La Lune dans le caniveau

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Publié 29/01/2008 par Dominique Denis

Voilà un numéro d’équilibriste digne des meilleurs saltimbanques: sans sacrifier l’essentiel de la palette sonore de ses albums Western Romance et Nucléaire, qui ont fait de lui le plus audacieux et inventif parmi la nouvelle génération d’auteurs-compositeurs québécois, Yann Perreau tenait à explorer le potentiel d’une relation symbiotique entre un interprète et un accompagnateur, en l’occurrence l’exceptionnel pianiste et claviériste Alexandre McMahon.

Moyennant un recours à un peu de technologie numérique (d’accord, pas mal de technologie, mais elle est judicieusement employée), Yann a pondu Perreau et la Lune, question de nous rappeler qu’un spectacle ambitieux peut aussi être un modèle d’intimité.

Entamée au début de l’année dernière, la tournée Perreau et la Lune a fait escale au mythique Théâtre de Quat’sous, dont elle assura par la même occasion la fermeture définitive. Si le spectacle que nous offrait Perreau lors du dernier Salon du livre de Toronto a eu lieu dans des conditions exécrables, le cadre enchanteur du Quat’sous se prêtait admirablement à cette rencontre entre théâtre en chanson, qui lui a d’ailleurs valu le Félix de la meilleure mise en scène au dernier gala de l’ADISQ.

Double CD agrémenté d’un DVD, Perreau et la Lune live au Quat’sous (Bonsound Records/Distribution Fusion III) nous révèle un artiste qui a osé défricher son propre univers au carrefour de la Commedia del’Arte et du théâtre de Weill et Brecht. Un univers où la lune se reflète parfois dans les yeux d’une Colombine des temps nouveaux («Ma dope à moi, c’est ma copine»), mais parfois aussi dans la flotte poisseuse des caniveaux.

On lui pardonnera quelques relatifs passages à vide dans la deuxième moitié du spectacle, du genre qu’il aurait pu éviter s’il avait disposé d’un plus vaste répertoire, puisque ce n’est qu’une question de temps avant que «celui qui bogue la machine» nous convainque – et nous séduise – tout à fait.

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De la puce à l’éléphant

Dès son arrivée comme une bouffée d’air frais en 1993 avec Le bal des oiseaux, le Français Thomas Fersen avait un son et un univers bien à lui: vieillot sans être rétro, coquin sans être scabreux, peuplé de bestioles de tout acabit (de la puce à l’éléphant) et d’excentriques plus ou moins dangereux. Quinze ans et neuf albums plus tard, le voilà arrivé au stade d’une carrière où l’on peut légitimement s’adonner à l’exercice de la compilation-bilan.

Mais c’eût été mal connaître Fersen que de s’attendre à ce qu’il rassemble bêtement les versions originales de ses chansons qui, à défaut de troubler les palmarès, lui ont assuré un public aussi fervent que fidèle. Ainsi, Gratte-moi la puce – Best Of de Poche (Tôt ou Tard/Warner) pousse à l’extrême la logique du minimalisme.

Ce sera donc à deux yukulélés – le sien, un soprano, et celui de son complice Pierre Sangrã, un baryton – que la puante Zaza, les métaphoriques Papillons et le troublant Yacinthe nous reviennent aujourd’hui dans leur plus simple appareil.

Bien sûr, on aurait pu craindre que cette formule lui présente une palette trop limitée pour maintenir notre intérêt pendant plus d’une heure (en scène, il tenait le coup pendant deux heures!), mais l’ingéniosité de Fersen et Sangrã pallie les éventuelles lacunes d’un instrument qui n’est guère reconnu pour ses qualités expressives.

Au moyen de délicats arpèges, d’élégants contrepoints et de passages à l’unisson, nos deux «yukulélistes» en font juste assez pour assurer la charpente rythmique et harmonique des chansons, et les textes de Fersen, qui sont autant de tableaux savoureusement fantaisistes, se chargent du reste.

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Bien sûr, on ne recommanderait pas de faire de Gratte-moi la puce le point d’entrée dans le monde de Fersen, mais comme leçon dans l’art de l’économie – et les vertus d’une chanson bien écrite – on ne fait guère mieux.

Lapointe le symphomane

S’il est un artiste de la chanson québécoise qui peut se permettre – et dont l’œuvre justifie – les grands déploiements symphoniques, c’est assurément Pierre Lapointe. Et s’il est un chef d’orchestre capable de relever le défi d’un tel mariage, c’est bien Yannick Nézet-Séguin, dont l’Orchestre Métropolitain du Grand Montréal est devenu, en quelques années à peine, l’entremetteur idéal pour ceux qui n’avaient jusque là pas osé franchir le pas entre culture populaire et musique dite «sérieuse».

Présenté en clôture des Francofolies de Montréal, en août dernier, Pierre Lapointe en concert dans la forêt des mal-aimés (Audiogram) documente une folle aventure digne des années 70, époque où d’ambitieux rockeurs du genre Procol Harum, Deep Purple et Emerson, Lake & Palmer avaient le culot – et les moyens – de frotter leur répertoire aux archets d’une soixantaine de musiciens de formation classique, avec des résultats, il faut le dire, assez inégaux.

Mais ce qui était toujours présent dans les rencontres du genre, ne serait-ce qu’en vertu de leur échelle, c’était le sentiment d’assister à un événement. Et ce qui est évident, dès l’ouverture instrumentale digne d’un opéra (et qui sert à introduire des bribes de mélodies déjà familières), c’est que Dans la forêt n’est rien de moins qu’un événement.

Galvanisé par l’alliage d’une rythmique rock et du maëlstrom sonore de l’orchestre, Lapointe peut enfin aller au bout de la logique fantasmagorique de son personnage mi-charmeur, mi-baveux, mais dont les chansons, véritables joyaux d’invention mélodique, font pardonner les occasionnelles affectations de l’interprète.

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Loin d’être un simple caprice de vedette en proie à la folie des grandeurs, Dans la forêt se veut le prolongement logique d’une œuvre qui, en puissance, était déjà symphonique.

L’AMOUR au féminin

Bien avant que les apôtres de la World Music en fasse leur modus operandi, la Méditterrannée était un carrefour culturel où les chansons circulaient librement, portées par les voix et les instruments de musiciens de toutes provenances et persuasions.

L’ensemble montréalais Constantinople a fait équipe avec l’interprète de souche franco-marocaine Françoise Atlan pour nous livrer Ay!! Amor…Songs of Love and Songs of Women, sensuel bouquet de mélodies d’origines perse, judéo-espagnole, ibérique et française, auxquelles viennent se greffer tout naturellement des créations récentes de Constantinople.

Un bouquet que l’on pourra humer à souhait les 8 et 9 février, à 20h00, au centre Trinity St Paul (427, rue Bloor Ouest). Billets: (416) 964-6337.

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