Quelle que soit la gravité des facteurs que l’on a évoqués afin d’expliquer la flambée récente des prix alimentaires, tels que la forte hausse du prix du pétrole, la demande croissante des produits alimentaires en provenance des pays à taux de croissance élevé, les biocarburants qui absorbent désormais une partie de la production agro-alimentaire dans les pays riches exportateurs, la faiblesse du dollar américain qui a favorisé les mouvements spéculatifs, la sécheresse et les inondations, etc., c’est dans le modèle et les politiques de développement suivis par de nombreux pays en voie de développement qu’il faut chercher les causes profondes des pénuries alimentaires.
Comme on sait, celles-ci ont provoqué des émeutes et contestations violentes dans plusieurs pays qui sont de plus en plus en perte d’autonomie alimentaire. En Égypte et en Haïti, les heurts et affrontements entre les forces de l’ordre et les insurgés ont entraîné plusieurs morts.
On estime en général que les prix des denrées alimentaires de base ont doublé au cours des trois dernières années avec parfois des hausses vertigineuses pour certains produits comme le riz dont le prix a augmenté de 100% seulement en quelques jours. Ceci est d’autant plus inacceptable pour les couches sociales appauvries de ces pays que les dépenses de nourriture représentent parfois jusqu’à 75% des salaires. Selon la Banque mondiale, une trentaine de pays risquent désormais de connaître de graves instabilités politiques et sociales.
Contrairement aux secteurs industriels et miniers où l’offre peut s’adapter plus rapidement à la demande, le processus d’ajustement est plus lent dans le secteur agricole en raison de ses rigidités structurelles. La pénurie actuelle des produits alimentaires pourrait donc se prolonger avec des conséquences graves et tragiques pour des populations entières si des efforts importants ne sont pas déployés afin de palier une situation jugée comme explosive dans certains pays.
Le spectre de la famine que l’on croyait chassé à jamais réapparaît ainsi. En effet, au cours des 30 dernières années, la disponibilité des produits alimentaires à des prix relativement stables et la concurrence des pays riches exportateurs pour se débarrasser de leurs surplus à coup de subventions illicites ont entretenu l’illusion que le monde avait définitivement vaincu ce fléau aussi vieux que l’humanité.