La fin des chicanes?

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Publié 08/04/2014 par François Bergeron

Le Parti québécois de Pauline Marois a subi lundi une défaite historique, sa pire depuis les toutes premières élections auxquelles il avait participé en 1970: 25,4% des suffrages pour former de justesse l’opposition officielle avec 30 députés à l’Assemblée nationale.

Le Parti libéral du nouveau chef Philippe Couillard, 18 mois seulement après avoir été envoyé au purgatoire après la crise étudiante et divers scandales de corruption, reprend le pouvoir avec 70 élus (41,5% des voix), promettant une stabilité et une prospérité dont les Québécois semblaient avoir grand besoin.

Contre toutes attentes au début de cette campagne de seulement 33 jours, François Legault a profité d’une bonne performance au deuxième débat des chefs pour trouver le vent et faire élire 22 députés de sa Coalition Avenir Québec, 3 de plus qu’en 2012, avec cependant 23,1% des voix, 4 points de moins.

Un grand nombre de Québécois favorisent donc encore une «troisième voie» entre les sociaux-démocrates souverainistes et les libéraux fédéralistes. À lui de la préciser.

Enfin, grâce à Françoise David, le parti de «gauche, écologiste, féministe, souverainiste» Québec solidaire s’incruste lui aussi dans le paysage politique québécois, avec 7,6% du vote et maintenant 3 députés du Plateau et de ses alentours (la nouvelle élue avec une marge de quelques dizaines de voix seulement sur ses adversaires libérale et péquiste).

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Certains ont généreusement salué cette contribution «originale» ou «passionnée» de QS à la démocratie québécoise. Personnellement, j’y vois un égarement malsain dans la démagogie et la pensée magique.

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Les Québécois ont voté «contre les chicanes», a commenté le futur premier ministre Philippe Couillard, reconnaissant implicitement qu’on a bel et bien assisté lundi à une «défaite» du PQ – une véritable implosion, après une gouvernance incompétente et une campagne électorale encore plus erratique – plutôt qu’à une «victoire» libérale.

On a voté contre les sempiternels déchirements sur la place du Québec au sein ou à l’extérieur du Canada, et contre les nouveaux débats sur l’intégration des immigrants et la visibilité de leurs religions, pour s’occuper des «vraies affaires», le slogan bien trouvé des Libéraux.

Le Canada anglais peut se rendormir. Malheureusement pour Justin Trudeau, il ne pourra pas se poser en «Capitaine Canada» de sitôt.

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Mais soulignons que la Charte de la laïcité proposée par le PQ était populaire. La CAQ l’appuyait aussi et le gouvernement libéral ne pourra pas l’ignorer complètement.

Et mentionnons que des souverainistes, il en reste encore beaucoup: la majorité des Péquistes et des Solidaires, sûrement le tiers des Caquistes, même quelques Libéraux. Ce dont tout ce beau monde convenait, c’est que les «conditions gagnantes» d’un troisième référendum – essentiellement un Québec prospère – n’étaient pas réunies.

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Dans leur grande sagesse et magnanimité, les citoyens semblent avoir déjà pardonné aux Libéraux les accrocs à l’éthique documentés à la Commission Charbonneau – considérant que c’est inévitablement le parti au pouvoir qui est soumis à la tentation et qui doit composer avec des groupes d’intérêts compétitifs.

Cette «réconciliation» a été facilitée par l’urgence de relancer la création d’emplois, retrouver l’équilibre budgétaire et garantir la qualité des services publics. Évidemment, cela ne signifie pas qu’on peut recommencer impunément à se prendre une commission sur les projets de construction ou à ne les distribuer qu’à ses amis. Des règles strictes devrons être mises en place et respectées.

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Les Québécois ont aussi voté le 7 avril 2014 contre l’obstruction systématique au développement économique et contre les prétentions de la «rue» à gouverner le pays.

Mentionnons d’ailleurs que deux leaders étudiants de 2012 passés au PQ, Léo Bureau-Blouin et Martine Desjardins, ont été défaits dans leur circonscription respective. On ne refera pas aux Libéraux une nouvelle crise sociale avec casseroles et manifs nocturnes à répétition.

Bien sûr, l’opposition extra-parlementaire au gouvernement libéral ne manquera pas de faire valoir qu’avec moins de 50% des voix, l’équipe de Philippe Couillard n’a pas toute la légitimité pour faire adopter n’importe quoi à l’Assemblée nationale.

On aura raison de proposer des améliorations au système électoral (j’opterais pour un système préférentiel à choix hiérarchisés, déjà testé ici et là), mais il reste que pour les quatre prochaines années, personne n’aura une plus grande légitimité pour gouverner que les Libéraux.

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Il faut féliciter Philippe Couillard d’avoir eu l’instinct et le courage de se présenter au Lac Saint-Jean, traditionnellement «bleu», où il possède une résidence et où a été élu avec une bonne avance.

La première ministre Pauline Marois, on le sait, a été battue dans son comté de Charlevoix, et va quitter la direction du PQ.

Elle laisse un parti en déroute qui a perdu plusieurs de ses meilleurs éléments au parlement de Québec. La perspective d’une course au leadership opposant les Bernard Drainville, Jean-François Lisée et Pierre Karl Péladeau qui ont survécu n’est guère réjouissante.

Le grand parti de René Lévesque et de Lucien Bouchard faisait pitié, lundi soir.

On doit cesser de scander «On veut un pays» et s’atteler une fois pour toutes à en exposer les tenants et les aboutissants. Il est absurde qu’après plus de 40 ans de débats et deux référendums sur la «question nationale», les journalistes aient encore dû demander à Pauline Marois si un éventuel Québec souverain aurait un nouveau dollar, un passeport distinct, ses propres forces armées (oui, oui et oui aurait dû expliquer le PQ depuis longtemps).

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Le statut de pays ou de province n’a rien à voir avec la prospérité économique ni avec la qualité de la démocratie; c’est le régime politique et le système économique qu’on privilégie qui comptent. Un Québec souverain pourrait être libre et riche comme la Suisse, ou encarcané et pauvre comme Cuba: au choix.

Une meilleure union ou une réconciliation du Québec et du reste du Canada est évidemment toujours une option parfaitement désirable. Au choix aussi.

Auteur

  • François Bergeron

    Rédacteur en chef de l-express.ca. Plus de 40 ans d'expérience en journalisme et en édition de médias papier et web, en français et en anglais. Formation en sciences-politiques. Intéressé à toute l'actualité et aux grands enjeux modernes.

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