La prison pour violence policière excessive

James Forcillo et Sammy Yatim.
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Publié 27/01/2016 par François Bergeron

Le policier James Forcillo, qui a abattu Sammy Yatim, 18 ans, dans un streetcar de Toronto vers minuit le 27 juillet 2013, à l’angle des rues Bellwoods et Dundas Ouest, a été acquitté cette semaine d’accusations de meurtre au second degré et d’homicide involontaire. Mais il a été trouvé coupable de tentative de meurtre.

S’il avait fallu qu’il soit lavé des trois chefs d’accusation, il y aurait eu des émeutes.

Le policier, qui a l’air d’une brute et qui n’a exprimé aucun remords au cours de son procès, avait tiré neuf coups de feu en direction du jeune en crise, qui l’invectivait et agitait un canif, dans un streetcar vide et immobilisé, cerné par 22 policiers, sans prendre le temps de discuter avec lui et malgré la proximité d’un collègue armé d’un pistolet électrique.

Le jury a accepté, peut-être avec réticence en pensant aux obstacles en Cour d’appel, l’idée qu’en tirant les trois premières balles mortelles, le policier pouvait se croire en légitime défense ou agir en conformité avec sa formation ou avec les pratiques usuelles dans ces circonstances.

Donc pas de meurtre au second degré (non prémédité), ni d’homicide involontaire (quand l’intention est de blesser mais pas de tuer)…

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Mais les six autres coups de feu, clairement excessifs, Sammy Yatim étant déjà tombé, représentaient bel et bien une tentative de meurtre, que le jeune homme soit déjà mort ou non (le policier ne pouvait pas le savoir, et sa motivation est déterminante ici).

On a présenté ce chef d’accusation comme le moins pire des trois. Mais «tenter» consciemment de tuer quelqu’un reste très grave, plus que de la négligence criminelle.

James Forcillo est maintenant en liberté conditionnelle, suspendu de son poste avec salaire… Car jusqu’à maintenant on l’avait maintenu en poste, l’affectant à du travail de bureau plutôt qu’à de la patrouille (merci).

À l’époque, l’ancien chef Bill Blair (aujourd’hui député libéral fédéral de Scarborough-Sud-Ouest chargé du dossier de la décriminalisation de la marijuana) aurait pu/dû congédier son policier irresponsable, tout de suite après avoir visionné les vidéos prises par les passants et les caméras automatiques du streetcar, et après avoir rencontré les agents qui ont participé à l’intervention.

Apparemment, ça ne se fait pas. Les policiers se protègent entre eux. Justement: il y a des maudites limites. Le président du syndicat des policiers, Mike McCormack, qui militait pour un acquittement complet (et même, au début, pour qu’aucune accusation ne soit portée), a déploré le troisième verdict, affirmant que les policiers se sentent désormais moins en sécurité et ne savent plus quoi faire dans ces (rares) situations.

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Bullshit. Ni les chefs, ni le syndicat n’ont à défendre leurs membres à tout prix dans n’importe quelles circonstances (ici au prix de leur crédibilité auprès de la population qu’ils doivent «servir et protéger»).

Face à ce jeune homme en détresse, le bâton ou le taser aurait suffi. Peut-être même aurait-on pu le calmer en discutant avec lui, en lui offrant de l’eau ou d’appeler ses parents, comme d’autres policiers torontois l’ont fait dans d’autres cas semblables.

C’est d’ailleurs ce que recommande le manuel d’instruction des policiers. James Forcillio n’obéissait pas à sa formation ou aux ordres, comme il le prétend. Si c’est vraiment ce qu’il croit, il n’a rien compris, il est incompétent.

Le nouveau chef Mark Saunders – et tous les autres membres du service de police de Toronto – doivent tirer les bonnes conclusions de ces événements. Le verdict de culpabilité sera bien sûr porté en appel par la défense de James Forcillo. Mais franchement, ce sont plutôt les deux acquittements qui sont les plus contestables. Des années de prison sont requises ici.

Auteur

  • François Bergeron

    Rédacteur en chef de l-express.ca. Plus de 40 ans d'expérience en journalisme et en édition de médias papier et web, en français et en anglais. Formation en sciences-politiques. Intéressé à toute l'actualité et aux grands enjeux modernes.

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