

La démission-surprise du premier ministre ontarien Dalton McGuinty, cette semaine, a été accueillie avec une certaine consternation dans la francophonie, où l’on salue unaminement et légitimement le départ d’un «allié».

C’est en soirée, ce lundi 15 octobre, après avoir rencontré son caucus libéral à Queen’s Park, que M. McGuinty a annoncé qu’il convoquait un congrès à la direction de son parti «le plus tôt possible». Mais on parle ici de mois, pas de semaines, donc vers décembre ou janvier.

Cette course à la chefferie des Libéraux ontariens coïncidera avec celle du parti fédéral, dans laquelle Justin Trudeau est présentement le candidat le plus en vue, et avec celle des Libéraux du Québec, qui attire déjà des personnalités intéressantes. Les gens qui ne suivent la politique que distraitement seront plus mélangés que jamais.

Dalton McGuinty restera premier ministre et expédiera les affaires courantes jusqu’à la nomination de son successeur. Il promet de rester député d’Ottawa Sud jusqu’aux prochaines élections, qui suivront sans doute rapidement le choix d’un nouveau chef libéral, compte tenu de la position minoritaire précaire du gouvernement actuel.

M. McGuinty s’est aussi entendu avec le lieutenant-gouverneur de la province pour proroger les travaux de l’Assemblée législative jusqu’à une date indéterminée – qu’il lie au résultat des négociations entre le gouvernement et les syndicats de la fonction publique – une décision vivement critiquée par l’opposition et par bon nombre de commentateurs.

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Tant le chef progressiste-conservateur Tim Hudak que la chef néo-démocrate Andrea Horwath font valoir que l’Assemblée législative peut très bien travailler pendant que les Libéraux se cherchent un leader et que la province négocie avec ses syndicats.

De l’avis général, le gouvernement veut plutôt éviter de répondre à des questions embarrassantes sur le déménagement de centrales au gaz, les hélicoptères du ministère de la Santé, les finances de la province ou d’autres dossiers chauds.

Il y a sûrement du vrai là-dedans (en plus de la véritable et principale raison, qui est que Dalton McGuinty ne voyait plus de victoires électorales à l’horizon), mais pourquoi s’y attarder alors que la raison officielle est bien plus scandaleuse?

M. McGuinty a justifié la prorogation du parlement ontarien en disant que «les jeux politiques» de l’opposition nuisent à la bonne gouvernance de la province.

Or, des «jeux politiques», il y en a, beau temps, mauvais temps. Notre démocratie fait une très (OK, trop) large place au théâtre politique, avec ses drames et ses complots, mais les médias ne sont pas dupes et les citoyens qui veulent comprendre ce qui se passe en ont les moyens.

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La prorogation des parlements et les projets de loi omnibus fourre-tout appartiennent davantage à la tradition soviétique qu’à la nôtre. Il est désolant de voir nos gouvernements – soi-disant libéral en Ontario ou soi-disant conservateur au fédéral – y recourir de plus en plus régulièrement.

S’agissant spécifiquement de l’imposition d’un gel des salaires de deux ans dans la fonction publique – une mesure minimale, absolument nécessaire, avec d’autres, si on veut rééquilibrer nos budgets d’ici la fin de la décennie – le premier ministre McGuinty prétend devoir revenir à la case de départ, dans les négociations avec les syndicats, à cause de l’obstruction de l’opposition à Queen’s Park.

Il est vrai que les Néo-Démocrates, inféodés aux syndicats, s’opposent à ce gel, comme d’ailleurs à toute réduction de la bureaucratie et des «services» publics, éructant bêtement qu’il suffirait de taxer davantage les «riches» pour régler tous les problèmes.

Mais les Progressistes-Conservateurs, eux, réclament un tel gel depuis longtemps. Ils doivent même être frustrés qu’après avoir dénoncé ce programme en campagne électorale, le gouvernement libéral finisse par l’adopter. Leur vote à l’Assemblée législative garantirait certainement l’adoption des mesures les plus draconiennes pour assainir les finances publiques.

Qui plus est, ces derniers mois, le gouvernement de Dalton McGuinty s’est déjà entendu avec plusieurs syndicats d’enseignants et de fonctionnaires (encore cette semaine avec l’Association des 10000 employés gestionnaires, administratifs et professionnels de la Couronne de l’Ontario) sur un gel des salaires et sur d’autres concessions limitant la croissance des dépenses publiques.

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Il reste encore quelques gros syndicats à convaincre, mais ce n’est pas parce que le parti au pouvoir est à la recherche d’un nouveau chef que les négociations ne peuvent pas se poursuivre. Et depuis quand est-ce que les négociations avec les syndicats empêchent les élus de la population de siéger et débattre de leurs dossiers au parlement?

C’est accorder trop d’honneur à ces organisations quasi mafieuses qui gangrènent l’État et l’économie, et qui sapent constamment les efforts qui permettraient de ralentir la course de l’Ontario vers le précipice fiscal.

C’est l’administration publique qui est au service de la population, pas l’inverse. La démission du premier ministre et la prorogation de l’Assemblée législative pour faciliter les négos avec les syndicats, c’est la queue qui branle le chien.

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Auteur

  • François Bergeron

    Rédacteur en chef de l-express.ca. Plus de 40 ans d'expérience en journalisme et en édition de médias papier et web, en français et en anglais. Formation en sciences-politiques. Intéressé à toute l'actualité et aux grands enjeux modernes.

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