La Coalition manque de Force

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Publié 05/03/2011 par François Bergeron

Ça devait s’appeler Force Québec et constituer un nouveau parti de centre-droite. Mais peut-être parce que ça évoquerait le parti de Silvio Berlusconi, Forza Italia, ou que ses membres auraient pu être appelés les foquistes, ça s’appelle désormais la Coalition pour l’avenir du Québec, mais tout le monde appelle ça «le parti de François Legault»… Et ce n’est plus vraiment un mouvement réformateur inspiré du Manifeste pour un Québec lucide de Lucien Bouchard, mais bien une formation prônant une «gauche efficace» à la Jean-François Lisée et mettant en veilleuse le projet souverainiste.

Bienvenue dans le monde merveilleux des intrigues politiques québécoises.

Le premier ministre libéral Jean Charest n’a jamais été aussi impopulaire, mais la chef du Parti québécois Pauline Marois suscite peu d’enthousiasme. Quand on a entendu dire que les ex-ministres péquistes François Legault et Joseph Facal réfléchissaient à la création d’un nouveau parti, un sondage surréaliste a tout de suite propulsé ce mouvement invisible au sommet des intentions de vote des Québécois.

Un autre sondage bidon a sacré Amir Khadir, l’unique élu du parti communiste Québec solidaire, «le politicien le plus populaire au Québec», mais c’était avant qu’on le surprenne en train de manifester contre un honnête commerçant de son comté parce qu’il vend quelques chaussures fabriquées en Israël.

Sous Gérard Deltell, l’Action démocratique du Québec (droite rurale nationaliste mais pas nécessairement souverainiste) se relève lentement du départ de son fondateur Mario Dumont (passé à la télé) et d’un congrès à la chefferie catastrophique. Mais quand on fait l’exercice d’essayer de deviner le programme qui pourrait être développé à partir de la plaquette présentée le 21 février par la Coalition pour l’avenir du Québec, l’ADQ paraît franchement audacieuse et visionnaire.

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Et il est clair que cette organisation de douze personnes (dont l’homme d’affaires Charles Sirois, fédéraliste de longue date, qui a remplacé Joseph Facal, fier souverainiste, aux côtés de François Legault) est encore loin de pouvoir rivaliser avec le PQ et le PLQ sur le terrain électoral. Prof aux HEC et chroniqueur au Journal de Montréal, Facal s’est rapidement dissocié du projet de son ami Legault, tout en saluant ses efforts pour revaloriser la réflexion et l’implication citoyennes.

La montagne a accouché d’une souris (d’un fromage, a écrit un éditorialiste). Where’s the beef? C’est ce qu’on se demande à la lecture de généralités ou de lieux communs tels que «le Québec peut et doit faire mieux», «notre redressement collectif passe d’abord par le retour de la confiance», «c’est la langue française qui nous rassemble et nous distingue», «nous avons décidé de miser sur ce qui peut nous unir plutôt que de rester campés sur ce qui nous a opposé dans le passé»… (www.coalitionavenir.org)

Quatre grands champs d’action sont proposés: l’éducation («priorité absolue»), la culture (dont le français est la «pierre d’assise»), des services publics plus performants (via la décentralisation, l’autonomie, les services directs aux usagers), une économie de propriétaires plutôt que de succursales («établir un climat résolument favorable aux investissements privés»). À part Amir Khadir et quelques chefs syndicaux, tout le monde est d’accord avec ça. La réaction générale au manifeste de la Coalition n’est donc pas négative, mais personne ne descend dans la rue non plus. On attend la suite.

On se doute que Libéraux et Péquistes auront tôt fait de reprendre à leur compte ou réactiver quelques bonnes idées mises de l’avant par la Coalition (évaluer les enseignants, garantir l’accès de tous à un médecin de famille, etc.). Les Libéraux pourraient même changer de chef avant les prochaines élections, ce qui compliquerait considérablement la vie de François Legault.

L’ADQ pourra faire valoir que son programme prévoit déjà l’abolition des commissions scolaires, l’ouverture de la santé au secteur privé, la fermeté face aux syndicats et une meilleure intégration des immigrants à la culture québécoise, des prises de position qui sont dans la logique de la pensée de la Coalition même si celle-ci n’a pas encore su ou osé l’exprimer en autant de mots.

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En revanche, la CAQ abandonne sans détour le débat sur la souveraineté du Québec en faveur d’un débat gauche-droite classique: plus d’État vs moins d’État.

Le raisonnement de la Coalition n’est pas faux: «Il faut sortir du déni et prendre acte de l’état des lieux au plan constitutionnel. À moins d’événements que rien ne laisse présager, ni un renouvellement constitutionnel qui satisferait une majorité de Québécois, ni la souveraineté n’adviendront dans un avenir prévisible. Cela dit, même si le statut constitutionnel d’un État est important, ce n’est pas le seul déterminant de son avenir. Le cul-de-sac de la question nationale ne doit donc pas nous empêcher d’offrir à ceux qui nous suivront un Québec dynamique et prospère, toujours maître de son destin.»

À l’instar du nouveau Réseau Liberté-Québec, François Legault et ses amis semblent croire qu’on ne peut pas marcher et mâcher de la gomme en même temps. C’est pourtant ce qu’on fait depuis le référendum de 1995.

Le PQ n’organisera pas de nouveau référendum s’il n’est pas confiant que le oui l’emporterait. Or on sait que de telles «conditions gagnantes» ne surviendraient qu’en cas de gaffe majeure du gouvernement fédéral ou du Canada anglais qui irriterait les Québécois. L’option souverainiste est une police d’assurance; pourquoi s’en priver? Et si le nationalisme québécois était supplanté un jour par un nationalisme canadien suite à des progrès spectaculaires du bilinguisme d’un océan à l’autre, on serait tous gagnants.

Auteur

  • François Bergeron

    Rédacteur en chef de l-express.ca. Plus de 40 ans d'expérience en journalisme et en édition de médias papier et web, en français et en anglais. Formation en sciences-politiques. Intéressé à toute l'actualité et aux grands enjeux modernes.

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