La Commission des droits de la personne a fait son temps

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Publié 18/04/2008 par François Bergeron

Le Parti conservateur de l’Ontario ne s’est pas encore relevé de sa cuisante défaite aux élections de l’automne dernier. Le chef John Tory, qui ne siège plus à Queen’s Park parce qu’il a été battu dans sa circonscription, s’accroche à son poste après avoir reçu un appui plutôt tiède lors d’un congrès cet hiver.

De toute évidence les Conservateurs de l’Ontario sont désemparés, ce qui nuit aux efforts de réélection des Conservateurs fédéraux de Stephen Harper. C’est surtout en Ontario qu’ils plafonnent dans les sondages, malgré la sous-performance des Libéraux de Stéphane Dion.

À la défense de John Tory, soulignons que le gouvernement libéral de Dalton McGuinty n’affichait pas un mauvais bilan et offrait peu de prises aux critiques. De plus, on ne peut pas blâmer uniquement John Tory d’avoir mal calculé l’impact de sa promesse de financer une plus grande diversité d’écoles. C’était dans son programme lors de la campagne au leadership de son parti et, plus tard, dans la plate-forme électorale qu’ont approuvée non seulement les sondeurs et les conseillers mais aussi les députés et les candidats locaux du parti.

Et voilà que le Toronto Board of Education vote pour la création de quelques écoles afrocentriques, faisant fi de l’opinion du gouvernement libéral et donnant raison à la vision pluraliste des Conservateurs!

L’actualité fournit cependant à John Tory (et à Stephen Harper) une nouvelle cause populiste: les commissions des droits de la personne au pays, mais notoirement en Ontario, ont perdu les pédales. Le racisme et le sexisme étant vaincus au Canada, ces tribunaux se cherchent de l’ouvrage et s’égarent dans la défense des motocyclistes qui veulent remplacer le casque par le turban, des transsexuels à la recherche de la chirurgie plastique parfaite, ou des musulmans qui s’offusquent des critiques des éditorialistes.

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Au Québec, un groupe noir (anglophone) a même déjà déposé une plainte contre l’humoriste Yvon Deschamps, apparemment ignorant que la marque de commerce de ce très grand artiste est justement l’expression de faux sentiments obtus!

Pour avoir moi-même été «poursuivi» deux fois devant la Commission ontarienne des droits de la personne, je peux attester que ces affaires auraient pu être expédiées beaucoup plus rapidement, soit en rejetant une plainte farfelue avant même de communiquer avec moi, soit en stoppant la procédure quand le plaignant a cessé d’y participer après ma première réponse écrite.

Récemment, la Commission a décidé de ne pas donner suite aux plaintes déposées par des étudiants en droit de Toronto et le Congrès islamique du Canada contre le magazine Maclean’s suite à la publication de l’article «The future belongs to Islam» du chroniqueur Mark Steyn. Maclean’s avait refusé de fournir aux plaignants un espace comparable, inaltérable, distinct du courrier des lecteurs, une discrétion que le rédacteur en chef Kenneth Whyte a défendue vigoureusement.

J’en profite ici pour faire remarquer que, sous la direction de Kenneth Whyte, Maclean’s est devenu un magazine intéressant et original, indispensable même, multipliant les reportages qui mettent à mal les idées reçues et qui éclairent des aspects souvent insoupçonnés de la société canadienne moderne. (www.macleans.ca)

Que la Commission des droits de la personne de l’Ontario ait accepté d’examiner cette plainte contre un organe d’information aussi respecté est déjà suspect. Qu’elle ait pris un an pour conclure qu’elle n’a pas la compétence juridique pour traiter du contenu des articles du magazine (parce qu’il ne s’agirait pas d’un «service» au sens de la loi qui, par ailleurs, s’appliquerait aux enseignes ou aux symboles mais pas aux textes plus longs…) relève d’une lenteur bureaucratique à laquelle nous sommes malheureusement trop habitués. Mais ce qui est inexcusable, c’est de rejeter la plainte contre Maclean’s en déversant son fiel quant au contenu «d’un certain nombre d’articles concernant les musulmans qui ont été publiés par le magazine Maclean’s et d’autres médias».

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Autrement dit, loin d’innocenter Mark Steyn (qui n’est pas vraiment une victime ici puisque ses tribulations en ont fait une vedette), la Commission présidée par l’ancienne mairesse de Toronto, Barbara Hall, peste contre les limites de son mandat. «Ce type de couverture médiatique a été identifié comme un facteur contribuant à la promotion de l’islamophobie et d’une intolérance sociétale envers les Canadiens et Canadiennes d’origine musulmane, arabe et d’Asie du Sud», lit-on dans le texte de la décision.

«La Commission reconnaît et comprend les graves préjudices que causent de tels écrits, à la fois pour les communautés ciblées et pour la société dans son ensemble. Alors que nous reconnaissons et favorisons tous la valeur intrinsèque de la liberté d’expression, il devrait également être possible de contester toute institution qui contribue à la diffusion d’opinions subversives et xénophobes.» (www.ohrc.on.ca/fr)

Ces gens-là sont des dictateurs en puissance, une police de la pensée d’Orwell, un tribunal de Kafka, qui empoisonnent notre démocratie et menacent nos droits et nos libertés les plus chères. Si le gouvernement libéral de l’Ontario ne prend pas les devants ou refuse d’abolir la Commission des droits de la personne (et, pendant qu’on y est, les autres dispositions qui limitent induement nos libertés d’opinion et d’expression), le Parti conservateur doit saisir ce flambeau, proposer une nouvelle «Révolution du bon sens» pour redevenir une alternative crédible au régime actuel.

Par la même occasion, John Tory pourrait suggérer à Stephen Harper une nouvelle façon de piéger Stéphane Dion: abolir la Commission canadienne des droits de la personne ou en faire l’un des enjeux de cette campagne électorale que les Conservateurs veulent déclencher le plus tôt possible.

Auteur

  • François Bergeron

    Rédacteur en chef de l-express.ca. Plus de 40 ans d'expérience en journalisme et en édition de médias papier et web, en français et en anglais. Formation en sciences-politiques. Intéressé à toute l'actualité et aux grands enjeux modernes.

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