J’aurais aimé voter conservateur

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Publié 16/10/2008 par François Bergeron

Les Conservateurs méritaient ce qu’ils ont obtenu le 14 octobre: un gouvernement minoritaire à qui l’opposition libérale, bloquiste et néo-démocrate interdira de nommer un juge unilingue à la Cour suprême, d’imposer à des jeunes des peines de prison conçues pour des criminels endurcis, de sabrer dans la promotion de la culture ou de participer à une nouvelle aventure militaire contre l’Iran ou le Pakistan.

La prochaine fois (2010? 2011?), Stephen Harper devra convaincre un plus grand nombre d’électeurs de l’Est du pays et des grandes villes qu’il a réellement évolué sur ces enjeux et sur d’autres aspects de son leadership qui suscitent encore des interrogations. Ce faisant, il aidera peut-être aussi ses électeurs de l’Ouest et de la campagne à évoluer avec lui, ce qui serait encore plus rassurant. Qu’y a-t-il dans l’eau des bastions conservateurs pour que la loi et l’ordre soit un thème si dominant?

Cela dit, c’est évidemment sa performance dans la tourmente économique qui secouera le pays au cours des prochains mois qui déterminera son avenir politique, comme l’avenir de plusieurs autres de nos dirigeants fédéraux et provinciaux.

La prochaine fois, Stephen Harper devra aussi mener une campagne plus positive (centrée sur son programme plutôt que sur les tics de ses adversaires) et plus ouverte (aux journalistes qui font leur travail et aux électeurs qui ont le droit de connaître ses candidats). L’époque où un chef politique pouvait demander un chèque en blanc est révolue: on veut savoir ce qu’il fera ou ce qu’il ne fera pas, où il est inflexible et où il admet le compromis, si tous ses candidats rament dans la même direction ou si on peut s’accommoder de personnalités plus originales dans son entourage.

J’avoue avoir sous-estimé l’impact politique au Québec des coupures dans certains programmes de soutien aux artistes. Mais c’est surtout le silence des Conservateurs dans ce dossier, interrompu seulement pour attaquer les participants aux « galas subventionnés », qui a fait mal. Et qui pouvait imaginer que le Bloc québécois souverainiste deviendrait le plus grand défenseur de l’intervention fédérale dans la culture?

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C’est précisément parce que ses projets ne sont pas toujours populaires que Stephen Harper est le leader qui a le plus à gagner à rencontrer les gens pour devancer les controverses et expliquer sa vision. Ce serait aussi pour lui un moyen de glaner de nouvelles idées au lieu de se fier à des conseillers de toute évidence eux-mêmes déconnectés de leur milieu. Je soupçonne que le Premier ministre serait notre chef politique le plus intéressant – dans le sens d’instructif ou de stimulant – à inviter à dîner à la maison, comparé par exemple à Stéphane Dion qui ne serait sans doute pas très différent en privé de ce qu’il dégage en public.

Le taux de participation très faible (59%) à ce scrutin fédéral traduit autant l’incertitude de la population face aux défis qu’annonce la crise financière américaine/mondiale qu’une profonde déception face à toute une classe politique, déjà médiocre, dépassée par les événements. La démocratie doit permettre à des citoyens « ordinaires » de gouverner le pays; eh bien c’est réussi, nos dirigeants n’ont jamais été aussi « ordinaires »!

Depuis Pierre Elliott Trudeau, le Canada n’a pas pas connu de chef charismatique, convaincu et convaincant, maniant autant le français que l’anglais avec éloquence (bien que je suis maintenant habitué à la cadence et au français de Stephen Harper). Assurément, ce sera un critère important dans la course au leadership du Parti libéral (en 2009?), suite aux résultats désastreux du 14 octobre attribués en grande partie aux problèmes de communication de Stéphane Dion.

Dans l’immédiat, le chef de l’opposition libérale doit cependant arrêter avec ses collègues et ses adversaires les modalités de fonctionnement du gouvernement minoritaire conservateur, notamment face à la récession. Une meilleure performance électorale aurait permis aux Libéraux de proposer aux Néo-Démocrates une coalition gouvernementale appuyée ponctuellement par les Bloquistes; mais seul l’entêtement des Conservateurs à gouverner comme s’ils étaient majoritaires pourrait maintenant justifier un tel renversement.

Les Conservateurs seront d’ailleurs tentés de se replier sur eux-mêmes et d’ignorer une opposition en déroute et des gouvernements provinciaux à qui ils ne doivent rien. Stephen Harper parle déjà de réforme unilatérale du Sénat, sans doute le sujet le plus loin des préoccupations des Canadiens; une tentative de détourner l’attention de la vraie réforme qui s’impose, celle du système électoral.

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Ce serait une erreur. C’est précisément cette attitude de repli et de fermeture qu’il faut changer si on veut inspirer la confiance. C’est vrai en tout temps pour tous les leaders politiques mais particulièrement en ce moment pour le chef conservateur, dont les grandes orientations restent minoritaires par rapport à celles, presque identiques, des quatre autres partis.

Plusieurs commentateurs canadiens-anglais – et probablement plusieurs conseillers du Premier ministre – l’invitent entre autres à reconsidérer sa politique d’accommodements envers le Québec, la seule région où son parti n’a pas progressé malgré la reconnaissance de la « nation », le siège à l’UNESCO et d’autres incitatifs. Au contraire, c’est le temps de passer à Tout le monde en parle!

Auteur

  • François Bergeron

    Rédacteur en chef de l-express.ca. Plus de 40 ans d'expérience en journalisme et en édition de médias papier et web, en français et en anglais. Formation en sciences-politiques. Intéressé à toute l'actualité et aux grands enjeux modernes.

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