La politique nucléaire de l’Iran: une impasse lourde de conséquences

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Publié 18/04/2006 par Nirou Eftekhari

L’Iran a annoncé le 9 avril denier qu’il maîtrise désormais la technologie de l’enrichissement de l’uranium, l’étape qui peut conduire à la construction d’une bombe atomique.

Le Conseil de sécurité des Nations Unies, qui avait accordé un délai d’un mois à l’Iran pour mettre fin à ses activités nucléaires avant le 28 avril, est ainsi mis devant le fait accompli.

Parallèlement à ce développement, Mohamed el-Baradeï, chef de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), a décidé de se rendre à Téhéran le jeudi 13 avril dernier afin de convaincre les dirigeants iraniens de suspendre les activités liées à l’enrichissement de l’uranium.

Cependant l’appel de Mohamed el-Baradeï ne semble pas avoir reçu d’écho favorable en Iran. Le président iranien, Mahmoud Ahmadinejad, a déclaré cette semaine que l’Iran est désormais un pays nucléaire et n’accepte de parler aux autres pays qu’à partir d’une telle position.

Selon de nombreux observateurs, le refus de la République islamique de se plier à l’exigence du Conseil de Sécurité ouvrirait la voie à une confrontation, considérée de plus en plus inévitable, entre le régime iranien et Washington avec de lourdes conséquences pour le Moyen-Orient et à l’échelle mondiale.

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On se souvient que la reprise par l’Iran de ses activités de conversion d’uranium en août dernier ainsi que sa déclaration unilatérale en janvier avait mis fin à deux années et demi de négociations.

Ces pourparlers avaient effectivement eu lieu entre l’Iran et les pays de la Troïka, la France, l’Angleterre et l’Allemagne, pour trouver une solution au conflit qui oppose la République islamique à l’administration américaine depuis presque 18 ans. En dépit des assurances selon lesquelles l’énergie nucléaire serait utilisée à des fins strictement pacifiques, l’Iran est soupçonné de vouloir fabriquer une bombe atomique.

En réalité, en tant que signataire du Traité de non-prolifération nucléaire (TPN), ce pays a le droit de maîtriser l’énergie nucléaire, y compris les procédés d’enrichissement, bien que celui-ci, à un degré plus élevé, puisse conduire à la construction d’armes nucléaires. C’est précisément le point qui inquiète les pays occidentaux, notamment les États-Unis.

Compte tenu de la violation de ses engagements passés vis-à-vis de l’AIEN, le Conseil de sécurité a récemment invité l’Iran à mettre fin à ses activités sous peine de subir un embargo.

Cette éventualité paraît cependant peu plausible, compte tenu du refus de deux membres influents du Conseil, la Chine et la Russie ayant des droits de veto pour entériner une telle décision. La Chine a, par exemple, signé en 2004 un contrat de 70 milliards $ avec l’Iran pour l’achat d’importantes quantités de pétrole et de gaz.

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Une autre guerre dans le Golfe?

En l’absence de l’unanimité pour imposer des sanctions économiques et militaires à l’encontre de l’Iran, de nombreux observateurs s’accordent pour dire que les États-Unis n’hésiteraient pas à attaquer ce pays unilatéralement. Par ailleurs, la République islamique a, de son côté, laissé entendre qu’en cas d’agression, elle aurait recours aux actes de représailles. Tous les ingrédients sont ainsi réunis pour une autre guerre dans le Golfe avec de lourdes conséquences tant pour cette région que pour les pays consommateurs de pétrole qui sont fortement dépendants de celle-ci pour leur approvisionnement.

Les États-Unis ont à maintes reprises déclaré qu’ils n’épargneraient aucun moyen pour empêcher le régime islamique d’accéder à l’arme nucléaire considérée comme trop dangereuse dans les mains des mullahs que l’on accuse d’aider les groupes terroristes et les mouvements extrémistes, comme les Hezbollahs au Liban.

L’Iran n’entretient pas de relations diplomatiques officielles avec les États-Unis depuis la prise d’otages à l’ambassade américaine à Téhéran, qui a suivi la révolution iranienne de 1978-79. Les propos incendiaires tenus par le nouveau président iranien ultraconservateur, Mahmoud Ahmadinejad, élu en juin 2005, selon qui il faudrait effacer l’Israël de la carte, ont fourni un nouveau prétexte à Washington pour souligner la justesse de leur opposition au programme nucléaire de la République islamique.

Les États-Unis craignent que d’autres pays ne suivent l’exemple

Les États-Unis craignent également que l’accès de l’Iran à l’arme nucléaire, en encourageant d’autres pays de la région comme l’Égypte et l’Arabie saoudite à suivre l’exemple, déstabilise davantage le Moyen-Orient et nuise à leurs intérêts à long terme, surtout pétroliers, dans cette région qui plus que tout autre partie du monde, a été le théâtre de nombreuses guerres et révolutions au cours des dernières décennies.

Un Iran nucléaire, hostile aux États-Unis et à l’Israël, tout au moins dans le discours de ses dirigeants, ne ferait qu’ajouter à la volatilité et à la précarité des alliances et compromis dans cette région et ouvrirait la porte aux nouveaux développements dont la portée et l’issue sont loin d’être prévisibles.

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Ceci dit, il est peu probable que les États-Unis décident d’envahir l’Iran, un pays plusieurs fois plus grand et peuplé que l’Irak. L’invasion de ce dernier pays en 2003 avec la fausse certitude d’y découvrir des armes de destruction massive, s’est par ailleurs révélée bien plus coûteuse en termes de vies humaines et de dépenses militaires, sans pourtant réussir à le pacifier.

Il n’est par contre pas exclu que les États-Unis, aidés par d’autres pays occidentaux, mènent des raids aériens contre les centres d’activités nucléaires de l’Iran. Israël a déjà eu recours à cette solution quand son aviation a bombardé le site nucléaire irakien en 1981.

Pourquoi donc l’Iran persiste-il dans son intransigeance d’enrichir, coûte que coûte, l’uranium sur son sol? Il a même refusé la proposition russe de lui fournir de l’uranium enrichi comme combustible pour ses futures centrales nucléaires.

La présence américaine en Irak inquiète le voisin

Contrairement à ce qui est souvent cité, ce n’est pas le potentiel nucléaire d’Israël, bien antérieur à l’avènement de la République islamique en Iran, qui constitue une menace directe pour celle-ci.

Par contre, la présence de 130 000 soldats américains en Irak et 10 000 en Afghanistan, deux pays voisin de l’Iran, préoccupent de plus en plus ses dirigeants. Une présence qui, loin d’être temporaire, comme on l’avait cru au début, est de plus en plus jugée comme une entreprise de longue durée.

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La construction de nouvelles bases militaires en Irak, servant de relais aux portes-avions américains qui flottent dans le Golfe persique et l’Océan indien, doit avoir suffisamment inquiété le régime iranien pour dévoiler récemment la mise en œuvre des missiles de moyenne portée, Fajr3 et Kowsar, lui permettant d’atteindre les cibles ennemies sans être détectés par les radars.

Par ailleurs, la persistance de l’Iran dans sa volonté de maîtriser l’enrichissement de l’uranium, s’explique par l’assurance de ses dirigeants d’être les gagnants du jeu qui les opposent aux pays occidentaux, notamment aux États-Unis.

Si en dépit de toutes les menaces qui pèsent sur lui, l’Iran réussit à faire son premier test nucléaire et à fabriquer des bombes atomiques, comme l’Inde et le Pakistan il y a plusieurs années, il mettrait les pays occidentaux devant un fait accompli et collecterait les dividendes de son nouveau statut de puissance nucléaire dans la région.

Si, par contre, les États-Unis décident de lui barrer la route en bombardant ses centres et sites nucléaires, le régime islamique, en mal de légitimité auprès d’une population fatiguée par tant d’années de crise, en profiterait pour redorer son blason en tablant sur le sentiment patriotique des Iraniens qui en dépit de leurs différences et divisions sont profondément attachés à l’intégrité et à l’indépendance de leur pays. Le nucléaire en Iran est ainsi devenu une question de survie pour son régime.

Une confrontation entre l’Iran et les États-Unis aurait également d’importantes répercussions sur le marché pétrolier international et le prix du baril. En fermant le robinet de pétrole, comme acte de représailles, la République islamique pourrait priver le marché mondial de plusieurs millions de barils par jour, de quoi entraîner une forte flambée du prix de l’or noir et alimenter des spéculations de toute sorte.

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Plusieurs observateurs pensent que celui-ci atteindrait vite le niveau de 100 $ le baril, contre 60 $ environ actuellement.

Chose encore plus inquiétante, l’Iran contrôle un point géostratégique d’une importance vitale: le détroit d’Hormuz, à l’entrée du golfe Persique, d’où transitent chaque jour 15 millions de barils de pétrole, soit presque 20% de la consommation mondiale.

On peut facilement imaginer la folie qui s’emparerait des marchés financiers et boursiers internationaux si le bras de fer entre le régime iranien et Washington se cristallise sur le contrôle de ce point nevralgique.

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