La Nouvelle-Orléans: magnifique, envoûtante, mais encore blessée

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Publié 21/04/2009 par Aurélie Resch

Flânez dans les rues animées du Vieux Carré ou sur les bords du fleuve Mississippi, prenez un beignet au Café du Monde ou écoutez du jazz à l’incontournable Preservation Hall et vous tomberez à coup sûr sous le charme incroyable de la Nouvelle-Orléans. Berceau mythique du jazz, haut lieu de festivités marqué par le sceau du célèbre carnaval de Mardi Gras, la Nouvelle-Orléans n’a cessé de fasciner et d’inspirer voyageurs, artistes et aventuriers en tout genre. Tennessee Williams ne s’y est pas trompé, en venant humer l’air de la ville pour écrire son chef-d’œuvre Un tramway nommé désir.

Pour les musiciens de jazz, la Big Easy, est et reste LA destination où il FAUT venir jouer. Quant à l’industrie hollywoodienne, elle fait depuis de nombreuses années ses choux gras de la beauté stupéfiante des nombreux décors de la ville et ses environs. Pour n’en citer que quelques-uns: la plantation Oak Alley immortalisée dans Autant en emporte le vent (Victor Fleming) et ressuscitée dans Entretien avec un vampire de Neil Jordan, les bayous humides et mystérieux, toiles de fond de Angel Heart (Alan Parker) et du dernier film de Bertrand Tavernier Dans la brume électrique, ou encore l’atmosphère trouble de la Big Easy dans le film du même nom de Jim Mc Bride.

Il faut dire qu’il est difficile de ne pas être séduit par la beauté de l’architecture, l’atmosphère à la fois festive et mystérieuse de la ville et l’authentique gentillesse des gens. Bien au-delà des clichés, la Nouvelle-Orléans offre au visiteur une Histoire et une culture forte, riche et unique.

Deux visages

Si l’influence espagnole est omniprésente dans les jardins et sur les façades des maisons et que la culture créole jaillit à tous les coins de rues, la présence française reste prononcée, marquée dans les mémoires, les habitudes de vie, certaines coutumes et dans les noms donnés aux gens, aux lieux et aux rues. Même si la langue française est davantage parlée à Bâton Rouge ou Lafayette qu’à la Nouvelle Orléans, la culture francophone fleure bon dans cette ville que comptent les États-Unis comme l’une des plus pauvres du pays. Une immersion culturelle étonnante dans un coin de l’Amérique qui ne bénéficie pas toujours d’une bonne réputation.

Entre la corruption et le développement de commerces douteux qu’entraînent la pauvreté et l’inégalité raciale, sociale et économique, la Louisiane est une belle à deux visages. La Nouvelle-Orléans n’échappe malheureusement pas à la règle, même si le drame humain se déroule souvent loin des yeux du visiteur. Alors que la musique bat son plein dans les rues du Vieux Carré et que les façades magnifiques des demeures du Garden District enchantent les sens, la périphérie souffre toujours des dommages engendrés par l’ouragan Katrina.

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Les sequelles de Katrina

À quelques minutes en voiture des belles avenues et des parcs bien entretenus, le Ninth Ward, quartier le plus touché par la catastrophe cyclonique, exhibe toujours ses plaies béantes : maisons éventrées, terrains vagues, quartiers désertés, cimetières de voitures concassées, magasins vidés et amochés, rues désertes, personnes âgées hébétées devant des caravanes, écoles abandonnées, la liste est longue et pénible à faire quatre ans après le drame. Si la cosmétique a été rapide à être dispensée dans le centre et autour des attraits touristiques (185.4 millions de dollars, par exemple, ont été dépensés pour la reconstruction du stade Louisiana Superdome), il semble que le temps s’étire et que l’argent rechigne à être versé pour la reconstruction des banlieues et quartiers pauvres. « Ça a pris deux ans au gouvernement pour se décider à débloquer de l’argent pour La Nouvelle-Orléans.

«Le gouvernement de Louisiane l’a reçu, mais nous, nous ne l’avons toujours pas vu» m’a dit un habitant de ce quartier qui travaille aujourd’hui comme guide touristique. Et pour preuve, ces grands panneaux publicitaires datant de 2006 solidaires du soutien au développement mettant en avant des banques et des compagnies américaines d’envergure, commencent à s’effriter dans les terrains vagues. Le fossé entre les riches et les pauvres continue ainsi de se creuser et plonge de nombreuses familles dans la misère et l’incertitude. Des quartiers autrefois relativement tranquilles deviennent le terrain de prédilection de petits gangs mafieux qui profitent du désarroi des uns et des autres pour faire prospérer leur «business» de drogue, racket et prostitution qui s’étend parfois jusque dans certains bars louches de la rue Bourbon, au centre ville. Presque quatre ans après le désastre Katrina, on estime que la population de la Nouvelle-Orléans est passée de 450 000 à 
250 000 personnes.

Une ville prête à rebondir

Disparues, trop pauvres ou ayant tout perdu pendant le cyclone, de nombreux louisianais restent en exil dans d’autres états de l’Amérique. Récemment, certaines vedettes, comme Brad Pitt ou Mike Holmes initient des projets de reconstruction et s’investissent personnellement pour recentrer l’attention des médias sur ceux qui ont été trop vite oubliés et qui ont encore tant besoin d’aide.

La crise économique actuelle n’aide pas non plus la situation. Le marché de l’emploi ne va pas fort et l’industrie du tourisme subit une crise: si l’on pouvait compter près de vingt cinq millions de touristes avant Katrina dans la ville qui a vu naître Louis Armstrong et Truman Capote, ils ne sont certainement pas aussi nombreux aujourd’hui à venir s’encanailler dans les rues et boîtes de jazz du Vieux Carré. «Il y a quelques années, il y avait des dizaines et des dizaines de bus touristiques pleins comme celui-ci qui sillonnaient la ville. Et regardez aujourd’hui: quelques mini vans… Les temps sont difficiles après Katrina et Gustav et avec la récession…». Et pourtant, l’optimisme (ou le fatalisme), la joie de vivre et la gaîté l’emportent. À moins de vous appesantir sur la situation post-Katrina dans votre conversation avec les habitants, vous n’aurez pas accès à l’amertume et à la tristesse qui assombrissent leur cœur. Au contraire, les gens se feront un plaisir devous faire découvrir leur ville dont ils sont fiers, leur héritage culturel et la beauté des Everglades et des parcs environnants. Patients, toujours avenants et souriants, ils sauront vous faire partager leur amour pour cette ville superbe, à part des autres mégapoles américaines, où l’art de la table, l’hospitalité et la musique restent un art de vivre au centre de tout événement.

Auteur

  • Aurélie Resch

    Chroniqueuse voyages. Écrivaine, journaliste, scénariste. Collabore à diverses revues culturelles. Réalise des documentaires pour des télévisions francophones. Anime des ateliers d’écriture dans les écoles, les salons du livre et les centres culturels.

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