De nos jours, l’improvisation – a priori la forme la plus naturelle de création musicale – se trouve le plus souvent cantonnée au domaine du jazz. Les musiciens classiques, en contraste, ont les yeux rivés sur leur partition, comme si tout écart par rapport aux notes et aux indications du compositeur constituait une trahison. On semble avoir oublié que les plus illustres d’entre eux, de Bach à Liszt en passant par Mozart et Beethoven, étaient de redoutables improvisateurs.
C’est dire si la pianiste vénézuelienne Gabriela Montero arrive à point nommé avec Baroque (EMI Classics), en revitalisant l’art de l’improvisateur, le temps d’une quinzaine de performances dont elle nous assure le caractère totalement spontané et «mystérieux».
Comme son titre l’indique, Baroque s’est donné des paramètres précis, mais il ne faut pas s’attendre à une stricte fidélité sur le plan stylistique. Si les thèmes sont, pour l’essentiel, familiers (Bach, Handel, Albioni, Vivaldi et l’inévitable Canon de Pachelbel), l’intérêt de cet enregistrement réside dans les libertés que s’accorde Montero, qui laisse paraître l’influence d’autres idiomes (tango, blues) ou aborde des morceaux du XVIIIe siècle avec l’austérité veloutée d’un Érik Satie.
Si ces mélodies presque trop familières servent de porte d’entrée dans l’univers de Montero, c’est ce que son esprit et ses doigts en font presque à leur insu qui capture – et maintient – notre intérêt.
Quand on sait qu’elle a déjà passé le thème de Star Wars dans son colimateur, on se doute bien qu’on n’a pas fini d’entendre parler de Gabriela Montero. Reste à voir si sa démarche inspirera des concertistes bien établis à quitter les sentiers balisés de la partition.