Voilà un numéro d’équilibriste digne des meilleurs saltimbanques: sans sacrifier l’essentiel de la palette sonore de ses albums Western Romance et Nucléaire, qui ont fait de lui le plus audacieux et inventif parmi la nouvelle génération d’auteurs-compositeurs québécois, Yann Perreau tenait à explorer le potentiel d’une relation symbiotique entre un interprète et un accompagnateur, en l’occurrence l’exceptionnel pianiste et claviériste Alexandre McMahon.
Moyennant un recours à un peu de technologie numérique (d’accord, pas mal de technologie, mais elle est judicieusement employée), Yann a pondu Perreau et la Lune, question de nous rappeler qu’un spectacle ambitieux peut aussi être un modèle d’intimité.
Entamée au début de l’année dernière, la tournée Perreau et la Lune a fait escale au mythique Théâtre de Quat’sous, dont elle assura par la même occasion la fermeture définitive. Si le spectacle que nous offrait Perreau lors du dernier Salon du livre de Toronto a eu lieu dans des conditions exécrables, le cadre enchanteur du Quat’sous se prêtait admirablement à cette rencontre entre théâtre en chanson, qui lui a d’ailleurs valu le Félix de la meilleure mise en scène au dernier gala de l’ADISQ.
Double CD agrémenté d’un DVD, Perreau et la Lune live au Quat’sous (Bonsound Records/Distribution Fusion III) nous révèle un artiste qui a osé défricher son propre univers au carrefour de la Commedia del’Arte et du théâtre de Weill et Brecht. Un univers où la lune se reflète parfois dans les yeux d’une Colombine des temps nouveaux («Ma dope à moi, c’est ma copine»), mais parfois aussi dans la flotte poisseuse des caniveaux.
On lui pardonnera quelques relatifs passages à vide dans la deuxième moitié du spectacle, du genre qu’il aurait pu éviter s’il avait disposé d’un plus vaste répertoire, puisque ce n’est qu’une question de temps avant que «celui qui bogue la machine» nous convainque – et nous séduise – tout à fait.